Quand Brecht est malmené au profit d'un discours simpliste. Daïrate al ichq el baghdadi traduite en anglais par Baghdadi circle of passion, adaptée du Cercle de craie caucasien du grand Brecht, présentée au TRO cette semaine dans le prolongement du Festival national de théâtre professionnel d'Alger, ne rappelle en rien un autre spectacle adapté et mis en scène par la même Awatef Naïm Selmane, docteur d'Etat, auteur dramatique, metteur en scène et comédienne. Elle s'était illustrée pourtant brillamment l'année passée avec Les femmes de Lorca, une production de Mouhtaraf Baghdad Lilmasrah du pays du Tigre et de l'Euphrate, un spectacle dont on ne sort pas indemne, gorgé qu'il était de l'indicible. Elle s'y était prise de dialoguer avec Lorca en mettant face à face cinq de ses personnages féminins, puisés de quatre de ses pièces, en particulier Marianita Benida, dans Noces de sang, et Irma dans La maison de Bernarda Alba. Elle les avait placées sous la castratrice férule de Bernarda. Mais au thème du malheur au féminin qu'elle revisite, la pièce associait celui de la femme irakienne sous la guerre et l'occupation. Dans la nouvelle production, le propos de Brecht est ramené au niveau le plus caricatural de la propagande, celui que le dramaturge allemand, grand propagandiste pourtant, ne pourrait tolérer. En effet, il n'y a plus rien d'épique dans Daïrette el ichq el baghdadi, tout ce qui fait la dimension du théâtre a disparu au profit d'un didactisme étroit, à l'opposé des pièces de Brecht. Au bout du compte, Le cercle de craie caucasien » est réduit à la question de la légitimité du pouvoir en place en Irak en posant la question de savoir qui est la véritable mère de l'enfant abandonné, la mère biologique, épouse du monarque de retour d'un exil politique, ou la servante qui l'a sauvé et élevé au péril de sa vie et de son bonheur ? De la sorte, Awatef Naïm réduit son exercice à clamer « Sadam est mort, mort à Sadam ! » Pis, ni son artificieuse mise en scène ni sa direction d'acteur ne rappelle en rien sa précédente pièce.