Cette catastrophe n'a pas laissé indifférentes les victimes. L'on apprend à ce sujet qu'un groupe d'avocats est en train d'étudier les dossiers de 2500 familles qui comptent se constituer partie civile. La commission d'enquête mise en place au lendemain du séisme qui a ébranlé le 21 mai 2003 les wilayas de Boumerdès et d'Alger, a mis en exergue dans son rapport d'expertise «l'erreur humaine» dans la catastrophe. Le document transmis à la justice, mentionne que «l'ampleur des dégâts occasionnés par la très forte secousse tellurique aurait pu être beaucoup moins importante si les normes de construction avaient été respectées». L'effet de sites qui est à l'origine des 60% des ruines occasionnées, l'absence d'étude du sol complète, l'utilisation par des entreprises publiques et privées de matériaux de construction qui ne répondaient pas aux normes et enfin la mauvaise conception des bâtisses, sont les principales «faillites humaines», signalées par ladite commission. Parallèlement à ce travail, le ministre de l'Habitat a saisi, au mois de juin, soit un mois après le sinistre, la justice en déposant une plainte contre X. Une année après, quelle suite a été donnée à cette affaire? Au niveau du département de Nadir Hmimid, l'on s'en lave les mains, arguant du fait que «cette affaire ne dépend plus du département de l'Habitat depuis que le ministre a saisi la justice». On n'aura pas plus de détails au niveau du ministère de la Justice. «Les procureurs d'Alger et de Boumerdès ont été saisis du dossier, lesquels ont chargé les cours compétentes, de l'affaire». En d'autres termes, aucune avancée n'est enregistrée dans ce dossier qui continue de faire couler beaucoup d'encre. Un an après, les Algériens et principalement les familles des victimes ignorent les protagonistes «des faillites» citées dans ledit rapport. Une situation prévue par certains experts et hommes de loi. Me Ben Brahem, qualifie la plainte du ministère de «poudre aux yeux», estimant «qu'elle ne va jamais pouvoir aboutir à quoi que ce soit». Parmi les arguments avancés par cette avocate, «l'absence du corps du délit». «Dans la loi, l'acte criminel imputé à une personne physique ou morale doit être prouvé». Or, le ministre a attendu plus d'un mois pour décider de recourir à la justice, et ce, après que les services concernés eurent déblayé les décombres. Sur quoi les juristes vont-ils se baser dans leur procédure? Dans de telles situations, ces derniers peuvent se référer aux cahiers des chantiers qui comportent les comptes rendus des réunions avec les bureaux d'étude, ou aussi l'historique des bâtisses, qui inscrit tous les intervenants dans le projet. Une «tâche compliquée», selon notre interlocuteur : «Je vous défie de trouver une trace de ces documents au niveau des APC». Afin de déterminer les responsabilités, il faudrait, selon Me Ben Brahem, «ouvrir une enquête générale». Laquelle prendra en considération toutes les parties prenantes dans la construction. «L'acte de bâtir ne peut demeurer la responsabilité exclusive de l'architecte comme certains essaient de faire croire aux citoyens». La responsabilité du pouvoir politique ne peut aussi être dissociée de ce processus. «Les autorités publiques étaient au courant que Boumerdès est une zone marécageuse, cela ne les pas empêchés d'autoriser des programmes de construction dans la wilaya». En tant que juriste, «j'estime que cette donne est très importante», atteste-t-elle. Notre interlocutrice insiste sur le fait qu'un tel dossier demande beaucoup de temps. C'est une procédure très complexe et très lourde qui nécessite des années avant d'aboutir. L'avocate revient pour illustrer ce constat sur la plainte déposée contre l'Eplf, et précise que «c'est une action perdue d'avance», parce que «pénalement, la responsabilité ne peut se situer à son niveau». Et pour cause, «l'Eplf n'est pas un organisme de construction, son rôle est d'exécuter des projets décidés par l'exécutif et pour ce faire, elle fait appel aux entrepreneurs et entreprises du domaine». L'autre donne qui favorise cette thèse, est le fait que les experts ont confirmé que les destructions étaient dues essentiellement à la nature géophysique de la terre. Ce qui est de la responsabilité des bureaux d'étude. Mieux encore, l'Eplf peut «user de son droit d'ester en justice le maître de l'ouvrage». Le rapport de la commission d'enquête peut-elle servir de base juridique pour l'information judiciaire engagée par la tutelle? Notre interlocutrice est formelle. «Le rapport n'a aucune valeur juridique». Premièrement, parce que «les experts sélectionnés ne sont pas agréés par le ministère de la Justice». Première infraction. «Ces experts n'ont pas prêté serment, ce qui va à contre-courant des règles régissant le secteur». Deuxièmement, l'administration est «juge et partie», en procédant à la désignation des membres de la commission d'enquête, à laquelle ont pris part des agents du CTC. «Un organisme de contrôle qui a pénalement une responsabilité dans la catastrophe». «Qu'est-ce qui a empêché le ministre de la Justice de désigner par ordonnance, en référé des experts judiciaires?» s'interroge-t-elle. Pour leur part, les citoyens exigent la vérité dans cette affaire. «Une année après le séisme , on exige que les responsables du drame soient sanctionnés, or il semble que le pouvoir a déjà mis cette affaire aux oubliettes», nous déclare un citoyen dont la femme a péri dans le séisme, suite à l'effritement de sa bâtisse au niveau du site de 1200 Logements. Cette catastrophe n'a pas laissé indifférentes les victimes. L' on apprend à ce sujet qu'un groupe d'avocats est en train d'étudier les dossiers de 2500 familles qui comptent se constituer en partie civile pour «poursuivre en justice les responsables de ce crime». Ces familles attendent l'agrément de leur association pour activer, sachant que la procédure judiciaire nécessite des moyens financiers importants. Une chose qui tarde à venir. Cette situation est vue par ces familles comme «une volonté d'entraver cette démarche».