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Keynes est-il vraiment mort ?
Publié dans El Watan le 28 - 01 - 2009

Il ressort de cette analyse que les politiques keynésiennes de relance par la demande actuellement en gestation dans de nombreux pays industrialisés, touchés par la crise financière internationale qui est en passe de se muer en une récession mondiale, ne conviendraient, en aucune façon, à l'Algérie, au motif que les principales contraintes se situeraient plutôt du côté de l'offre. «La qualité de la croissance est médiocre et la désindustrialisation du pays se poursuit», écrit-il en ouverture de son analyse de l'économie algérienne.
Passant en revue de nombreux aspects de la crise économique en Algérie et fournissant force données chiffrées à l'appui de son argumentation, le professeur Benachenhou nous livre dans cette contribution un condensé d'analyses où se mêlent considérations théoriques et constats empiriques.
Il ressort de son étude que la croissance en Algérie est fortement dépendante des exportations pétrolières et que, dès lors que la crise mondiale a touché ce secteur, l'emploi dans tous les secteurs d'activité — y compris l'agriculture, le BTP et les services qui sont les moins liés à l'économie pétrolière — en est affecté, relayant ainsi la crise mondiale dans toute l'économie du pays.Bien qu'il ne soit nulle part question dans cette contribution d'économie de rente qui, si on admettait que l'économie algérienne en fût une, appuierait l'idée que la crise en Algérie ne soit pas justiciable du même traitement qu'ailleurs — par la relance de la demande donc —, on sent bien qu'au fond c'est de cela qu'il s'agit.
Si, par conséquent, Keynes est bien mort pour l'Algérie (comme l'affirme l'auteur en conclusion), ce n'est pas tant en raison de «l'impertinence» de sa théorie que de la nature de l'économie algérienne qui sort du cadre d'analyse que s'est donné explicitement l'auteur de la Théorie générale, à savoir l'économie monétaire de production.
Cependant, le professeur Benachenhou, passant outre cette «spécificité», en vient dans la dernière partie de sa contribution à développer un discours de politique économique que ne renierait pas Keynes lui-même en faisant l'impasse, à son corps défendant, sur les problèmes que soulève justement cette spécificité : renforcer les acteurs de la croissance, améliorer l'efficacité de l'investissement, mieux financer l'investissement sont des intertitres de la partie de sa contribution qui traite des recommandations de politique économique.
Comme chaque économiste le sait, l'investissement est l'une des deux composantes de la demande effective chez Keynes — la demande émanant des entrepreneurs dont dépend à moyen terme la croissance. A court terme, la consommation — l'autre composante de la demande effective — est plus indiquée pour enclencher le processus de relance quand la crise est de type surproduction. Bien que Keynes emploie couramment le concept d'offre en relation avec celui de demande, c'est, en fait, de la production qu'il se soucie constamment ; la différence étant que de nos jours, où l'on assiste à l'ouverture tous azimuts des économies, l'offre peut provenir de l'étranger, pourvu que des revenus en devises existent dans le pays — ce qui est exactement le cas des économies de rente. Compte tenu de l'extraordinaire concentration des revenus provenant de la nécessaire centralisation de l'exploitation des hydrocarbures et de toutes les dérives d'un régime autoritaire qui distribue prébendes et avantages à ses affidés (sans parler de toutes les formes de corruptions qui se développent à tous les échelons d'une administration étriquée), ni l'aiguillon du profit (comme dans les pays à économie de marché constituée) ni un sens patriotique exacerbé (comme dans les pays du sud-est asiatique) ne permettent pas d'organiser un système productif où la consommation et l'investissement soutiendraient de concert la croissance.
Pourtant, le régime autoritaire en place depuis 1962 en Algérie aurait pu être (à l'instar des régimes des pays du sud-est asiatique et de la Turquie et dans le prolongement de la politique industrielle du défunt Houari Boumediène) davantage un atout qu'un handicap pour l'économie et à plus ou moins long terme pour la
société : au contraire de la situation qui prévalait dans les pays occidentaux à l'époque de la grande dépression et contre laquelle Keynes a dû affronter l'establishment intellectuel très conservateur, l'Etat algérien avait déjà entre les mains les moyens de sa politique. Il suffisait de rectifier au fur et à mesure de leur apparition les faiblesses et déviances de la stratégie algérienne de développement pour en arriver, près de cinquante ans après l'indépendance, à une situation autrement plus florissante, à défaut d'être glorieuse. Cela n'a pas été le cas parce que l'Etat a abandonné non seulement au marché — ce à quoi à présent même les pays les plus chevillés à la doctrine libérale du tout marché reviennent avec humilité — mais aussi à des groupes de pression constitués en clans tout ou partie de ses prérogatives, y compris celles qui ressortissent à ses droits régaliens.
