Le passage d'un tronçon de 17 km de l'autoroute Est-Ouest par le parc national d'El Kala, dans la wilaya d'El Tarf, à l'est de l'Algérie, est une action criminelle. Cela ne peut pas porter un autre nom. Les écosystèmes de l'ensemble du bassin méditerranéen seront déstabilisés d'une manière définitive. Les 1264 espèces végétales (32% de la flore nationale) et 878 espèces animales qui vivent dans ce parc risquent, en grande partie, de disparaître. Certaines de ces espèces sont rares. Sera menacée la vie des oiseaux migrateurs qui viennent hiverner et faire des nids dans cette zone humide célèbre par les lacs Tonga et Obeira. La population de l'Afrique du Nord et même d'Europe du Sud ressentira avec le temps le changement du climat après l'action désastreuse des bulldozers. Pourtant, le parc d'El Kala est une aire protégée par une loi sur l'environnement datant de 1983. La même année, un décret présidentiel portant statut des parcs nationaux a rendu obligatoire leur préservation des attaques extérieures susceptibles de modifier leur aspect, leur composition et leur évolution. Ce texte n'autorise la construction d'une route ou d'un bâtiment que dans «une zone périphérique» du parc. Or il n'existe aucune zone de ce type dans le parc d'El Kala. Autrement dit, il n'y a pas de possibilité de construire une route dans cette région. Le lancement des travaux de l'autoroute Est-Ouest tel qu'autorisé par le ministère des Travaux publics constitue un viol clair du décret présidentiel puisque le texte est toujours en vigueur. Le comble est que le ministère de Amar Ghoul a promis à un groupe de scientifiques venus plaider la cause du parc en juillet 2007 que les travaux seront suspendus. Par naïveté peut-être, les défenseurs verts ont cru sur parole le ministre. Après avoir gardé le silence sur l'affaire, le ministère de l'Environnement affirme avoir exigé «une étude d'impact» avant le lancement du projet. Si le passage de l'autoroute par le parc d'El Kala était interdit, comme soutenu çà et là, pourquoi alors exiger une étude d'impact ? Le problème est que cette étude a été élaborée à la demande de l'entreprise réalisatrice du projet, le japonais Cojal. C'est une tare de la législation algérienne : les études d'impact sur l'environnement sont faites par les maîtres d'ouvrage eux-mêmes. Par conséquent, il n'y a pas de raison de croire des études qui ne respectent pas les règles de l'impartialité et de la neutralité. De plus, l'étude produite pour le projet d'El Kala et qui serait lourde de 1000 pages n'a été vue par personne. Pas moyen donc de la contester ou d'élaborer des contre-arguments. Pourtant, l'étude d'impact, pour être sérieuse, doit être publique et soumise à vérification. Dans ces conditions, brandir cette étude comme une garantie pour justifier les travaux à El Kala n'a pas de sens. Dire, comme l'a déclaré Cherif Rahmani à la Radio nationale, que la défense de l'environnement ne doit pas entraver le développement est discutable. Primo, parce que la valeur et le patrimoine du parc d'El Kala, véritable réservoir de biodiversité, sont inestimables. Secundo, les membres du comité pour la sauvegarde du parc national d'El Kala ne sont pas hostiles au projet d'autoroute. «Nous voulons le parc et l'autoroute», disent-ils. La condition posée est que le tracé soit changé. Tant que les constructions n'ont pas été entamées, tout est possible. Presque 20 000 personnes ont déjà signé une pétition. Alors sauvez le parc national d'El Kala avant qu'il ne soit trop tard. C'est la seule manière de faire du «marketing» pour l'environnement !