Un ange est passé mercredi dernier au palais de la culture Moufdi Zakaria, à Alger. C'était celui de l'auteur majuscule, Kateb Yacine. Et pour cause ! Son esprit, son aura, sa mémoire, son legs, son butin de paix, son rêve, et sa légende...universelle ont été soulignés grâce à l'initiative de la compagnie El Gosto Théâtre. Sa bonne et filante étoile a brillé de ses mille feux...de la rampe. Il s'agit d'une production nouvelle, fraîche et émoulue du El Gosto Théâtre intitulée L'Etoile et la Comète s'inspirant de l'œuvre constellée de Kateb Yacine, Nedjma, adaptée par Arezki Mellal (Maintenant, ils peuvent venir) ayant signé le texte à partir de L'Etoile noire dont il est l'auteur (paru aux éditions Barzakh en 2008), traduite en arabe dialectal par Noureddine Saoudi, assurant aussi la direction musicale, et mise en scène par le dramaturge Ziani Chérif Ayad (Les Bains, Galou laârab galou, Les Martyrs reviennent ce Soir, Hafila tassir...). Ainsi, le poète, pas du tout disparu au contaire immortel retrouve son cercle (halqa comme celle de la pièce El Khobza). Des retrouvailles anachroniques ! Nedjma, de son vrai nom Zoulikha cet amour impossible de Kateb Yacine pour sa cousine ressuscite dans la quadrature d'un « cercle » contemporain et actuel et ce, de par un questionnaire, pas du tout philosophique, portant sur le rôle de l'écriture, l'héritage citoyen, l'histoire et autres valeurs cardinales et universelles de Kateb Yacine. Et de front, un questionnement quant à la tragédie qu'aura vécue l'Algérie et dont il assistera aux prémices de l'obscurantisme et de la folie meurtrière et mortifère. Ainsi, la ronde mouvante et « émouvante », tantôt assise en tailleur tantôt debout, des jeunes comparses, des enfants terribles de la balle de Bab El Oued ( Bab El Oued chouhada dans le texte) interpellent Nedjma. Une dialectique polyphonique, cacophonique, et encore une fois anachronique contant et racontant l'engagement, le nationalisme, l'exil (même intérieur) de Kateb Yacine, décriant le colonialisme, la torture et montrant et démontrant ses référents de par un name dropping ( énumération patronymique) : les Chevaliers numides, Massinissa, Jughurta, Kahina, l'Emir Abdelkader, Lalla Fathma N'soumer, Boubaghla, Hassiba Ben Bouali... Et puis, ces soliloques de Nedjma alias Zoulikha, une étoile noire mais on suit son panache blanc qui est immaculé dans ce « big bang ». Car Nedjma, campée avec justesse par la comédienne Tounès, est la muse, l'égérie, l'âme sœur, l'alter ego et la bonne étoile veillant sur Kateb Yacine. Histoire d'un couple improbable. Les autres comédiens, Fattoum Habib, Malika Guemat, Tarik Bouârara, Nourreddine Saoudi—conteur-chanteur— et Mohamed Bouallag se donnent la réplique finement et font résonner les planches d'un talent avéré. Et le texte de Arezki Mellal est bien ficellé et d'une élévation cursive. A propos de la pièce L'étoile et la Comète, Ziani Chérif Ayad commentera : « L'Etoile et la Comète retrace la vie et l'œuvre de Kateb Yacine. L'idée d'adapter ‘'Nedjma'' date de 2003 avec Mohamed Kacimi. L'univers de Kateb Yacine est méconnu. Son amour impossible pour Zoulikha (Nedjma)...Le contenu de Nedjma est profond. On essaie de donner des clés pour entrer et découvrir l'univers de Kateb Yacine et ce, de par un questionnaire anachronique de Zoulikha avec des jeunes sur le rôle de l'écriture et l'héritage citoyen et universel de Kateb Yacine. L'Etoile, c'est Nedjma bien sûr et la comète c'est Kateb Yacine. Cette pièce est un challenge quant à une dramaturgie contemporaine et déclinée en deux langues (arabe et français).Un travail fastidieux. Et puis, la rhétorique et les subtilités de Kateb Yacine, un réel plaisir.... » C'est sûr, Nedjma demeure et reste une...star qui scintille. Et puis cette pièce est...nova...trice !