Au lendemain de la catastrophe, une plainte a été déposée par le ministère de l'Habitat aux fins de déterminer les responsabilités et, par conséquent, sanctionner d'éventuelles infractions et entorses à la réglementation régissant la construction alors en vigueur. Entre la fin de l'été 2003 et le début de l'année 2007, des milliers de citoyens ont été entendus dans le cadre de l'enquête menée par la gendarmerie nationale et de l'instruction judiciaire du dossier. Le premier magistrat instructeur chargé du dossier rendra une ordonnance de non-lieu estimant qu'aucune charge ne peut être justement retenue contre les inculpés. Mais la justice persiste : elle a désigné un autre juge d'instruction qui a conclu à l'inculpation de 38 personnes pour « homicides et blessures volontaires, fraude sur la qualité et la quantité des matériaux de construction et non-respect de la réglementation en vigueur », dont des responsables d'entreprises publiques et privées, des techniciens du CTC, des responsables de bureaux d'études et autres intervenants dans l'acte de bâtir. En première instance, en juillet 2007, au terme d'un mois d'audiences tenues à la salle de conférences de l'université, spécialement aménagée pour la circonstance, vu le grand nombre d'accusés, témoins et autres citoyens qui se sont constitués partie civile, 27 accusés ont été condamnés à 2 ans de prison ferme assortis de 5000 DA d'amende, un autre, déclaré en fuite, a écopé de 3 ans de prison ferme. Les 10 accusés restants, principalement des maîtres de l'ouvrage comme les directeurs de l'EPLF, OPGI, SNTF et des techniciens ont été relaxés. Le représentant du ministère public avait requis la peine maximale prévue par la loi et le juge avait presque totalement satisfait son réquisitoire. Mais le parquet fait appel, tout comme les autres accusés condamnés. Une année plus tard, la justice réexamine le dossier en 2e instance et prononce la relaxe au profit de tous les accusés. Le parquet se pourvoit en cassation et l'on est à attendre la décision de la Cour suprême. Lors des débats en première et deuxième instance des spécialistes en génie sismique et en urbanisme ont clairement incriminé le zoning sismique en vigueur en 2003 soutenant que les normes de construction dans la région centre du pays étaient loin d'assurer un minimum de sécurité. Certains diront alors que le ministère de l'Habitat s'est précipité de déposer plainte pour éviter à différents segments de L'Etat d'être poursuivi pour avoir failli à leur devoir. Car le procès a permis aux spécialistes de s'inviter aux débats et des carences à plusieurs niveaux ont été dévoilées. De l'élaboration de normes parasismiques inadéquates à des défaillances d'ordre administratif comme les études de sol, le choix des terrains à bâtir en passant par le suivi technique des travaux de réalisation et l'importation et la commercialisation de matériaux de construction de mauvaise qualité avaient une grande part dans l'ampleur des dégâts humains et matériels enregistrés dans la région de Boumerdès. Un professeur en génie parasismique, entendu en tant qu'expert, a répondu au juge qui l'interrogeait en audience au sujet d'un site où l'on a enregistré beaucoup de décès à Corso que « même si l'on a observé un strict respect des normes de construction de l'époque, les bâtiments effondrés se seraient inévitablement écroulés », avançant que le problème réside dans la nature du sol. On ne devait tout simplement pas y construire, selon le Pr Chelghoum qui avance que le sol de Corso est alluvionnaire et de constitution récente. Faudra-t-il alors évacuer toute la région ? Surtout que les silos d'Eriad, construits selon des normes plus rigoureuses ont été endommagés. Toute la procédure juridique a aussi péché par certains aspects sélectifs : tous les sites où l'on a enregistré des dégâts « inattendus » n'étaient pas touchés. La plainte était, en outre, jugée recevable à Boumerdès et rejetée par la justice à Alger. Ce qui a donné du grain à moudre aux avocats des accusés. Le procès qui a vu la mobilisation, par les accusés, des ténors des barreaux du pays comme Me Brahimi et Bourayou aura cependant « servi par la dose de pédagogie qu'il renferme », nous disaient des robes noires à l'annonce du verdict en deuxième instance. En effet, après la révision des normes de construction au lendemain de la catastrophe, on constate que les intervenants dans la construction font plus attention et ne cèdent plus aussi facilement à la tentation de la fraude. Mais cela n'est pas suffisant, estiment les spécialistes. Sans un organisme qui ait les prérogatives d'intervenir dans tout projet de construction pour s'assurer du respect des normes, il y aura toujours des insuffisances et des risques. On l'a constaté lors du procès : le CTC qui n'a aucune force coercitive pour faire respecter la réglementation est poursuivi pour ne pas avoir fait ce qu'aucune loi ne l'autorise ou l'oblige à faire. Pis, une bonne partie des décès se sont produits dans des habitations individuelles dont la réalisation n'est aujourd'hui encore soumise à aucun organisme de contrôle. Des citoyens négligents ou ignorants ont-ils le droit de mettre en danger la vie de leur progéniture ?