À Dar El Beïda, à quelques encablures de l'aéroport international d'Alger, se trouve la plus ancienne et la plus importante entreprise de rénovation de tous types d'avions et d'hélicoptères militaires. Méconnue du grand public, Erma œuvre quotidiennement à la révision et à la réparation de dizaines d'appareils aéronautiques relevant de différents services de la Défense nationale. Ses installations, en partie renouvelées, s'étendent sur une superficie de 40 ha. Disposant du savoir-faire nécessaire, cette entreprise assure la révision de tout le parc aéronautique militaire qui se compte par centaines. Elle se prépare désormais à répondre aux futurs besoins des forces aériennes. Car elle est appelée à assurer la révision et la réparation de la nouvelle gamme d'avions de combat des plus modernes achetés en 2007 auprès de la Russie. Quelque 1000 techniciens civils et 250 militaires réussissent à faire du neuf avec du vieux. Outre de pallier aux défaillances techniques, L'Erma fabrique des pièces de rechange et des composants d'appareils, mais aussi opère parfois des modifications et des améliorations de performances du vieux matériel. Des EPIC militaires « Nous sommes les seuls en Algérie à pouvoir le faire », souligne le colonel Noureddine Adjel, directeur général de L'Erma. Une visite guidée des différentes unités de rénovation et de réparation permet de constater de visu l'avancée effectuée dans un domaine aussi complexe que l'aéronautique. De simples accessoires mécaniques à la rénovation du moteur, tout se refait à neuf dans les ateliers d'Erma. « La tâche est difficile dans le sens où nous travaillons sur les différents modèles d'appareils dont disposent l'armée », indique le colonel Adjel. Mais le défi est relevé. Il estime que l'avenir est prometteur surtout avec le nouveau statut d'Epic accordé aux entreprises appartenant à l'armée. « Ce statut donnera une autonomie d'actions à toutes les entreprises de l'industrie militaire dont Erma, ce qui leur permettra de se développer davantage pour répondre à l'ensemble des besoins de l'armée », relève le colonel Adjel. Le statut d'Epic pour les entreprises industrielles militaires a été institué par un décret présidentiel promulgué le 3 mai dernier. En vertu de ce décret, les Epic militaires vont être gérées par un conseil d'administration qui définira le plan d'action et les objectifs assignés à l'entreprise. Ces Epic, qui seront autonomes financièrement, auront pour mission de développer les capacités de l'industrie militaire à même de réduire rapidement la dépendance de l'armée vis-à-vis de l'étranger. Mais aussi, elles pourront participer au développement du tissu industriel national de manière générale. Pour mener à bien leurs missions, ces entreprises pourront travailler en partenariat avec des sociétés nationales ou étrangères, à condition que cette coopération ne porte pas préjudice aux intérêts de l'institution militaire. Si l'idée remonte au début des années 1990 lorsque l'Algérie se retrouvait sans possibilité d'importer les équipements militaires nécessaires dont elle avait besoin pour faire face au terrorisme, elle a commencé à être concrétisée sur le terrain à partir de 2007. La DCIM reconfigurée C'est durant cette année que l'Algérie a passé sa plus grande commande (d'une valeur de 7 milliards de dollars) d'achat d'armements auprès de son traditionnel fournisseur, la Russie. Et c'est en cette année qu'elle a décidé de donner un coup de fouet à son industrie militaire en reconfigurant la Direction centrale de l'industrie militaire (DCIM), organe dépendant de l'ANP, créée en 1994. L'objectif est de ne plus importer une certaine gamme de produits dont les armes légères, les munitions de petit calibre et les pièces de rechange pour armes à feu. La DCIM dirige aujourd'hui deux principales unités : l'Entreprise de constructions mécaniques de Khenchela (ECMK) et l'Entreprise des réalisations industrielles de Seriana (ERIS) à l'Est. Grâce notamment à une assistance technique des Chinois, ces deux unités produisent du matériel militaire léger, tels que des fusils-mitrailleurs et des pistolets automatiques, mais aussi des pièces de rechange, des groupes électrogènes et du matériel médical. Les ambitions de l'armée s'avèrent plus grandes. Après avoir réussi l'exploit de monter un petit avion (premier en Algérie), avec l'aide technique de la République tchèque, l'ANP se lance un nouveau défi : celui de monter son propre drone (avion sans pilote). La conception de ce projet, déjà finalisée, a été faite par des ingénieurs de l'Ecole militaire polytechnique de Bordj El Bahri. Appareils made in... ANP Si son montage sera exclusivement fait dans des ateliers de l'armée, ce drone sera beaucoup plus utilisé à des fins civiles comme la lutte contre les feux de forêt et la lutte antiacridienne. Aussi, la marine ne reste pas à la traîne. Au niveau de la base navale de Mers El Kebir, à Oran, grâce à l'assistance technique de la Bulgarie, elle a déjà réussi à monter des corvettes spécialisées dans la lutte antinavire et dans les opérations SAR (Search and Rescue). Et elle est sur d'autres projets de corvettes plus performantes. Poursuivant ses efforts pour le développement de l'industrie militaire, l'ANP a récupéré en 2006 le projet de fabrique automobile Fatia (Tiaret), qui n'a pas pu voir le jour depuis plus d'une décennie. Les installations de ce projet, qui s'étendent sur plus de 300 ha, vont servir, grâce au partenariat sud-coréen, à la construction de véhicules légers tout-terrain au profit, bien entendu, de l'armée. Cependant, investir à moyen terme le marché de l'automobile civil n'est pas écarté. L'armée convoite aussi le complexe de la SNVI, fleuron de l'industrie nationale, elle qui demeure son principal client. Depuis 1982, près de 23 000 véhicules de tous types ont été acquis par le ministère de la Défense auprès de cette entreprise pour un montant global d'environ 45 milliards de dinars, ce qui représente 60% des ventes de l'entreprise. Bien qu'à ses débuts, la nouvelle stratégie industrielle de l'armée s'annonce prometteuse. A bien des égards.