Après une accalmie éphémère, le harcèlement judiciaire contre le quotidien El Watan et son directeur de publication, Omar Belhouchet, reprend avec intensité. Une avalanche de procès concernant de vieilles affaires « de diffamation » tombent, depuis quelques jours, sur le journal et son premier responsable. Après l'examen de l'affaire opposant le quotidien à la compagnie Air Algérie où le procureur a requis 50 000 DA contre Omar Belhouchet, un nouveau procès a été ouvert hier au tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger. Il concerne, cette fois-ci, la plainte portée, en 2002 par la Gendarmerie nationale de Bouira contre le quotidien. Le plaignant proteste contre un reportage paru, le 1er avril 2002, sous le titre « Le mouvement citoyen à Bouira : M'chedallah, QG de la protesta ». Le journaliste, auteur du reportage, a donné la parole à des citoyens de la région qui se sont exprimés, à visage découvert, sur les événements de la Kabylie (avril 2001). Ces derniers ont ainsi pu dénoncer « les pratiques » de ce corps de sécurité, en évoquant l'assassinat de 123 jeunes lors des manifestations ayant suivi le meurtre du jeune lycéen Guermah Massinissa dans les locaux de la brigade de la gendarmerie de Beni Douala, à Tizi Ouzou. Il était 9h30, quand la présidente du tribunal appelle Omar Belhouchet à la barre. La juge lui demande, d'emblée, s'il a lu le contenu de l'article avant sa publication et pourquoi a-t-il été publié. Le directeur du quotidien El Watan lui répond en expliquant que le journaliste, auteur du reportage incriminé, a donné la parole à des citoyens et des délégués du mouvement des archs qui se sont exprimés à visage découvert. « Nous ne sommes pas responsables de la situation de l'époque. Il y a eu des déclarations plus virulentes que celles que notre journaliste a rapportées. Et il est préférable que ce genre de déclarations qui expriment la révolte des citoyens paraissent dans des journaux algériens que de les lire dans la presse étrangère ou sur internet », explique Omar Belhouchet. L'avocat de la partie plaignante revient à la charge pour reprocher au journal d'avoir attenté au corps de la gendarmerie. « Saviez-vous que ce genre d'article porte atteinte à cette institution et aggrave la situation dans la région ? », interroge la défense du plaignant. Omar Belhouchet rétorque : « Nous ne sommes pas responsables de la situation et ce n'est pas nous qui l'avons provoquée. Il y avait un contexte particulier à cette époque. Il n'y avait aucune volonté de nuire à la Gendarmerie nationale. » Son avocat, Khaled Bourayou, abonde dans le même sens. Ce dernier rappelle à la présidente du tribunal que le rôle du journaliste est de rapporter l'information sans la commenter. « Le journaliste n'a pas le droit de commenter ce qui a été dit. Il rapporte seulement l'information et le journaliste d'El Watan n'a fait que son devoir d'informer », précise maître Khaled Bourayou. Après avoir écouté ces explications, la juge a levé la séance. Le procès se poursuivra le 24 mai prochain.