Puisqu'il est question de l'Etat, précisons que ce qui différencie fondamentalement la théorie économique de Keynes de celle de ses adversaires conservateurs, c'est le traitement analytique qu'il réserve à deux questions de taille, celles de l'emploi et de la monnaie.
Pour lui, il n'existe ni marché du travail ni marché de la monnaie. Et c'est parce que ces deux marchés n'existent pas que l'équilibre général au sens néoclassique est impossible : tout au plus, peut-il exister un équilibre de sous-emploi des facteurs qui justifie amplement l'intervention des pouvoirs publics dans l'économie.L'emploi et la monnaie sont en effet des variables exogènes au système d'économie de marché, ce qui légitime la (ré)introduction dans l'analyse économique et dans la politique économique de deux grands acteurs non marchands : les organisations syndicales (ouvrières et patronales) et l'Etat. Inutile de dire que c'est en partie l'aveuglement idéologique des tenants d'un libéralisme intégral qui est cause de la crise économique actuelle, étant donné la vague des déréglementations et des dérégulations qu'ils ont initiées depuis la fin des années 1970.
On en revient aujourd'hui — mais à quel prix ! — au point que non seulement Keynes mais Marx aussi sont devenus des auteurs fréquentables et que les nouvelles politiques économiques, projetées dans la plupart des pays occidentaux, s'inspirent de nouveau des travaux du premier nommé.Une autre question est abordée par le professeur Benachenhou sur laquelle je voudrais dire quelques mots pour terminer : c'est la question de la confiance.
L'auteur écrit : «La confiance est un facteur de production à côté du capital et du travail.» La question de la confiance ne se pose pas chez nous dans les mêmes termes qu'elle se pose dans les pays occidentaux à régime démocratique.
Ce n'est pas sa dimension psychologique individuelle qui est en cause chez nous, mais sa dimension sociale, voire sociétale : c'est la confiance en les institutions.
Je passe sur le fait que les institutions sont malmenées par ceux-là mêmes qui sont censés les servir à l'occasion des élections, au point de susciter la désaffection absolue pour la chose publique chez les Algériens. Je veux parler de l'envahissement des institutions par une sorte de prédateurs qui s'en servent à titre privé, comme s'il s'agissait de leurs biens propres ; qui n'ont ni le sens de l'Etat ni celui du service public et qui président dans une sorte de glorification de la médiocrité aux destinées de nombreuses institutions. Le meilleur exemple est celui de l'université.
Le défunt Mohamed Boudiaf avait dit de l'école qu'elle était sinistrée, et pour cause ! Elle ne sert plus qu'à abêtir les enfants en leur épargnant tout effort autre que l'effort mnémotechnique et en les privant de tout esprit critique. L'université algérienne en est la digne héritière. Elle est devenue une immense garderie pour jeunes adultes, croulant sous le poids d'effectifs d'«étudiants» en constant accroissement dont la quasi-totalité ne maîtrise ni l'arabe, ni le français, ni les sciences (mathématiques et physique notamment). L'université est un mouroir intellectuel dont les responsables ne se soucient que de ne pas détoner par rapport à la médiocrité ambiante tout en obéissant aveuglément aux instructions ministérielles tout aussi plates.
Même parmi les enseignants — corps dont tous les gouvernements qui se sont succédé depuis que je suis moi-même enseignant (pour ne parler que de ce que je sais) se sont ingéniés à le rendre corvéable en le tenant dans un dénuement matériel et intellectuel —, même parmi les enseignants dis-je, la tendance à courir les postes et à chercher à gravir les grades universitaires au moindre effort est facilement décelable.
Le professeur Abdellatif Benachenhou ne sait sans doute pas qu'il a à présent pour pairs de nouveaux professeurs d'économie qui n'ont ni baccalauréat ni licence, mais qui, ayant bénéficié de dérogations injustifiées et injustifiables, ont accédé à ce grade prestigieux du métier d'enseignant grâce à l'appui de mentors tout aussi médiocres qu'eux. Curieusement, le Pr Benachenhou ne parle pas de cet autre facteur de production que sont la science et la technique. Du fait de la conjonction de la politique suivie par les autorités et de la logique de la rente qui opère dans tout le corps social, on a négligé ce facteur au point de ne plus offrir la moindre perspective au pays en ces temps de domination absolue de la technologie, tandis que les quelques individualités qui émergent du corps informe d'étudiants n'ont d'autre souci que de fuir le pays, d'aller où possibilité leur sera offerte de se réaliser. Si donc pour finir, on doit évoquer les problèmes économiques de l'Algérie, il faudrait aller au plus profond des causes de la médiocrité de la croissance, de la faiblesse de l'investissement et de l'absence de confiance. Là, l'économique rencontrera nécessairement le politique. Sans être une panacée, la relecture de Keynes pourra s'avérer précieuse.


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