Au regard du nombre d'organisateurs, il n'y avait pas foule à cette manifestation pour laquelle ont été mobilisés les kasmas du FLN, les organisations estudiantines et de jeunes affiliées aux trois formations de l'Alliance ainsi qu'un groupe de supporters de l'USM El Harrach. Depuis 15h déjà – le meeting était prévu à 16h – des groupes de manifestants criaient leur soutien au peuple palestinien et à Ghaza. L'esplanade de la Maison du peuple était investie par une vingtaine d'adolescents arborant le drapeau palestinien et scandant des slogans hostiles aux régimes arabes : «Le silence est synonyme de trahison» ; «Moubarak ya taghout» (dictateur) ; «El Islam la yamout» (l'Islam ne mourra jamais) ou encore «l'armée et le peuple sont avec Ghaza». Il y avait même, parmi cette escouade de jeunes, ceux qui demandaient de «libérer les portes du djihad». Chauffés à blanc, des jeunes ont tenté d'ouvrir le seul portail du siège de la centrale syndicale pour sortir dans la rue. C'était peine perdue devant un dispositif de sécurité dissuasif, avec la présence renforcée des brigades antiémeute. L'ambiance et les slogans scandés à tue-tête donnaient le ton de ce que sera le meeting de l'Alliance et ses alliés. ADHESION AUX SLOGANS DE LA FOULE Peu de temps avant le début, c'est l'ancien numéro deux du FIS dissous, Ali Benhadj, qui fait son show et improvise une prière avec une centaine de ses adeptes. Deux adolescents de 17 ans observent l'accomplissement de la prière sous une pluie battante, à l'endroit même où Abdelhak Benhamouda, l'ancien patron de la centrale, a été assassiné. Le premier demande qui c'est. Le second rétorque : «Mais tu ne le connais pas ? C'est l'adjoint de Abassi Madani.» La prière se termine aux cris de «Allah Akbar», avant que le groupe ne rejoigne le hall de l'UGTA. C'est dans une anarchie indescriptible que les responsables de l'Alliance présidentielle, Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, Bouguerra Soltani du MSP et Miloud Chorfi représentant le RND en l'absence du secrétaire général du parti, Ahmed Ouyahia, Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT, allaient tenir leur rassemblement. C'est au milieu des clameurs et de chants assourdissants de la foule en faveur du peuple de Ghaza que l'hymne national a été entonné. Mais pas sans incidents regrettables : il a été sifflé avant que le groupe de jeunes, à la limite du délire, ne se ressaisisse. La cause palestinienne et la solidarité avec Ghaza victime de la sauvagerie israélienne méritaient amplement mieux que ce qui s'est passé hier à la Maison du peuple, où l'on a entendu des slogans aux relents de récupération politique, rappelant de sinistres souvenirs de la décennie 1990 : «Allayha nahya allayha namout, wa allayha nalka Allah.» Soltani, Belkhadem, Louisa Hanoune et Miloud Chorfi ont découvert hier l'étendue de leur impopularité. Des sifflets fusaient de tous les endroits du hall où se tenait le meeting lorsque le secrétaire général du FLN a pris la parole. L'assistance ne lui a guère prêté l'oreille, préférant le huer. Ceux qui lui ont succédé à la tribune – les responsables du PT, du MSP, du RND ou encore de l'UGTA – ont eu droit au même désaveu ; ils ont tous été conspués durant leurs interventions à tel point que leurs discours étaient noyés dans les clameurs de la foule. Impossible de les entendre au milieu des cris des supporters que l'on croyait au départ acquis aux partis qui les ont mobilisés. Les seuls moments de communion entre des manifestants et les orateurs étaient lorsque ces derniers, dans une tentative d'éviter le camouflet, se sont résignés à adhérer aux slogans de la foule. L'ingéniosité est venue du maire de Belouizdad qui répétait les «Allah Akbar» lancés par des groupes d'adolescents qui criaient aussi : «Honte aux régimes arabes» et demandaient l'autorisation d'organiser une marche populaire. Après leurs brèves allocutions, les responsables des partis de l'Alliance présidentielle et la secrétaire générale du PT se sont retirés pour mettre fin à une manifestation qui n'aura duré qu'une heure. Dans le bus qui transportait des jeunes de l'est d'Alger fusaient des slogans dissonants avec la cause de Ghaza : «Bourouba Taliban» ou encore, pour snober d'éventuels supporters du Mouloudia d'Alger présents sur les lieux, «Mouloudia, El Harrach arrive».