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Histoire et règlements de comptes
Publié dans El Watan le 30 - 11 - 2008

Pour sa première sortie publique, Chadli Bendjedid n'y est pas allé de main morte. Il a égratigné le président Bouteflika, attaqué Khaled Nezzar et Tahar Zbiri et réglé ses comptes avec Ben Bella. L'allusion au premier est claire lorsqu'il dit : «On fait le serment sur le Coran de respecter la Constitution et on fait autre chose. Je ne suis pas de ceux-là.» Assurément, Chadli Bendjedid n'apprécie pas le triturage actuel de la Constitution devant permettre un troisième mandat au président Bouteflika, comme il n'aime pas que l'écriture de l'histoire ait été confiée à l'Etat par un des nouveaux amendements constitutionnels.
«J'appelle, dit-il, les historiens, les vrais, à travailler en faisant preuve de neutralité et d'objectivité.» Ces deux critiques sont apparues suffisantes à l'ENTV pour qu'elle censure toute l'intervention (de trois heures) de Chadli Bendjedid, se contentant de diffuser quelques furtives images de la rencontre sur Amara Bouglez, fondateur de la base de l'Est.
Mais en s'aventurant à donner sa propre version des faits sur les rivalités qui ont marqué la Guerre de libération et les lendemains de l'indépendance, l'ex-président de la République s'est mis en porte-à-faux avec sa propre recommandation sur l'écriture de l'histoire. N'étant pas historien lui-même, il ne pouvait qu'être subjectif.
Selon lui, Saïd Abid a été liquidé alors que la version officielle de l'époque, celle de Boumediène, évoquait un accident de voiture. Mohamed Chaâbani a été mis à mort par Ben Bella afin d'éviter ses révélations. Quant à Khaled Nezzar, qui fut pourtant son ministre de la Défense après les événements d'Octobre 1988 avant d'être chef d'état-major de l'ANP, il est carrément accusé d'avoir été «un espion» pour le compte de l'armée française. Chadli Bendjedid ressort le procès fait de manière récurrente aux déserteurs de l'armée française. Khaled Nezzar qui, maintes fois, a eu à s'expliquer sur ce dossier, ne manquera pas de réagir et peut-être d'autres encore sur les révélations et les critiques de l'ex-chef d'Etat.
Comme de tradition dans le pays, les règlements de comptes tiendront lieu d'écriture de l'histoire. Chadli ne devra pas s'étonner si, dans la lancée, ressortira la critique de son règne de dix années à la tête du pays, une «décennie noire», selon l'expression consacrée tant la corruption et la gabegie ont régné en maîtres. Le désespoir de la population a été tel qu'elle a été poussée à la révolte.
Le 5 octobre 1988 fit vaciller le système Chadli Bendjedid qui se résigna à réformer la Constitution en instituant le multipartisme. L'erreur fatale a été la recherche du compromis avec l'islamisme politique, lequel ne pouvait que réduire à néant la velléité de l'ex-chef de l'Etat d'instaurer, ainsi qu'il l'affirme, «un régime parlementaire par un retour à la souveraineté populaire». La sortie de Chadli Bendjedid n'est pas innocente.
Elle s'expliquerait autant par le climat politique actuel (l'affaire Mecili entre autres ?) que par sa colère contenue depuis des années : il dit que depuis qu'il a quitté le pouvoir, il a été «insulté, diffamé, calomnié». Apparemment, il a décidé de passer à l'offensive contre ses détracteurs, y compris contre le président Bouteflika qui ne l'a pas épargné au début de son règne.


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