La mémoire nationale a peine à se remémorer si, dans le passé lointain, une telle vague de froid neigeux a eu à sévir aussi densément sur le pays. L'espace d'un week-end, les Algériens des villes et des campagnes et même de certaines zones sahariennes ont goûté aux plaisirs des yeux de ces paysages féeriques et aux joies de se bombarder à coups de boules de neige, s'offrant ainsi la seule distractions digne de ce nom de ces quinze dernières années. Mais au-delà de l'euphorie ambiante créée par les soudaines conditions atmosphériques dépressionnaires qui ont amusé grands et petits et comblé des agriculteurs heureux de ce « cadeau du ciel », la neige et le froid n'ont, a posteriori, pas fait uniquement que de gais lurons. Des automobilistes, surpris par la détérioration du climat, y ont laissé, pour quelques-uns, la vie et, pour de nombreux autres, de longues semaines d'hospitalisation. Des villages de montagne et des hameaux des hautes plaines du tell ont été brusquement coupés du monde sans que l'on sache les conditions de leur sauvegarde. Dans certaines zones agropastorales, les hommes comme le cheptel ont été surpris par la chute brutale du thermomètre au moment où la paralysie du réseau routier national interdisait tout échange inter-régions. La colère des populations n'a pas manqué de se faire jour à cause de l'absence de produits de chauffage (un comble pour un pays gazier) et, dans les agglomérations, les citoyens ont constaté, encore une fois et à leurs dépens, que certains commerçants n'ont pas raté l'occasion de faire flamber les prix à la consommation. Bref, cette parenthèse climatique, à l'instar d'autres colères de Dame nature, vient une fois de plus nous titiller sur la nette tendance à l'impréparation qui nous lie aux calamités et autres catastrophes. Pas de réactions officielles depuis mercredi ni de plan de sauvegarde sérieux n'a été envisagé pour porter éventuellement secours aux populations menacées. Comme au temps des inondations et des séismes, la machine bureaucrato-gouvernementale est toujours aussi lourde à se mettre en branle. Et dans l'intermède, la télévision nationale ne cesse de s'extasier sur la propension à la sempiternelle générosité de « ces Algériens-ci qui viennent en aide à ces Algériens-là », comme pour démontrer que cette main modestement secourable ne vient en fait que pimenter l'action de l'Etat. Mais chacun sait que lors de ces tragédies nationales, l'Etat est totalement absent et que nos gouvernants n'y sont pas blancs comme neige...