Les Israéliens plus que d'autres ont pris hier l'exacte mesure de l'échec de la rencontre la veille à Washington entre leur Premier ministre et le président américain. La conclusion tient en peu de mots : désaccord sur tout. Le processus de paix au Proche-orient avec au bout la création d'un Etat palestinien, la colonisation israélienne ou encore le nucléaire iranien, une menace selon les Israéliens, mais que Barack Obama relativise, voire la minimise. A vrai dire, il n'y a pas lieu de s'étonner de cet échec programmé par les Israéliens qui ont tout fait pour saboter une telle rencontre, importante pour le président américain auteur de nombreuses promesses et qui, selon toute vraisemblance, a d'autres projets pour son pays. Ce que Benjamin Netanyahu refuse d'accepter même s'il le comprend. Et c'est justement cette analyse que retiennent la plupart des observateurs israéliens, donnant ainsi cette nette impression que leur Premier ministre n'a absolument rien compris et qu'il n'est plus en 1996, année de sa première accession à ce poste, avec un comportement belliqueux amenant alors les analystes à dire, avec un air de mortelle dérision, qu'Israël voulait « la paix et les territoires », par opposition bien entendu à l'offre arabe consistant à faire la paix avec Israël en échange de son retrait des territoires arabes. Et pour tout dire, Netanyahu n'était que la version dure de la politique israélienne. Comme on le constate avec la toute récente décision du ministre travailliste de la Défense, Ehud Barak, de mettre la ville d'El Khalil sous haute tension. Les autres dirigeants n'ont pas fait mieux en termes de paix, le seul qui avait franchi le pas, a été assassiné. Il s'agit de Yitzhak Rabbin, signataire des accords d'Oslo que ses successeurs, aussi travaillistes que lui, se sont empressés de renier. Et très visiblement, les choses sont en train de changer même si Barack Obama, alors candidat à la présidentielle des Etats-Unis, avait assuré Israël d'une espèce de continuité, notamment sa sécurité comme cela est considéré. C'était donc une manière d'échapper à toute forme de critique et laisser ainsi la balle dans le camp israélien. Trois heures donc pour rien, mais le perdant, c'est Netanyahu même si y compris dans la conception américaine, rien n'est clair en ce qui concerne l'éventuel processus de paix et ce qu'on appelle communément les bases de règlement. Un universitaire israélien et expert des Etats-Unis estime qu'« une ère nouvelle s'est ouverte dans les relations entre Israël et Washington ». Selon lui, « le nouveau président américain n'éprouve pas de sentiment particulier envers Israël. Il défend ses intérêts et son approche globale du Proche-Orient qui consiste à se rapprocher du Monde arabe, fut-ce au prix d'un amenuisement des relations privilégiées avec Israël ». « Si Netanyahu s'obstine dans ses options, il y a un risque de confrontation qui se traduirait par un prix énorme pour Israël », ajoute-t-il. Le président Obama, qui veut promouvoir une paix régionale globale au Proche-Orient, cherche le rapprochement avec les pays arabes, appelle à la création d'un Etat palestinien et veut engager un dialogue avec l'Iran pour le convaincre de renoncer à son programme nucléaire. Même sentiment auprès d'un politologue, lui aussi israélien, qui estime que « pour Israël, l'ère Obama n'a rien à voir avec celle de son prédécesseur George W. Bush, mais les liens historiques américano-israéliens, profonds et multiples ne peuvent pas être remis en question ». Exactement ce qu'avait fait Obama avant son élection, mais on estime du côté israélien que M. Netanyahu a « échoué dans sa mission en manquant l'occasion de créer des liens de confiance avec le président américain ». Pour une élue travailliste, « en ignorant la solution de ‘'deux Etats pour deux peuples'' considérée par les Américains comme clef du conflit avec les Palestiniens, M. Netanyahu compromet les intérêts fondamentaux d'Israël ». Particulièrement attentive à cette rencontre qui précède celle qui la réunira à Washington avec les Etats-Unis et Israël, à la fin de ce mois, la direction palestinienne estime que « les déclarations d'Obama à propos de sa confirmation d'une solution à deux Etats sont encourageantes, mais celles de Netanyahu qui ont ignoré la solution à deux Etats et les droits légitimes du peuple palestinien sont décevantes ». Pour le mouvement palestinien Hamas, les déclarations du président américain « non accompagnées de pressions sur l'occupant sioniste et de mesures concrètes ne reflètent pas un changement radical de la politique américaine envers notre peuple ». Le président palestinien doit être reçu à la Maison-Blanche le 28 mai, deux jours après son homologue égyptien Hosni Moubarak. Ces entretiens serviront à préparer le discours crucial que M. Obama doit prononcer à l'adresse du monde musulman le 4 juin en Egypte. L'on saura alors si Israël et pas seulement Benjamin Netanyahu constituent un réel obstacle. Il y a treize années, rappelle-t-on, Netanyahu lui-même avait fini par au moins atténuer son discours belliqueux. Il a dû quitter avant son terme son poste de Premier ministre, parce que justement il gênait la politique américaine dans la région.