Les détenus de la prison d'El Harrach, à Alger, ont vécu samedi une journée très particulière. Alors que ses codétenus dormaient encore, un des pensionnaires s'est suicidé durant la nuit de vendredi à samedi. L'acte était prévisible, ont indiqué certains détenus à leurs avocats. Le prisonnier, en détention provisoire pour l'assassinat de son épouse et de sa fille, souffrait depuis des mois de traumatisme psychique. Il se serait pendu alors que la cinquantaine de ses codétenus, avec lesquels il partageait la cellule, dormaient. C'est le choc pour tous, même si au fond, tout le monde affirme que « l'acte était prévisible ». Pour les responsables de l'administration, il n'y a aucune information sur les circonstances de cette mort tragique. « Les détenus dormaient et personne n'a vu ce qui s'est passé. Le parquet d'El Harrach a ouvert une enquête, et seule celle-ci peut déterminer les causes de la mort et les circonstances », nous a-t-on expliqué. Ce douloureux événement n'est pas un cas isolé dans cet établissement pénitentiaire, datant du début du siècle dernier. Il y a une vingtaine de jours, plusieurs prévenus ont été jugés par le tribunal criminel près la cour d'Alger, pour homicide sur un détenu. Ils ont été reconnus coupables et condamnés à dix ans de réclusion criminelle. Que s'est-il passé au juste ? Dans une salle d'une cinquantaine de prisonniers en attente d'un procès, chaque nuit, la victime, souffrant de troubles psychiques, ne cessait de crier et de s'agiter, empêchant les autres de dormir. « Il criait de toutes ses forces et pendant des heures et des heures, Allah Akbar (Dieu est grand), en récitant des versets coranniques, et passait son temps à aller d'un coin à un autre. « Ils se sont plaints aux gardiens, puis à l'administration, mais rien n'a été fait. Personne ne voulait lui changer de salle », explique un des avocats en charge de ce dossier. Il a ajouté qu'à la fin, « excédés par des nuits sans sommeil, ils ont fini par le faire taire à tout jamais, en l'étouffant. Un geste qu'ils vont regretter par la suite étant donné, selon leurs dires, qu'ils n'avaient pas l'intention de mettre fin à sa vie, mais juste le faire taire ». Ces deux cas tragiques qui ont bouleversé les locataires de la prison d'El Harrach, posent malheureusement l'épineux problème de la prise en charge des malades psychiques dans les établissements pénitentiaires. Dans son rapport pour l'année 2008, maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de défense et de promotion des droits de l'homme, a mis l'accent sur le problème, en exhortant les responsables à prendre les mesures nécessaires. Selon l'avocat, il existe, dans les prisons algériennes, 29 détenus souffrant de maladies psychiatriques, alors qu'ils devraient être tous hospitalisés dans les établissements spécialisés de santé mentale. L'administration pénitentiaire a récusé cette accusation, expliquant que les cas dont parle l'avocat sont « suivis régulièrement au niveau des services psychiatriques des centres hospitaliers ». Pour les mêmes responsables, il est plus facile de prendre en charge un cas de psychiatrie déclaré que celui qui ne l'est pas.