Des remises de peine et une liberté limitée seront accordées à des prisonniers bacheliers. Les dossiers seront examinés au cas par cas. Une ambiance fébrile régnait, hier, au centre pénitentiaire d'El-Harrach. La cour centrale de l'une des plus peuplées prisons d'Algérie arborait ses plus beaux atours pour recevoir des invités de marque. Le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz et quelques-uns de ses collègues des départements de la Formation professionnelle, de la Solidarité nationale, de la Jeunesse et des Sports, des Affaires religieuses et du Tourisme, tous étaient attendus pour assister à une cérémonie, organisée en l'honneur des détenus ayant réussi à l'examen du baccalauréat et du BEF. Selon les chiffres fournis par la direction générale des droits de l'Homme et de la direction de l'information et de la communication au département ministériel, 151 prisonniers, sur 305 candidats, ont décroché le fameux sésame qui leur ouvre la voie des études universitaires. Un peu moins de 120 détenus ont obtenu le brevet d'enseignement fondamental sur quelque 179 candidats. La prison de Tazoult (Batna) se classe en tête des établissements de détention avec un taux de réussite aux examens sanctionnant la fin de cursus moyen et secondaire, avoisinant les 90%. L'établissement de détention d'El-Harrach, datant de près d'un siècle (il a été construit en 1912), a obtenu l'honorable score de 59% de taux de réussite à l'examen du baccalauréat et de 81% de succès au BEF. La cérémonie d'hier s'est avérée une occasion en or pour des retrouvailles émouvantes entre les détenus et leurs proches parents. C'était là leur vraie récompense. “Cela fait deux ans que je n'ai pas tenu mon fils dans mes bras. Je lui rends visite chaque samedi, mais je ne peux lui parler qu'à travers une vitre au parloir”, a raconté une sexagénaire. “Au lieu de leur offrir des livres, ils auraient pu diminuer leur peine ne serait-ce que de trois mois”, a revendiqué sa fille qui l'accompagnait. Les détenus et leur famille espéraient des gestes de clémence à la mesure des efforts consentis dans la voie de la réinsertion socioprofessionnelle. Les études se révèlent, pour de nombreux pensionnaires des pénitenciers, comme un sacerdoce qui les aiderait à transcender la condition d'enfermement et surtout à retrouver un semblant d'espoir en des lendemains meilleurs. Accéder à l'enseignement supérieur équivaut, par quelque biais, à conquérir un peu plus la liberté confisquée. Une prisonnière, fraîchement bachelière, a avoué justement qu'elle “s'instruisait pour sortir de la prison”. Le ministre de la Justice n'a rien annoncé, hier. “Nous ne voulons rien dire, mais des mesures seront prises en faveur de certains détenus”, nous a révélé le directeur général de l'administration pénitentiaire. Des remises de peine et des libertés limitées seront accordées aux prisonniers qui répondent à des critères préétablis. “Nous procéderons au cas par cas”, a précisé notre interlocuteur. Les prisonniers, condamnés à des peines légères, ou qui sont quasiment au terme de leur détention, pourraient bénéficier de la liberté conditionnelle ou d'une semi-liberté (aller suivre normalement des cours à l'université puis retourner le soir en prison). Les autres seront inscrits à l'Université de formation continue (UFC). Pour le directeur général des centres pénitentiaires, la priorité est de prévenir la récidive en parvenant à préparer les incarcérés à la réinsertion socioprofessionnelle. D'autant que la population carcérale — dont 45% ont moins de 27 ans — tend à augmenter dangereusement. La prison d'El-Harrach abrite près de 3 000 pensionnaires. Elle dépasse, de ce fait, de très loin ses capacités d'accueil. Selon le directeur de cet établissement, environ 50% des détenus sont encore en attente de leur procès. Une visite sommaire du ministre dans certaines installations du centre a mis en lumière différentes carences en matière de prise en charge, médicale notamment. S. H. et S. L.