Formation complémentaire des praticiens de la santé publique 1- Les biostatistiques La maîtrise de la biostatistique constitue une nécessité pour toute démarche programmatique et tout travail d'évaluation en santé publique. Or une grande partie des personnels médicaux chargés de la coordination ou de la gestion des programmes à différents niveaux ne maîtrisent pas cet outil. Des initiatives ont été prises, certes, dans un passé récent, pour y remédier par l'organisation de séminaires de courtes durées, au niveau de l'INSP notamment, mais la population de praticiens concernés reste faible. 2- L'économie de santé et les techniques de management. Devant la rareté des ressources financières, la maîtrise des outils fournis par l'économie de santé est une nécessité incontournable pour gérer les moyens disponibles de façon optimale. Les praticiens chargés des programmes de santé ou de la gestion technicoadministrative, ainsi que les décideurs au niveau intermédiaire devraient maîtriser les principes élémentaires de l'économie de santé et du management. 3- La maîtrise de l'outil informatique Le secteur de la santé a accumulé un retard considérable dans l'utilisation large des nouvelles techniques d'information et de communication. Il est possible, graduellement, de combler ce retard en ciblant les personnels pour lesquels la maîtrise de cet outil est indispensable. L'accès à Internet constitue une source de documentation et d'information indispensable à l'orée du IIIe millénaire. C'est pourquoi, l'initiation à l'utilisation des techniques informatiques des praticiens chargés des programmes ou de la gestion technicoadministrative devrait constituer une obligation. 4- Recyclage systématique sur les pathologies prévalentes. Certaines pathologies ont constitué, du fait de leur prévalence à l'échelle internationale, des axes de recherche appliquée (maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires, toxicomanie, etc.). Ce travail a abouti à l'établissement de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques. Des recommandations, fruits d'un consensus international, ont été arrêtées ces dernières années pour certaines pathologies (asthme, hypertension artérielle, etc.). Peu de praticiens ont eu à prendre connaissance des résultats de ces travaux et surtout de leurs conclusions pratiques du fait de la faiblesse des moyens d'information et de communication existants. L'extrême difficulté d'accès à la presse médicale internationale, soit par abonnement, soit par le biais d'Internet fait que bon nombre de praticiens généralistes continuent d'adopter d'anciennes conduites thérapeutiques abandonnées voire notablement modifiées. C'est pourquoi, il est urgent de réfléchir à un programme national évolutif de formation continue par voie de consensus tenant compte à la fois des besoins de santé et des progrès scientifiques. Dans l'immédiat, l'absence d'une revue nationale qui diffuserait régulièrement les recommandations internationales sur les conduites diagnostiques et thérapeutiques constitue un gros handicap. Le ministère de la Santé devrait, nous semble-t-il, à travers l'une de ses structures centrales, mettre en œuvre les moyens nécessaires pour donner vie à cet instrument indispensable pour compenser l'absence ou l'insuffisance de documentation scientifique internationale à caractère médical. 1- Essai de définition a- La formation de compétence Elle vise à faire acquérir les connaissances nécessaires actualisées insuffisamment ou non enseignée lors du cursus universitaire aux différentes catégories de praticiens généralistes versés dans des tâches ou fonctions spécifiques. Le contenu des programmes et la durée de l'enseignement en formation de compétence sont à différencier de la formation spécialisée universitaire. Cette formation devra être sanctionnée par un certificat de compétence ouvrant droit à une stimulation matérielle motivante. b- La formation de qualification Elle vise à faire acquérir des connaissances et des aptitudes nécessaires à l'exercice d'une spécialité en sciences médicales. Elle serait prise en charge par la faculté de médecine et sanctionnée par la délivrance d'un CES qui serait l'équivalent du DEMS, ouvrant droit là aussi à une rémunération adéquate. Il serait possible, pour bénéficier de cette formation, de répondre à certains critères : Une durée minimale