Une comédie musicale burlesque mettant en scène Hitler fait ses débuts cette semaine à Berlin dans un théâtre où le dictateur allemand aimait lui-même venir écouter des opérettes. Les Producteurs, une comédie musicale, qui a fait ses débuts à Broadway en 2001, adaptée du film du même nom de Mel Brooks sorti en 1968, n'avait encore jamais été mise en scène en Allemagne où la presse se pose la question : « Berlin peut-elle rire d'Hitler ? » « Le rire est toujours signe qu'on commence à accepter quelque chose », estime Rita Baus, directrice artistique de la pièce dans laquelle des danseuses vêtues d'uniforme SS exécutent un cancan en formation de croix gammée. « Cela vous permet également de ressentir quelque chose non pas intellectuellement, mais de façon plus émotionnelle, avec vos tripes. Hitler est rendu tellement ridicule, tellement nu, que vous êtes surpris par votre propre rire », affirme Rita Baus. « Les Allemands sont prêts pour cela, les choses se normalisent peu à peu », ajoute-t-elle. La comédie se joue à l'Admiralspalast, un théâtre construit dans les années 1920 et rouvert en 2006 après rénovation dans le cœur de l'ancien Berlin Est. L'établissement dispose toujours de sa loge d'honneur où Hitler aimait venir se divertir. La pièce tourne autour de deux producteurs juifs qui décident de monter la pire des comédies musicales – Un printemps pour Hitler – pour réaliser une arnaque comptable. Mais contre toute attente, leur pièce satirique est un succès. Cette comédie, considérée comme un sommet de l'humour juif, a connu un grand succès aux Etats-Unis où elle est restée pendant six ans à l'affiche à Broadway, remportant plusieurs prix, avant d'être jouée en Israël et en Autriche. Sa venue à Berlin a toutefois déjà provoqué quelques remous, la police ayant reçu plusieurs plaintes après que de longues banderoles rouges avec un symbole noir aient été déployées sur la façade du théâtre. Le symbole sur ces bannières, rappelant les drapeaux nazis, n'est toutefois pas la croix gammée – interdite en Allemagne – mais un bretzel, une pâtisserie salée allemande par excellence. Ce n'est toutefois pas la première fois que le IIIe Reich fait l'objet de parodie en Allemagne. En 2007, le cinéaste suisse Dani Levy avait réalisé en Allemagne son long métrage sur Hitler, Mon Führer, une comédie qui avait connu un succès auprès du grand public même si elle a été mal accueillie par les critiques. Et la télévision commerciale allemande diffuse depuis deux ans Obersalzbourg, une comédie mettant en scène un Hitler salace. Pour Julius Schoeps, directeur du centre Moses Mendelssohn pour les études juives européennes à Potsdam, près de Berlin, les Allemands peuvent rire d'Hitler, mais le sujet doit être manié avec doigté. « Beaucoup de temps a passé. Ce qui était impossible, il y a 20 ou 30 ans, est maintenant possible. Mais je suggérerais aux metteurs en scène un tel spectacle qui fasse rire, mais que ce rire soit aussi mi-figue, mi-raisin », ajoute-t-il.