Amar Saâdani a accompli la mission pour laquelle il a pris les rênes du FLN Sitôt investi à la tête du FLN, Ould Abbès lance «sa campagne de communication». L'opposition et les redresseurs sont en attente d'un geste de bonne volonté. Le style Saâdani ou sa maladie sont-ils la cause du changement au FLN? Pas si sûr. Le départ de Saâdani ne surprend pas les observateurs avertis de la scène nationale. L'impression d'homme de missions était trop forte et assez souvent ressassée pour ne pas émerger au lendemain d'un départ inévitable. Aussi, l'argument de la santé quelque défaillante du désormais ex-secrétaire général du FLN ne convainc pas grand monde. Les quatre mois d'absence de la scène politico-médiatique ne peut s'expliquer du seul point de vue médical. Saâdani était, disons-le, en stand-by. Il attendait peut-être un signe ou un geste qui le remettrait sur selle et l'éloignerait du statut du missionnaire. Il aspirait peut-être à une sorte de «permanisation» qui le mettrait à l'abri d'une mauvaise surprise. Amar Saâdani qui, vraisemblablement, a accompli la mission pour laquelle il a pris les rênes du FLN, pensait trouver un rôle sur l'échiquier politique du moment. Mais ce n'est pas encore dans les desseins de la présidence de la République. Pour dire les choses franchement, tout le microcosme politique algérien avait bien saisi l'objectif premier de l'homme. Pour utiliser un vocable «civilisé», on pourrait dire que Saâdani devait préparer le terrain, l'opinion nationale et les militants de son parti à l'avènement de «l'Etat civil». L'ex-secrétaire général du FLN n'a pas fait mystère de son objectif primordial. Il a joué son rôle à sa manière, avec un style propre à lui et il faut bien le dire, inédit dans le sérail politique national. Les observateurs disent qu'il a l'étoffe pour «faire le job». Saâdani l'a fait sans sourciller. Lui avait-on demandé d'être aussi brutal? Bien malin celui qui peut répondre à cette question. Mais il l'a été parce que cela fait partie de la conception qu'il se fait de l'activisme politique et les mots qui sortaient de sa bouche pour «flinguer» telle ou telle autre personnalité nationale étaient incontestablement les siens. Ses attaques à répétition avaient jeté l'émoi dans l'opinion, au sein de la communauté des moudjahidine et même dans les cercles présidentiels dit-on. Son discours du 5 octobre a-t-il été la goutte qui a fait déborder le vase? En effet, des mots graves ont été prononcés et des insinuations plus que blessantes. Pourquoi donc ce discours et pas un autre? En fait, l'homme qui semble ne pas connaître de limites dans sa «franchise» n'a pour ainsi dire plus de cible. Et, c'est connu, en politique, il vaut mieux ne pas tirer sur l'ambulance. Comme le «tir» était sa spécialité, qu'il ne restait plus de «gibier», sa mission touche automatiquement à sa fin. Il est vrai cependant que Amar Saâdani, dont on disait qu'il avait «bétonné» le parti et participé grandement à sa stabilité, était en droit d'en garder les rênes jusqu'aux prochaines élections législatives et au-delà. La maison FLN vivait, il y a à peine deux jours, dans une grande sérénité et le seul bruit sérieux venait des kasmas et des mouhafadhas où se confectionnaient les listes électorales. La logique voudrait que le parti reste sur cette lancée et ne change surtout pas de trajectoire. Mais le vieux parti obéit à une autre logique, celle des missions et des hommes pour les mener. Saâdani n'est manifestement plus l'homme du moment. Un autre profil s'impose. Une personnalité ouverte au dialogue, susceptible de proposer des compromis, bref un style aux antipodes de celui de Saâdani. Djamel Ould Abbès colle parfaitement aux nouvelles missions du FLN qui a besoin de rassembler la majorité présidentielle. Dans le jeu des alliances au sein du système, Amar Saâdani a souffert des «réajustements» stratégiques qui l'ont quelque peu éloigné du premier cercle, notamment après son «imprudente» sortie contre Ahmed Ouyahia qu'il a accusé d'avoir «trahi la confiance du président». Cet aspect des choses a contribué à accélérer son départ à la tête du FLN. Mais est-ce à dire que Saâdani est fini politiquement? Il est clair que la réponse à cette question est non. L'ex-secrétaire général demeure membre du bureau politique et du comité central. Il n'est pas mort, mais juste en réserve. Il peut rebondir à tout moment. Dire que le président de la République ne recourra pas à ses services dans le futur, serait mal connaître les deux hommes, Bouteflika et Saâdani. Il suffit de rappeler que le second a été président des associations de soutien au programme du premier. Ce dernier lui a confié les rênes de la seconde chambre du Parlement, faisant de lui le troisième personnage de l'Etat, avant de lui confier le premier parti du pays. La relation Saâdani-Bouteflika relève de l'un des mystères des quatre mandats du président, mais elle existe bel et bien.