Quelque 300 détenus - de « la spéciale », qui concerne les affaires liées au terrorisme - observent, depuis vendredi dernier, une grève de la faim illimitée à la prison d'El Harrach, apprend-on de source sûre. La cause ? Un détenu, 56 ans, condamné à six ans de prison, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi dans l'enceinte même de la prison, ajoute notre source. La mort de celui-ci a suscité une onde de choc dans le milieu des prisonniers de la même catégorie, surtout que les raisons réelles de sa mort ne sont pas encore connues. Diabétique, ce prisonnier souffrait depuis mercredi de maux aigus, touchant l'ensemble de son corps. Il a été à cet effet ausculté, le jour même, par le médecin généraliste de la prison avant de rejoindre sa cellule. Mais le lendemain, le mal s'est aggravée jusqu'à l'emporter tard dans la nuit. Il a été ensuite transféré vers l'hôpital Zmirli, situé dans la même localité. Les détenus, apprenant les faits, se sont insurgés. N'ayant pas d'autres moyens de recours, ils ont entamé une grève de la faim, contestant les conditions de détention jugées catastrophiques, notamment le manque d'hygiène et l'insuffisance du suivi médical. Ils demandent aussi d'être traités de la même manière que les détenus du droit commun. Parmi ces prisonniers, il y a ceux dont les affaires sont encore en instruction et d'autres qui attendent impatiemment l'enrôlement de leurs affaires après des années de détention provisoire. Samedi 9 juillet, le sous-directeur de la prison a tenté de les convaincre de renoncer à leur action de protestation, en vain. Face au refus du directeur de les rencontrer, les grévistes ont exigé une entrevue avec le procureur général près la cour d'Alger qui ne s'est pas encore manifesté. Les prisonniers semblent être déterminés à aller jusqu'au bout de leurs revendications, qui ne datent pas d'aujourd'hui. Cette grève s'ajoute ainsi à la longue liste de protestations et de mutineries qui ont secoué les prisons à travers le pays depuis 2002. Les grèves de la faim et les mutineries sont devenues l'ultime recours pour les détenus qui vivent dans des conditions déplorables. Conditions qui ont été dénoncées à maintes reprises par les ONG internationales. En 2002, un grand élan de contestation a été enregistré dans plusieurs prisons du pays. Les détenus ont manifesté de la manière la plus violente leur colère contre le « mode » de traitement qui leur a été réservé, mais aussi contre les lenteurs dans l'enrôlement des affaires. Au moins onze mutineries se sont produites durant cette année-là. Le 5 mai 2002, un incendie déclenché par des mutins - complètement désespérés - a dévoré la prison Serkadji. Bilan : 19 morts et 6 blessés. Les mutins ont qualifié les conditions dans lesquelles ils sont incarcérés d'« inhumaines ». Ahmed Ouyahia, qui était à l'époque ministre de la Justice, a évoqué la fermeture de certaines prisons, dont Serkadji, qui ne sont plus conformes aux normes établies en la matière. Près de quatre ans plus tard, Serkadji, comme les autres prisons, est toujours opérationnel. D'autres mutineries se sont produites à El Harrach le 4 mai 2002, à Tazoult (Batna) le 12 mai 2002, à Chelghoum Laïd le 4 avril de la même année. La dernière mutinerie en date remonte au 28 juillet 2004. Elle a été déclenchée à la prison de Béjaïa. Il y a eu aussi des grèves de la faim qui ont été observées par des détenus mécontents de leur situation carcérale en 2003 et en 2004. La plus en vue date du mois de juillet 2004. Pour rappel, le ministre de la Justice et garde des Sceaux a déclaré : « La surcharge est une réalité dans les prisons. »