Enfants palestiniens de Ghaza: "une génération toute entière traumatisée"    Algiers Slush'D: 3 startups algériennes récompensées pour leur innovation en E-santé    Naâma: la dépouille du Moudjahid Radjaa Madjdoub inhumée    Sports mécaniques: une cinquantaine de participants au rallye touristique national à El Meniaa    Cisjordanie occupée: l'ONU dénonce l'usage "de méthodes de guerre" par l'entité sioniste    Réunion sur la coopération entre la LA et le CS de l'ONU: l'initiative de l'Algérie saluée    Start-up: Lancement d'un appel d'offres national au profit des incubateurs d'entreprises en Algérie    Foot scolaire: qualification de la sélection algérienne masculine au championnat d'Afrique    Exposition d'oeuvres de plasticiens algériens à Alger sur la Chine    Energie et Mines : Arkab examine avec l'ambassadeur d'Afrique du sud les moyens de renforcer la coopération bilatérale    M. Ballalou préside l'ouverture d'une journée d'étude algéro-italienne sur la valorisation du patrimoine culturel    APN: la commission de l'éducation écoute les préoccupations de représentants d'associations de parents d'élèves    L'Algérie veillera à assurer une prise en charge optimale aux pèlerins durant la saison du hadj 1446/2025    Belmehdi préside l'ouverture d'une conférence scientifique sur le Coran et les récitateurs    Conseil de la nation: adoption du texte de loi relatif à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets    Alger: installation du wali délégué de la circonscription administrative de Bab El Oued    Lancement prochain de la 1ère coupe d'Algérie inter-lycées, CEM et primaires    CNDH : l'Algérie a placé le secteur de l'éducation en tête de ses priorités    Mise en service d'un tronçon de 14 km de la pénétrante autoroutière Djen Djen-El Eulma    Le Président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    JSK : L'Allemand Josef Zinnbauer, nouvel entraîneur    La JSK sauve sa place de leader face au CRB    Le tirage au sort le 27 janvier    Le président de la République reçoit le Commandant d'Africom    Le nouvel appareil de jardinage d'intérieur de LG dévoile un désigne raffiné    Appel à une paix durable dans la région    Deux personnes échappent de justesse à la mort    Le wali gèle les activités de l'APC de Béni-Dergoune    Préparation de la saison estivale : le littoral dans le collimateur du wali    Le rôle du Président Tebboune salué    S'agit-il d'un véritable cessez-le-feu ou d'une escroquerie ?    Lancement d'un concours pour le recrutement de 476 employés    Une délégation parlementaire inspecte des sites à Timimoun    Plus de 25 heures de témoignages vivants collectées à Tlemcen    ''Le Pays de Peter Pan'' de J.M. Barrie et ''La Terre du Milieu'' de J.R.R. Tolkien    Le président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Il était une fois dans l'oued... Jorji
Itinéraires interdits (Extrait de récit)
Publié dans El Watan le 17 - 08 - 2009

« Fichtre, et dire que nous étions nés libres ! » Jean, la colère à peine contenue, retourna, médusé, à la cabane sans rajouter un traître mot….
Voilà quinze jours que j'ai atterri avec fracas à oued Jorji à Maghnia, sur la frontière algéro-marocaine. Sur les bords de la rivière, les communautés subsahariennes ont délimité leurs territoires. Après les conciliabules entre les représentants des tribus et les concertations avec les groupes culturels, les chefs, pour la plupart intronisés de force comme tels, ont dessiné avec des moyens de fortune des frontières quasiment inviolables. Ainsi, des Etats, quoique sans hymne ni étendard, sont nés. Les minorités constituées essentiellement de Rwandais, de Burundais et d'Ethiopiens, sans véritables porte-parole, ont été parquées dans une petite superficie escarpée en bordure d'une route départementale. Cet emplacement n'était pas fortuit : les apatrides, comme on les appelait curieusement, servaient, en fait, de système d'alarme automatique aux habitants des autres ghettos. Ces derniers, à chaque descente de nuit des gendarmes, les vrais, sont alertés par les cris et le tintamarre des fuyards. J'avais fini par comprendre que cette astuce machiavélique permettait aux chefs et à leurs peuplades de se disperser dans les méandres de la rivière. Les apatrides-cobayes, eux, se faisaient ramasser à la pelle et sans résistance.
J'ai appris aussi que dans ces courses poursuites fréquentes, l'être humain, quelles que soient ses convictions et sa personnalité, était capable de congédier son orgueil. Même temporairement. Aïssa le borgne, essoufflé, s'était résolu à se tapir dans les buissons pour échapper à ses poursuivants en treillis militaire. A ce moment, le destin ou la malédiction avait guidé dans le même endroit un adjudant éreinté et brûlant de douleur pour libérer son estomac sur lui dans un bruit de tonnerre. Assommé, Aïssa pensa d'abord à un orage avant de se rendre à l'évidence et maudire le ciel. Car, même si dans son lointain pays, il ne pleut pratiquement jamais, Aïssa sut que ce qu'il venait de recevoir sur la tête n'était pas des grêlons. Les gendarmes, après avoir livré leur bataille aux apatrides, remontaient ensuite en ville avec le sentiment du devoir accompli.
