Il y a eu beaucoup de monde de l'art et de lettres au domicile du regretté H'sen Derdour où l'on commémorait sa naissance un 21 janvier 1911 à Annaba. Beaucoup de monde où, à l'exception du maire de Annaba et de son vice-président chargé de la culture, les autorités locales n'y étaient pas représentées. Pour la première fois, des enfants issus de différents paliers des établissements scolaires et de l'école de musique communale y ont participé. Il n'y avait, pas de représentants d'entreprises mécènes à cette manifestation culturelle d'importance organisée par la commune de Annaba en collaboration avec la coopérative artistique et touristique Abir. Ce 24 janvier 2005, les absents ont eu tort. Des documents tirés des archives, des lectures de passages de certaines œuvres encore inédites du défunt, une des chansons et de la musique malouf qu'il avait composées, la cérémonie qu'avait abrité le domicile de H'sen Derdour avec toute la famille de ce grand Monsieur réunie, ont donné la pleine mesure de cette commémoration. De son vivant, H'sen Derdour avait réussi sans mécène et sans sponsor à se faire entendre. Il n'avait pas laissé insensible l'armée coloniale qui lui reprocha ses écrits et qui le soumit à des tracasseries quotidiennes. Ses trois opérettes Bousbous, Rhil et Ya khali étaient de véritables flèches satyriques adressées à ceux qui au lendemain de l'indépendance, cultivaient le zaïmisme et le culte de la personnalité que chérissaient tant le premier président de la République Ahmed Benbella. Ce qui lui a valu d'être interpellé et mis en résidence surveillée lui l'écrivain, l'historien, l'homme de théâtre, l'artiste, le musicien, l'amoureux du ciel et des étoiles. Libéré, bien plus tard de cette emprise, il réussira beaucoup de choses et par ses écrits, ses légendes et sa phraséologie proverbiale, à donner à Annaba, sa ville natale, ses titres de noblesse. Sur des milliers de feuilles, il avait couché noir sur blanc les us, traditions, civilisations et les noms des hommes et femmes des arts et de lettres qui s'étaient succédé à Hippone, El Bouni, Bône et Annaba. Toute cette richesse culturelle et historique, les représentants de l'Etat à travers le secrétaire général de la wilaya assurant l'intérim de la direction de l'exécutif, le directeur de la culture, ceux représentatifs de l'institution du peuple qu'est l'Assemblée populaire de wilaya, n'en avaient apparemment cure. Tous avaient pourtant été officiellement invités. Y compris le directeur du théâtre Azzedine Medjoubi, lieu où H'sen Derdour avait passé la moitié de sa longue vie. C'est sous ce chapiteau que cet homme de l'art, de lettres et de savoir avait tiré son inspiration pour tenter d'expliquer un tant soit peu les mystères du ciel et des étoiles, créer des chansons et des musiques, écrire des comédies et opérettes, révéler les secrets de la vieille ville, de La Casbah, Sbaâ R'goud, les portes de Bouna, la légende des frères Barberousse, le secret des plus vieilles mosquées de Annaba. En fait, H'sen Derdour était une encyclopédie de son vivant et il l'est resté et le restera longtemps après sa mort, le 18 février 1997, à 86 ans. La plaque commémorative en laiton dorée mise en place ce 24 janvier en son domicile à la Colonne, paraissait bien petite devant la grandeur et la grande dimension culturelle de cet homme, de ce mage qui, dans ses écrits, semblait avoir prédit la situation que l'Algérie vit aujourd'hui. Grandeur et dimension qui auraient pu fouetter davantage le développement de la culture à Annaba. Les élus de l'APW n'ont pas compris le message de H'sen Derdour sur sa compréhension et sa vision de la gestion de Annaba d'aujourd'hui. Apparemment, ses élus n'ont pas voulu ou n'ont pas eu le temps de le lire pour le déchiffrer. Ils auraient certainement rejeté l'idée de centraliser l'ensemble des moyens financiers destinés au secteur de la culture entre les mains d'un seul homme et pour le seul « jeudi culturel » où foisonnent les spécialistes du plagiat. Pour cette commémoration, les initiateurs avaient contacté beaucoup de monde des entreprises publiques et privées pour, au titre de mécènes, participer au financement de l'événement. La totale absence d'écoute indique que « le mécénat » l'acte qu'avait créé Caius Cilnius Maecenas, conseiller d'Auguste, protecteur des Lettres et des Arts, ami de Virgile et d'Horace ne fait pas partie de la culture de nos chefs d'entreprise. « Existent-ils des mécènes dans notre pays et si c'est le cas où sont-ils », s'est interrogé Abdelhak Benmarouf, comédien et président de la coopérative Abir. C'est ce que démontre du reste la contribution financière très marginale aux activités culturelles nationales, régionales et locales. A peine 50 millions de dinars collectés par les organisateurs auprès des entreprises publiques et privées en 2004 à travers les 48 régions du pays. Des sources crédibles auprès des différentes institutions indiquent que l'Etat et les collectivités locales ont engagé quelque 300 millions de dinars au courant de la même année. D'où le constat qui précise qu'en Algérie, en dépit d'un important abattage médiatique autour des activités culturelles, les mécènes ne courent par les rues. L'autre constat relève que peu répandu, le mécénat culturel a eu pour impact des effets démoralisateurs très perceptibles dans le milieu de la culture nationale. A Annaba, la commune chef-lieu de wilaya, des élus ont compris qu'ils étaient les seuls à décider de l'avenir de cette culture. Annuellement, ils figurent dans la liste des rares responsables, issus des urnes au niveau local et national, à prendre en charge sérieusement le dossier culturel. Pour preuve, les manifestations presque mensuelles d'envergure locale, nationale et internationale qu'ils planifient d'organiser. L'hommage rendu à H'sen Derdour ce 24 janvier dernier a été le premier du genre.