Pour rappel, le nombre de personnes ayant été la cible de violences diverses, toujours dans la ville des Ponts, s'élevait à 1 000 en 2006, pour grimper à 1 144 en 2007, dont la gent féminine a eu la triste part du lion. Ces statistiques sont cependant loin de refléter la réalité, souvent tronquée par ce qui est appelé chiffre noir, du fait que les victimes n'ont pas systématiquement recours au constat légal, et ce pour diverses raisons, dont la peur ou la honte du regard de la société. La plupart des personnes ayant fait l'objet d'actes violents ignorent leurs droits. «Pourtant, dira le docteur Abdelaziz Benharkat, chef de service de médecine légale au CHU Benbadis, tout le monde a le droit de venir nous voir, nous travaillons selon les concepts universels (Art. 307 du code pénal) qui garantissent le respect de la dignité humaine, et donc l'obligation de confidentialité; nous sommes tenus par le secret absolu». Après s'être fait établir un certificat comprenant un rapport détaillé des lésions, la victime est libre de donner ou non suite à l'affaire, par la procédure d'usage, à savoir le dépôt de plainte auprès des services de police, qui transmettront le dossier à la justice. Selon ce que nous saurons du Dr Benharkat, les femmes les plus touchées par la violence sont jeunes. Dans la plupart des cas, elles ont moins de 45 ans. Elles sont exposées aux agressions du seul fait qu'elle sont actives, et donc se retrouvent quotidiennement dans la rue. Certaines sont sauvagement battues et en gardent des séquelles à vie. Les motifs sont multiples, vol, viol, racket… comme cette étudiante en médecine qui a été assaillie dernièrement devant l'hôpital même. Après l'avoir délestée de son mobile, son agresseur lui tailladera le visage avec un objet contondant. Une enfance martyrisée Les violences conjugales sont, quant à elles, légion. Celles qui les subissent présentent des fractures à tous les niveaux du corps, dont le plus souvent la mâchoire et le nez. «S'ensuivent des traces corporelles indélébiles, sans parler du traumatisme psychologique, qui lui ne peut être rapporté par le médecin légiste, tenu de décrire les lésions au niveau du corps», précise le docteur. Ce dernier évoquera le cas, moins courant, d'une octogénaire, venue courageusement se faire établir un certificat et dénoncer les assauts bestiaux de son voisin, sexagénaire, qui profitera de l'absence de son fils pour la violer avec «une rare sauvagerie». La vieille femme souffrait de différentes et douloureuses blessures. C'est l'horreur dans tous ses états, qui n'épargnera pas non plus les enfants, «même ceux âgés d'à peine trois ans». En 2006, sur 184 agressions sexuelles recensées au service de médecine légale, 40 ont été commises à l'égard des enfants; 20 sont de nature incestueuse. Les enfants font donc les frais des pédophiles et pervers de tout bord. D'autres sévices, inouïs, ont été mentionnés par Dr Benharkat, à l'exemple de cette fillette de 10 ans qui était martyrisée par ses parents et aussi par sa grand-mère, laquelle lui tondra les cheveux, uniquement parce qu'elle avait «osé» demander qu'on lui achète un shampoing. La petite, qui fera une chute mortelle, avait, à l'autopsie, le corps «plein de fractures et autres ecchymoses». L'innocence réduite à un petit cadavre aux marques éloquentes! «Il y a un phénomène d'habituation, la société banalise de plus en plus ce genre de drames; il est impérieux de réagir au niveau de la cellule familiale, protéger les faibles, réagir sur la problématique du couple, sensibiliser, car il y a péril en la demeure», dira, en conclusion, notre interlocuteur.