Et moi, je comptais parmi ces petites gens qui, à chaque fois qu'elles voulaient s'aventurer au-delà de leur périmètre réduit et constamment menacé, se devaient de monnayer leur liberté fragile. Cependant, les législateurs de l'oued, pour des raisons mercantilistes, mais aussi discriminatoires, ont établi une sorte de zone franche accessible à tous et baptisée « le souk ». C'est là que j'ai eu ma première altercation avec Eva. « C'est de la ségrégation. De par notre statut de clandestins non reconnu, nous devons être logés à la même enseigne. Tous ceux qui sont ici ont fui soit l'injustice de leur pays, la misère ou les guerres ethniques. Ces chefs masos l'ont-ils oublié ? Sinon, pourquoi alors érigent-ils leurs caprices en lois scélérates qu'ils imposent à leurs semblables ? », ai-je explosé au moment où George, le Nigérian, m'apostropha brutalement alors que j'essayais d'expliquer à un Rwandais qu'il n'était pas recommandable de toujours se fier à n'importe quel passeur pour prétendre traverser la frontière algéro-marocaine. Franchement, j'sais pas, mais y a quèque chose qui m'dit que t'es pas clair, toi, me menaça-t-il, les yeux à peine entrouverts. — Normal, je suis basané parce que je suis du même continent que toi. Rassure-toi, il n'y a pas d'Européens ni d'Américains ici. — Nom d'un chien sans queue, t'pourrais pas parler français comme tout l'monde, franchement ? fit-il contrarié. George était surnommé « franchement ». Un quolibet qui lui a été attribué par les francophones de l'oued en raison de sa fâcheuse habitude d'utiliser à tout bout de champ et de manière abusive l'adverbe « franchement ». George adoptait aussi ce comportement puéril et orgueilleux pour démontrer qu'il parlait français. Et il tirait davantage son orgueil de sa diaspora nigériane qui, numériquement supérieure, imposait le respect.
Mon devoir à moi était de me fondre dans les entrailles nauséabondes de ce camp. Sans a priori, sans parti pris, je devais endosser l'habit répugnant du clandestin et m'assujettir aux dures et maladroites instructions d'hommes abêtis par le fascisme de leurs gouvernants et revalorisés par la seule faiblesse d'une catégorie d'humains dont l'espoir et la vie se rétrécissaient à vue d'œil. Des hommes devenus imbéciles par trop d'attente et d'incertitudes. J'étais encore plus endolori en percevant de l'intérieur la force et la faiblesse. Une notion que ne peuvent pas toujours comprendre ceux qui sont là-haut. En ville. Combien de fois je m'étais senti lâche. Combien de fois j'étais sur le point d'abandonner cette mission qui ressemblait à un jeu hypocrites. J'avais le sentiment d'être un indu occupant, un espion au milieu d'une plèbe sans véritables repères ne jurant que par le départ, l'exil. Tu es à leur service. Tu es peut-être leur sauveur. Au nom de la libre expression, reste ! La voix m'ébranla. Ma conscience me secoua. Camara, surnommé le bossu, longeait nonchalamment l'avenue Montrou. La tête baissée, l'air perplexe. Camara, tu me dois toujours mes deux cents dollars, quand est-ce que tu me les rendras ? interpella celui qui se faisait appeler Jean, un Nigérian. Camara tressauta avant de s'immobiliser : Putain de pute de mille et un pédés, tu ne pouvais pas dire bonjour avant ? Tu veux dire tes 200 faux dollars… Je te les rendrai quand j'en aurai fait des copies. Donne-moi seulement le temps de mettre un peu d'argent de côté. Ce soir, si tout ira bien, j'échangerais quelques faux billets contre de vrais dinars algériens. Ne fais pas trop de business sur mon dos, je te préviens, riposta Jean, le visage sévère. Tu n'veux pas que j'gagne un peu de fric, hein ? De toute façon, si j'me fais choper, c'est moi qui paierais. C'est moi qui prends le risque, répondit Camara, l'air toujours narquois, même si son vis-à-vis ne donnait pas l'impression de rigoler. Tu t'arrangeras aussi pour me balancer, dis-le, hein ? Ton enthousiasme exagéré ne m'inspire pas confiance. Je te préviens Camara, si tu me joues un sale tour, je te tuerais. Prenant enfin au sérieux la menace, Camara blêmit :
Tu en es capable ? Tu me défies ? Arrête, t'auras tes billets de merde ! Ce ne sera pas suffisant… Tu t'es engagé sur une route qui n'est pas la tienne, continua de menacer Jean. Fichtre, et dire que nous étions nés libres… Jean, la colère à peine contenue, retourna à sa cabane sans rajouter un traître mot. Les communautés de l'oued se gardaient de trop s'aventurer en ville. En tout cas, jamais en groupe. « Ce sont des mesures de précaution ou plutôt une question d'organisation », expliquait le chef malien. Quelque-unes y déléguaient des représentants pour les achats et le contact avec les passeurs lorsque ceux-ci, par prudence, s'interdisaient de franchir les rives de Jorgi.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.