C'est le 10 janvier 1929 que le plus illustre personnage de la bande dessinée belge fit son apparition -en route pour l'URSS, au pied d'un wagon en partance pour Berlin, sa première étape- dans Le petit vingtième, supplément hebdomadaire d'un quotidien ultracatholique bruxellois, Le Vingtième Siècle. Depuis, les 24 albums de ses aventures, traduits dans 50 langues, se sont vendus à plus de 200 millions d'exemplaires et continuent de passionner chaque année des centaines de milliers de nouveaux lecteurs, comme si le temps n'avait pas de prise sur lui. Une longue carrière que la mort, en 1983, de son créateur, Georges Rémi alias Hergé, n'a pas compromise, bien que ses héritiers aient refusé que le personnage soit repris par d'autres, comme l'ont été diverses gloires de la BD, Spirou et Lucky Luke. Il devrait néanmoins avoir une postérité sur pellicule. Avec l'accord de Fanny Rodwell, la veuve d'Hergé, le cinéaste américain, Steven Spielberg, prévoit de tourner une trilogie de films d'animation dont le premier devrait sortir en 2010. Un événement qui pourrait donner au globe-trotter emblématique de la BD européenne, mais peu connu aux Etats-Unis, la dimension planétaire qui lui manque encore. Et ce, même si Tintin accompagné de son fox-terrier, blanc Milou, a déjà, au travers de ses aventures, voyagé sur tous les continents. Cet anniversaire ne sera sans doute pas seulement l'occasion de vanter les mérites du jeune homme à la houppe, à la moralité de scout catholique, vaillant et débrouillard. Le personnage et son créateur font l'objet d'accusations nombreuses : anticommunisme primaire (Tintin au pays des Soviets), paternalisme colonial (Tintin au Congo) antisémitisme (L'Etoile mystérieuse), à celles de sexisme, voire de misogynie. Ce dossier à charge a été décortiqué récemment par le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist. Le magazine explique en quoi Tintin était un «héros très européen» -comprenons continental- loin du politiquement correct d'aujourd'hui, ne prétendant pas changer l'avenir de l'humanité, à la différence des héros anglo-saxons typiques. Une difficulté que Spielberg, associé à Peter Jackson, devra surmonter dans son film. Alain De Kuyssche, le rédacteur en chef du site tintin.com de Moulinsart SA, l'institution chargée de veiller au patrimoine artistique d'Hergé, s'élève lui contre tout «anachronisme» dans les critiques. «Juger Tintin ou Hergé selon des critères établis par les événements historiques, l'évolution des mentalités et les bouleversements politiques revient à renvoyer une image fausse d'une réalité oubliée», explique-t-il sur son site. «J'ai rencontré Hergé à plusieurs occasions, je n'ai pas eu l'impression de me retrouver devant quelqu'un qui manquait de sensibilité sur ces questions. Il faut tout replacer dans son contexte», assure M. De Kuyssche, en faisant observer qu'il est lui-même d'origine juive. Les festivités autour de l'anniversaire de Tintin débuteront le 14 janvier avec l'inauguration d'une fresque à la gare de Bruxelles-Luxembourg, au centre de la capitale belge.