Longtemps accusés par l'armée malienne d'intelligence avec la rébellion d'Ibrahim Ag Bahanga, Barka Cheikh Ag Belkheir et Mohamed Ag Mossa sont surtout connus pour être des acteurs de l'accord de paix d'Alger de juillet 2006 signé entre la rébellion touareg de Iyyad Ag Ghali (également chef de la rébellion des années 1990) et le gouvernement malien sous la traditionnelle médiation de l'Algérie. L'Algérie que les deux parties ont régulièrement appelée pour intervenir et aplanir les conflits qui les ont toujours opposés depuis l'indépendance en 1963 du Mali, lorsque se déclencha la première rébellion touareg, sous le chef de Zeïd Ag Attaher et Elladi Ag Intallah, rébellion alors réprimée dans le sang. L'assassinat de ces deux cadres touareg est survenu deux jours à peine après l'échec des pourparlers entre l'Alliance touareg Nord-Mali pour le changement (ATNMC) et le gouvernement malien, des pourparlers abrités par la Libye et qui devaient sans succès répondre à un retrait de l'armée malienne de certaines localités du nord-Mali tel que le dictent les accords d'Alger. Comme il est survenu alors que l'armée malienne renforçait par des mouvements de troupes ses positions vers les bases de l'ATNMC dans la région de Kidal. «Tous les ingrédients sont réunis par les autorités maliennes pour mener plusieurs opérations sur le terrain et provoquer l'exode des populations touareg vers les pays limitrophes» prévenait alors le porte-parole de l'ATNMC. C'est bien ce qui est arrivé et l'assassinat des deux cadres touareg «par un chef militaire, capitaine, qui les a criblés de 17 balles, non loin d'un poste de contrôle à la sortie de Kidal» a créé une situation de «sauve-qui-peut» et une perte de confiance totale en les autorités maliennes. Un incident interprété comme une nette déclaration de guerre qui a immédiatement, et dès la matinée du 11 avril, provoqué une fuite en masse vers les montagnes d'officiers touareg avec à leur tête le lieutenant-colonel Bah Ag Mossa, «partis pour ne pas servir de prochaines cibles avec armes et voitures pour rejoindre la rébellion». «Il s'agit désormais d'une vraie rupture entre les touareg et les autorités centrales maliennes», nous affirme Hama Ag Sidahmed, porte-parole de l'ATNMC. La rupture est d'autant plus confirmée que «tous les cadres de l'ancienne» alliance du 23 mai 2006 «(rébellion de Iyyad Ag Ghali qui a signé les accords d'Alger, ndlr) ont rejoint les montagnes et ne restent à Kidal que les touareg de la commission des notables qui sont en train d'examiner la situation avec le gouvernement». La plus importante fuite sera surtout celle des populations civiles touareg qui effrayées par l'assassinat des responsables touareg et elles aussi en perte de confiance se sont mises à fuir villes et villages de la région de Kidal «utilisant transports, camions et véhicules tout-terrains. Alors que d'autres familles se sont cachées dans les périphériques de Kidal, en brousse, certaines sans eau, à l'écart de tout ce qui est militaire et services de sécurité». Près de 18 ans après la rébellion de 1990, l'Algérie, pays limitrophe des régions touareg, est alors de nouveau devenue le refuge naturel de toutes ces populations en fuite : Tin Zawatine, Timiaouine et Bordj Badji Mokhtar ne cessent jusqu'à l'heure de recevoir un flux de plus en plus important de civils touareg maliens fuyant leur pays, trouvant une assistance naturelle et par devoir du Croissant-Rouge algérien avec acheminement de tentes et de nourritures. Tamanrasset reçoit, elle aussi, un nombre important de déplacés qui trouvent refuge, comme à Tin Zawatine, auprès de familles touareg proches. Plus de 20 familles touareg maliennes sont à Tamanrasset, tandis que 40 autres sont réfugiées à Tin Zawatine, sans compter celles qui sont à Timiaouine et à Bordj Badji Mokhtar. «D'autres sont coincées à une trentaine de kilomètres de Kidal et cherchent des moyens de transport pour aller à Tin Zawatine algérien», nous précise Hama Ag Sidahmed qui apprécie amèrement les évènements. «On voit bien que l'armée malienne, censée protéger personnes et biens, a une mauvaise réputation au milieu des éleveurs et nomades touareg. Les souvenirs des répressions sauvages sur les éleveurs touareg des années 1963-64 et 1990-95 et les derniers assassinats des deux cadres touareg à Kidal restent très vivaces dans l'esprit de nos populations qui méritent mieux que ça. Au moins, si on ne prend pas en compte leurs préoccupations dans les domaines socioéconomiques, on peut les laisser tranquilles : il y a encore du chemin à faire !», déduit enfin le porte-parole de la rébellion touareg qui parle dans un contexte de crise aiguë avec le gouvernement de son pays. Une crise qui concerne au plus grand chef l'Algérie, pays traditionnellement médiateur entre le gouvernement et la rébellion maliens, et «sans lequel aucun dénouement de la question ne peut se faire», disent unanimement les responsables de l'actuelle rébellion. Depuis quelques jours, le gouvernement malien veut dépêcher à Alger des émissaires pour rattraper les évènements et demander qu'une autre médiation soit possible entre Bamako et la rébellion, mais jusqu'à présent les autorités d'Alger n'ont pas encore donné de réponse, en réaction aux graves allégations prêtées par la presse malienne proche du gouvernement qui accuse l'Algérie de tous les maux quant à la question touareg malienne.