L'important déplacement répond à un impératif de survie. Dans leur fief initial, le temps des vaches maigres a plutôt assez prévalu pour leur intimer l'ordre de changer de patelin à la conquête de cieux plus cléments. En quelques années d'exode, ils ont pu s'établir un peu partout au sein des agglomérations traversées par la RN5. Qu'ont-ils visé à travers cet exode succédant à une longue période de stabilité ? Que viennent chercher ces pères de familles qui ont accepté de s'exiler dans leur région ? En bons pères de familles, ils ont choisi de s'en aller parce qu'ailleurs la situation socio-économique est peu enviable pour leur faire espérer trouver de quoi manger. Il leur faut donc dénicher des coins qui ne manquent pas d'affluence mais où ils peuvent s'assurer de manière palpable qu'il y a bien de la consommation. Certains ont choisi des plates bandes à Bechloul pour exposer leurs produits divers. Leur goût pour l'aventure de la vie leur fait narguer toutes les difficultés. Ni la proximité de l'oued avec ses odeurs putrides ni le statut de déplacés et autres situations de promiscuité et d'insalubrité n'entame le rêve de s'en sortir en ces moments où la pauvreté tape à toutes les portes. S'ils ont déjà fait 60 km ou davantage pour se retrouver à Bechloul, d'autres induits par l'engouement de trouver du pain à leurs familles respectives ont décidé d'aller toujours plus loin. Ceux-là ont installé leur magasin de fortune improvisé dans un baraquement de bois qui fait bon ménage avec une tente ou une cabane juste assez spacieuse pour passer la nuit. Difficiles conditions de travail en plein champ et exposés au caprice des intempéries. Âpre besogne que celle qu'ils accomplissent chaque jour à exposer le jour et emballer les marchandises la nuit. Le matin, on les voit ouvrir un peu comme tout le monde. Vers huit heures, les premiers véhicules s'arrêtent sur les accotements jouxtant leurs commerces. Des familles y descendent et pour eux commence déjà la journée. Comme leur principale clientèle est féminine, on a l'impression qu'ils n'ont pas l'air de trop s'y plaindre. Les femmes ne guerroient pas pour 50 ou 100 DA comme se plaisent à le faire les hommes. La gent féminine ne demande qu'à trouver l'objet qui les fait rêver. Apparemment, elles l'achètent avec passion pour en faire un usage ménager ou encore pour décorer leur intérieur. C'est donc si important que cela. La course vers un job a impliqué plus d'un quand on voit que d'autres marchands ont débarqué à El Adjiba pour atteindre enfin la commune d'Ahnif distante de 40 km du chef-lieu de wilaya. A Ahnif, ils sont deux à s'y être établis sur la rive de la RN5 à quelques mètres seulement de l'oued Sahel et d'une décharge qui soulève un nuage de fumée toxique. C'est dire que rien ne les décourage pour vendre leur poterie. Question d'approvisionnement, ils n'ont pas de souci à se faire puisque des grossistes véhiculés leur ramènent tout à domicile. Quant aux endroits choisis en dépit d'un peu d'insalubrité, ils ont le mérite d'être des sites où de nombreux usagers de la route s'arrêtent pour faire leurs emplettes. A quelques centaines de mètres où les usagers choisissent soit la RN26 pour se rendre en direction de Béjaïa ou de Jijel, soit la RN5 pour rallier l'Est algérien. Comme la tradition de devoir ramener des cadeaux à la famille est sacrée chez grand nombre de passagers, les marchands de poterie n'ont aucun mal à voir dégoter des clients. Ils font leurs plus beaux chiffres d'affaires quand il y a des occasions telles que les fêtes de l'Aïd ou de fin d'année (sans compter les fêtes familiales : mariages, circoncisions, retrouvailles etc..). Disons que les vacances sont une conjoncture idéale pour ces commerçants déracinés de faire de bonnes affaires. Il y a plus d'une raison de croire que la région qui prend ses devants pour s'adapter aux mutations socioéconomiques continue à profiter de la manne routière pour écouler d'importants produits issus de la terre rouge. C'est rassurant de savoir que cela ne va pas trop mal non plus pour une panoplie de familles dont le labeur consiste à pratiquer le florissant métier de fabricants de poterie. Le métier semble donc bénéficier de conditions plutôt favorables pour prospérer. Un tel créneau apparemment juteux est pourvoyeur d'une légion d'emplois qui se font à domicile.