Il semble que le dicton «on ne peut pas faire du neuf avec du vieux» ne s'applique pas au FLN. Mieux, c'est le contraire qui a droit de cité. Quand le vieux parti bat le rappel de son arrière-garde pour se restructurer au sommet et tenter de dégager une direction plus ou moins crédible en prévision de la prochaine élection présidentielle, on ne peut raisonner autrement. Pour l'heure, on est encore dans la phase consultation pour recueillir les avis des plus illustres proscrits du vieux parti toujours en quête d'une salutaire réhabilitation, mais tout indique que dans cette future instance transitoire chargée de préparer le congrès extraordinaire devant mettre fin à une crise existentielle qui dure depuis des années, on retrouvera la plupart des «éléphants» ayant une petite histoire avec le Front et sur lesquels celui-ci peut encore compter pour se… régénérer. Pas de sang neuf émanant d'une base juvénile louée pour son dynamisme militant qui sert surtout à la publicité, mais une brochette de barons qui ont cependant ce trait commun, celui d'avoir été chassés du parti comme des malpropres à des moments où ils s'y attendaient le moins. Plus grave, à un moment où ils pensaient avoir fait le maximum pour redorer le blason du parti. On ne prend que le dernier exemple en date, en l'occurrence l'éviction d'Ould Abbès de son poste de secrétaire général alors qu'il se projetait déjà dans le cinquième mandat de Bouteflika. Qui aurait cru à un tel limogeage et pour quelle raison il a été activé ? Ould Abbès lui-même ne le sait pas. Dans une conjoncture assez particulière, il avait été appelé à la rescousse pour tenir la boutique jusqu'au jour où sa présence à la tête du Front n'était plus nécessaire. Il a donc été prié de rendre le tablier sans faire la moindre déclaration à la presse au sujet de sa révocation. On pensait qu'en étant débarqué de manière aussi brutale, le Doctour, meurtri dans sa chair, ne pouvait logiquement plus rien apporter au parti, et ce n'est pas son âge avancé qui en serait la principale raison. Paradoxalement, il est de nouveau remis sur orbite à la faveur des conciliabules tenus par Mouad Bouchareb le fringant intérimaire du FLN qu'il avait lui-même «intronisé» avant de partir. Que peut encore donner un homme gagné par l'âge, humilié sur la place publique par un bannissement qui fera date, et qui de surcroît s'est avéré un piètre politicien ayant laissé derrière lui une institution profondément abîmée ? Apparemment, au FLN on ne se pose pas ce genre de question, l'essentiel pour se ressouder et redonner l'image d'un parti solidaire étant de rameuter toutes les figures chevronnées pour tirer les enseignements de leurs expériences, même ci ces dernières ont un parcours cahotique. C'est donc la même logique d'approche qui a prévalu concernant les concertations tenues avec les Goujil, Belayat, Belkhadem ou Saadani, pour ne citer que les «éléphants» les plus emblématiques du parti, lesquels risquent d'être ressuscités pour une opération de replâtrage qui est loin de faire l'unanimité chez les frontistes d'une génération plus actuelle attendant impatiemment son tour. Pourquoi ce sont toujours les mêmes têtes qui reviennent dans ce carrousel sans fin alors que le mot d'ordre du parti porte constamment sur le renouvellement du potentiel ? C'est la preuve, dit-on, que le FLN manque cruellement de compétences, d'où son réflexe de s'appuyer toujours, quand la crise déborde de toutes parts, sur ses anciens serviteurs pour montrer qu'en son sein conservatisme et consensus font bon ménage. Parmi les réfractaires ou les récalcitrants, il y a ceux qui ont porté la parole des «redresseurs», un mouvement qui s'est dissous dans ses propres contradictions, et ceux qui ont eu le privilège d'occuper la première loge. Dans ce dernier lot, deux secrétaires généraux qui ont connu un sort identique à celui d'Ould Abbès. Belkhadem tout autant que Saadani ont subi, en effet, eux aussi les foudres de la Présidence soit pour manquement à la règle de conduite, soit pour dérapage. La conclusion étant de toute façon programmée lorsque la mission arrive à son terme. Après une longue traversée du désert, surtout pour Belkhadem qui selon certaines confidences aspirait, pour briser le mur de l'anonymat, à aller tenter le diable en s'inscrivant dans la liste des candidats pour l'élection présidentielle en comptant sur l'électorat islamiste, voilà donc les ex-patrons du FLN remis en scène pour tenter de sauver le parti du naufrage. Les vieux caciques ont ainsi la vie dure et c'est à eux qu'on fait appel pour redonner une autorité à une «relique» dont la place est normalement depuis longtemps au musée. Les «redresseurs» qui ont leur part de responsabilité dans le fiasco structurel du parti ont, eux aussi, de quoi jubiler en se sentant revivre avec les invitations à la concertation qui leur ont été lancées. Toujours à l'affût comme des snipers à la recherche du moindre faux pas des responsables de l'appareil politique qui se sont succédé, ces anciens militants qui se sont retrouvés dehors pour des raisons d'incompatibilité ont toujours rêvé d'un retour fracassant dans la maison. Non pas pour reconstruire le parti sur des bases nouvelles où la jeunesse progressiste sera au centre de l'action militante, mais pour valoriser leurs propres carrières en prenant la place des chefs qui leur avaient barré la route. Dans le vieux parti, les luttes intestines ne laissent pas le temps pour se concentrer sur les affaires du pays. C'est la raison pour laquelle le FLN, parti historique s'il en est, parti majoritaire qui a comme président le premier magistrat du pays, se montre incapable de se connecter avec la réalité de son peuple. Erigé en un vulgaire instrument de propagande au service d'un pouvoir totalitaire, le FLN a perdu depuis l'indépendance ses valeurs révolutionnaires. On attendait de voir un parti progressiste, proche des masses populaires, dynamique dans son combat contre l'injustice, mobilisé pour la démocratie et les droits pour la liberté d'expression, on a eu un parti rétrograde, s'alliant sans vergogne avec les forces obscurantistes et de l'argent à travers ses organisations satellites, et validant toutes les dérives du Pouvoir. C'est ce canevas de parti anti-populaire que les caciques ont fait vivre jusque-là avec un cynisme effarant. Ce sont ces mêmes caciques qui sont sollicités aujourd'hui pour revenir par la grande porte alors qu'ils ont été éjectés de manière humiliante par leurs sponsors. Où est la logique de cette réhabilitation prônée par le jeune intérimaire du parti ? Où est la vérité dans ce cimetière des éléphants qui illustre bien d'ailleurs tout le drame de la vieille garde qui nous gouverne ?