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Bonnes feuilles-Premier roman de Chahreddine Berriah
Publié dans El Watan le 28 - 08 - 2008

S ur les bords de l'oued Jorgi, les communautés subsahariennes ont délimité leurs territoires. Après les conciliabules entre les représentants des tribus et les concertations avec les groupes culturels, les chefs pour la plupart intronisés de force comme tels ont dessiné avec des moyens de fortune des frontières quasiment inviolables. Ainsi, des Etats, quoique sans hymne ni étendard, sont nés.
Les minorités constituées essentiellement de Rwandais, de Burundais et d'Ethiopiens, sans véritables porte-parole, ont été parquées dans une petite superficie escarpée en bordure d'une route départementale. Cet emplacement n'était pas fortuit : les apatrides, comme on les appelait curieusement, servaient, en fait, de système d'alarme automatique aux habitants des autres ghettos. Ces derniers, à chaque descente de nuit des gendarmes, les vrais, sont alertés par les cris et le tintamarre des fuyards. J'avais fini par comprendre que cette astuce machiavélique permettait aux chefs et à leurs peuplades de se disperser dans les méandres de la rivière. Les apatrides-cobayes, eux, se faisaient ramasser à la pelle et sans résistance.
J'ai appris aussi que dans ces courses poursuites fréquentes, l'être humain, quelles que soient ses convictions et sa personnalité, était capable de congédier son orgueil. Même temporairement. Aïssa le borgne, essoufflé, s'était résolu à se tapir dans les buissons pour échapper à ses poursuivants en treillis militaire. A ce moment, le destin ou la malédiction avait guidé dans le même endroit un adjudant éreinté et brûlant de douleur pour libérer son estomac sur lui dans un bruit de tonnerre. Assommé, Aïssa pensa d'abord à un orage avant de se rendre à l'évidence et maudire le ciel. Car, même si dans son lointain pays, il ne pleut pratiquement jamais, Aïssa sut que ce qu'il venait de recevoir sur la tête n'était pas des grêlons. Les gendarmes, après avoir livré leur bataille aux apatrides, remontaient ensuite en ville avec le sentiment du devoir accompli.
Et moi, je comptais parmi ces petites gens qui, à chaque fois qu'elles voulaient s'aventurer au-delà de leur périmètre réduit et constamment menacé, se devaient de monnayer leur liberté fragile. Cependant, les législateurs de l'oued, pour des raisons mercantilistes, mais aussi discriminatoires, ont établi une sorte de zone franche accessible à tous et baptisée «le souk».
C'est là que j'ai eu ma première altercation avec Eva. «C'est de la ségrégation. De par notre statut de clandestins non reconnu, nous devons être logés à la même enseigne. Tous ceux qui sont ici ont fui soit l'injustice de leur pays, la misère ou les guerres ethniques. Ces chefs masos l'ont-ils oublié ? Sinon, pourquoi alors érigent-ils leurs caprices en lois scélérates qu'ils imposent à leurs semblables ?» ai-je explosé au moment où George, le Nigérian, m'apostropha brutalement alors que j'essayais d'expliquer à un Rwandais qu'il n'était pas recommandable de toujours se fier à n'importe quel passeur pour prétendre traverser la frontière algéro-marocaine.
– Franchement, j'sais pas, mais y a quèque chose qui m'dit que t'es pas clair, toi, me menaça-t-il, les yeux à peine entrouverts.
-Normal, je suis basané parce que je suis du même continent que toi. Rassure-toi, il n'y a pas d'Européens ni d'Américains ici.
-Nom d'un chien sans queue, t'pourrais pas parler français comme tout l'monde, franchement ? fit-il contrarié.
George était surnommé «franchement». Un quolibet qui lui a été attribué par les francophones de l'oued en raison de sa fâcheuse habitude d'utiliser à tout bout de champ et de manière abusive l'adverbe «franchement». George adoptait aussi ce comportement puéril et orgueilleux pour démontrer qu'il parlait français.
Et il tirait davantage son orgueil de sa diaspora nigériane qui, numériquement supérieure, imposait le respect.
Mon devoir à moi était de me fondre dans les entrailles nauséabondes de ce camp. Sans a priori, sans parti pris, je devais endosser l'habit répugnant du clandestin et m'assujettir aux dures et maladroites instructions d'hommes abêtis par le fascisme de leurs gouvernants et revalorisés par la seule faiblesse d'une catégorie d'humains dont l'espoir et la vie se rétrécissaient à vue d'œil. Des hommes devenus imbéciles par trop d'attente et d'incertitudes. J'étais encore plus endolori en percevant de l'intérieur la force et la faiblesse. Une notion que ne peuvent pas toujours comprendre ceux qui sont là-haut. En ville. Combien de fois je m'étais senti lâche. Combien de fois j'étais sur le point d'abandonner cette mission qui ressemblait à un jeu hypocrites. J'avais le sentiment d'être un indu occupant, un espion au milieu d'une plèbe sans véritables repères ne jurant que par le départ, l'exil.
– Tu es à leur service. Tu es peut-être leur sauveur. Au nom de la libre expression, reste !
La voix m'ébranla. Ma conscience me secoua.
Camara, surnommé le bossu, longeait nonchalamment l'avenue Montrou. La tête baissée, l'air perplexe.
– Camara, tu me dois toujours mes deux-cents dollars, quand est-ce que tu me les rendras ? interpella celui qui se faisait appeler Jean, un Nigérian. Camara tressauta avant de s'immobiliser :
– Putain de pute de mille et un pédés, tu ne pouvais pas dire bonjour avant ? Tu veux dire tes 200 faux dollars… Je te les rendrai quand j'en aurai fait des copies. Donne-moi seulement le temps de mettre un peu d'argent de côté. Ce soir, si tout ira bien, j'échangerai quelques faux billets contre de vrais dinars algériens.
– Ne fais pas trop de business sur mon dos, je te préviens, riposta Jean, le visage sévère.
– Tu n'veux pas que j'gagne un peu de fric, hein ? De toute façon, si j'me fais choper, c'est moi qui paierai. C'est moi qui prends le risque, répondit Camara, l'air toujours narquois, même si son vis-à-vis ne donnait pas l'impression de rigoler.
– Tu t'arrangeras aussi pour me balancer, dis-le, hein ? Ton enthousiasme exagéré ne m'inspire pas confiance. Je te préviens Camara, si tu me joues un sale tour, je te tuerai.
Prenant enfin au sérieux la menace, Camara blêmit :
– Tu en es capable ?
– Tu me défies ?
– Arrête, t'auras tes billets de merde !
– Ce ne sera pas suffisant… Tu t'es engagé sur une route qui n'est pas la tienne, continua de menacer Jean.
– Fichtre, et dire que nous étions nés libres…
Jean, la colère à peine contenue, retourna à sa cabane sans rajouter un traître-mot.Les communautés de l'oued se gardaient de trop s'aventurer en ville. En tout cas, jamais en groupe. «Ce sont des mesures de précaution ou plutôt une question d'organisation», expliquait le chef malien. Quelque-unes y déléguaient des représentants pour les achats et le contact avec les passeurs lorsque ceux-ci, par prudence, s'interdisaient de franchir les rives de Jorgi.
In Sans ordre de mission de Chahreddine Berriah


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