d'exercice ou de fonction l'engagement à exercer en santé publique pendant une période déterminée après l'obtention du diplôme, etc. 2- Population cible des praticiens généralistes concernés par ces deux formations Formation de compétence Formation de qualification (CES) Contraintes à la formation complémentaire 1- Contraintes subjectives Il a existé par le passé une mentalité discutable et tenace au sein de l'encadrement de l'enseignement postuniversitaire, mentalité qui consistait à s'opposer systématiquement à l'établissement de passerelles entre cet enseignement et les besoins de formation du secteur de la santé publique. On ne peut aujourd'hui, dans notre pays, espérer accéder à la formation spécialisée qu'à la condition de réussite au concours de résidanat, alors que dans les pays avancés, connus pourtant pour leur rigueur en matière de formation, d'innombrables passerelles ont été créées pour l'accession à la formation postuniversitaire spécialisée. L'organisation d'une concertation entre tous les partenaires (université, santé publique) est plus que souhaitable et urgente. Cela permettrait de dissiper tous les malentendus, de rapprocher les points de vue et d'arriver à asseoir la formation complémentaire sur des bases saines et solides. L'engouement pour le perfectionnement et la formation en général est une réalité partagée par tous les praticiens qui exercent sur le terrain et qui font face à des problèmes de plus en plus complexes. Hélas, l'extrême rareté, pour ne pas dire l'inexistence des créneaux d'accession à la formation ainsi que l'absence de stimulation matérielle ne sont pas de nature à accroître leurs motivations. Les mesures d'accompagnement visant à stimuler matériellement l'effort de perfectionnement devraient, nous semble-t-il, être prises en charge dans le cadre de la nouvelle vision de la formation complémentaire. 2- Contraintes objectives Comment s'y prendre dans une conjoncture marquée par la rareté des ressources financières à la tâche de réalisation d'un vaste programme de formation complémentaire à même de préparer les personnels de santé d'aujourd'hui à faire face aux défis de demain ? Comment mettre en œuvre les moyens pédagogiques (structures et personnels) disponibles à la fois dans le secteur de la santé et à l'université, lorsque l'on sait que ces moyens ont toujours fonctionné de façon cloisonnée, sur la base de cahiers des charges non renouvelés, en inadéquation avec les nouveaux besoins de santé ? Ces deux grandes interrogations constituent deux grands chantiers sur lesquels devra s'exercer la réflexion des experts. Quelques propositions Pour asseoir les bases d'une véritable formation complémentaire de qualité, il faudrait : • Mettre en place un groupe de travail multidisciplinaire et intersectorial d'experts et de personnes de terrain qui aura pour tâches : De faire le point sur la formation complémentaire et de compétence dans notre pays ; de faire l'inventaire des actions engagées et moyens mis en œuvre ces vingt dernières années (exploitation des archives) pour cette formation complémentaire ; de réfléchir en fonction des réalités et des besoins nouveaux en santé tout en s'appuyant sur les expériences nationales, régionales et internationales sur le projet d'une nouvelle stratégie de formation complémentaire pour les années à venir... Associer à ce travail les experts et les compétences nationaux et internationaux. • Réunir en conférence, dans un deuxième temps, l'ensemble des intervenants dans le domaine de la formation complémentaire et ouvrir un débat qui devra déboucher sur un consensus national entre les organismes de formation universitaire et l'organisme employeur (le MSP). • Asseoir enfin les bases juridiques du programme national de formation complémentaire par l'établissement d'un projet de décret exécutif précisant les modalités d'organisation de cette formation. Conclusion Face aux nouveaux défis, les impératifs de l'efficacité du système national de santé, en liaison avec sa nécessaire adaptation aux progrès accélérés des sciences médicales dictent l'urgence d'une nouvelle stratégie de formation permanente et de perfectionnement des personnels de santé. Sans cette action, l'accumulation de nouveaux retards rendrait encore plus ardue, voire aléatoire, l'entreprise de redressement largement souhaitée dans le secteur de la santé.