Mon salaire est de 26 000 DA, j'exerce ce métier depuis 20 ans au Centre Pierre et Marie Curie (CPMC), service oncologie. La charge de travail et les risques auxquels nous sommes exposés sont en fait le dernier des soucis des pouvoirs publics. Comment voulez-vous qu'un paramédical mal considéré, mal payé et dépassé par le nombre de malades qu'il prend en charge puisse arriver à assurer un travail convenable », nous confie un infirmier qui plaide pour la formation de jeunes paramédicaux afin d'assurer la relève, lors du 2e Salon paramédical en oncologie, organisé jeudi à Alger, par l'association Nour Doha, chaîne de solidarité nationale d'aide aux personnes atteintes de cancer. Le manque flagrant de paramédicaux, ont souligné les participants à cette rencontre, rend la situation très complexe que ce soit pour le paramédical ou pour le malade. « Nous n'arrivons plus à y faire face. Il m'arrive de faire 52 protocoles par jour. Ce qui représente un travail de toute une équipe », nous dira ce technicien supérieur de la santé en soins intensifs, qui a fini par quitter le service oncologie pour rejoindre la cardiologie, à l'hôpital Mustapha. Sa crainte est de voir des malades souffrir parce que les paramédicaux se font vraiment rares. « Qui assurera la relève dans les prochaines années ? », s'interroge-t-il. « Ce marasme dont souffre le paramédical a des répercussions importantes sur les malades. Il m'arrive de prendre en charge quatre malades dans un même lit au même moment. D'autres attendent leur tour pour la cure de chimiothérapie sur des chaises. Où avez-vous vu cela ? Avec tous mes respects aux patients, les malades sont entassés comme du bétail dans le service. Les paramédicaux en oncologie travaillent dans de très mauvaises conditions, que ce soit sur les plans matériel, moyens humains ou de l'hygiène », déclare un autre infirmier du service oncologie, qui précise que la manipulation de la chimiothérapie est un acte très rigoureux et nécessite une formation. « Nous avons appris sur le tas », a-t-il souligné. Quant aux risques auxquels sont exposés les infirmiers face à ces produits de chimiothérapie, notre interlocuteur précise que le paramédical n'est pas vraiment protégé. « Les substances radioactives contenues dans les produits sont éliminées par voie respiratoire et c'est nous qui inhalons ces particules radioactives. Les bavettes ne sont pas appropriées pour ce genre de produits encore moins les gants », a-t-il signalé. Une infirmière, qui abonde dans le même sens, relève qu'à défaut d'un nombre suffisant de paramédicaux dans le service, il arrive qu'elle s'occupe, en même temps, de la cure de chimiothérapie pour une dizaine de malades, d'un cas urgent et d'un malade en fin de vie. « Dans un service de 60 malades, nous sommes tous les jours confrontés à des situations très traumatisantes pour le malade et pour l'infirmier. Comment pouvez-vous soutenir et rassurer un nouveau patient qui vient faire sa première chimiothérapie et assister en même temps au décès d'un patient. Les malades qui sont en fin de vie méritent quand même de mourir dans la décence », a-t-elle souligné, précisant que le service n'est pas doté d'une unité centralisée pour la préparation de la chimiothérapie, qui est assurée par l'infirmier. Il est aussi chargé de l'injecter et de surveiller le malade. « J'assure au quotidien ce travail à haut risque et malheuresement, nous sommes mal considérés et mal payés. Avec mes 20 ans d'expérience, mon salaire n'est que de 20 000 DA toutes indemnités confondues », nous confie-t-elle. Mme Gasmi, présidente de l'association Nour Doha, interpelle ainsi le ministère de la Santé, dont un représentant était présent à cette journée, sur ce déficit en matière de salles et de moyens matériels au CPMC. « Il n'y a pas de salle d'aplasie au service d'oncologie au CPMC. Il y a seulement une salle de fin de vie que notre association a tenté d'aménager pour permettre aux patients de mourir dans la dignité », a-t-elle souligné. Par ailleurs, elle a déclaré que le personnel paramédical en oncologie doit être revalorisé en améliorant, notamment, sa situation socioprofessionnelle. « Il faut soutenir le travailleur paramédical face aux difficultés rencontrées quotidiennement dans ses fonctions. Il faut l'encourager pour le rôle psychologique, social et de soins qu'il accomplit auprès des malades », a déclaré Mme Gasmi. Elle a, par ailleurs, mis l'accent sur la nécessité de décentraliser les infrastructures de soins, appelant les pouvoirs publics à mettre en place davantage de centres de chimiothérapie à travers le pays, afin d'éviter aux malades vivant dans des régions éloignées les longs déplacements pour se faire soigner. Le représentant de l'association de Boussaâda a, quant à lui, soulevé le problème de prise en charge des malades de cette région. Il relève l'absence d'un oncologue et de moyens d'exploration dans cette région. Tous les examens radiologiques se font en externe, c'est-à-dire chez le privé, que ce soit l'échographie, le scanner, la mammographie. Nos malades sont traités au niveau du CPMC et les rendez-vous dans cette structure ne sont pas toujours possibles. Les patients ont tout le temps de mourir.