Tout a été fait pour que rien ne change et surtout pas que la majorité parlementaire change de camp, quand bien même cela apparaissait véritablement hypothétique en raison du verrouillage imposé par le système politique libanais. C'est fait depuis dimanche, puisque les électeurs libanais, qui se sont déplacés en grand nombre, ont maintenu en place le paysage politique au travers des élections législatives. Effectivement, la minorité parlementaire menée par le Hezbollah, a conservé ce statut, semblant même s'en accommoder depuis qu'elle a obtenu, en mai 2008, le droit de blocage. Ce courant a été défait au profit de la coalition qui doit désormais relever le défi d'éviter une nouvelle crise dans le pays. En termes de chiffres, la majorité sortante a remporté 71 sièges contre 57 pour l'opposition. « C'est un grand jour pour l'histoire du Liban démocratique », a lancé avant l'aube leur chef de file Saâd Hariri, en annonçant la victoire à ses partisans. Le succès de la majorité parlementaire appuyée par Washington et Ryad était qualifié d'« historique » hier par le quotidien Al Moustaqbal de M. Hariri, selon qui elle a obtenu 71 sièges contre 57 pour l'opposition. Le principal allié chrétien du Hezbollah a reconnu la défaite. Il s'agit d'« une victoire pour la coalition du 14 mars (nom donné à la majorité) mais aussi d'une défaite pour les Libanais qui aspiraient au changement », a déclaré Michel de Chadarevian, un membre du Courant patriotique libre (CPL) dirigé par Michel Aoun. « La majorité de retour », confirmait le quotidien Al Akhbar, proche de la minorité parlementaire menée par le parti chiite, évoquant la « grande défaite » de l'opposition. « Ils ont été battus (...), victoire du Liban », clamait à l'inverse en une le quotidien à capitaux saoudiens basé à Londres, Asharq al Awsat, en référence à la défaite du Hezbollah et de ses alliés. Et juste après ces cris de victoire, le temps était aux interrogations, et la principale d'entre toutes réside désormais dans la forme que prendra le prochain gouvernement. Dans sa déclaration, M. de Chadarevian a précisé que le mouvement de M. Aoun respecterait les résultats des élections, et ajouté qu'il travaillerait avec la coalition de M. Hariri en vue de former un gouvernement d'union nationale. « Le Liban peut seulement être gouverné par un cabinet d'union », a-t-il dit. Loin des chiffres et des sentiments de satisfaction, « quel gouvernement va être issu de ces élections ? », demandait le quotidien As Safir, proche du camp du Hezbollah. Ce parti veut un gouvernement d'union quel que soit le vainqueur. La majorité, sans écarter ce scénario, refuse que l'opposition dispose d'un droit de blocage dans un tel cabinet comme c'est le cas dans l'actuel gouvernement d'union. « L'opposition va-t-elle insister encore une fois sur une minorité de blocage et la majorité va-t-elle de nouveau refuser de le lui accorder ? », s'interroge encore As Safir. Toute la bataille, et il y en aura une, portera précisément sur ce point, s'interroge encore ce journal, et cela est une réelle préoccupation des Libanais lassés par des années de guerre civile, et le blocage des institutions, « doit-on se préparer dès maintenant à une nouvelle crise politique ? » Et là se demande-t-on, tant cette question de la minorité de blocage divise, « soit l'accord (interlibanais) de Doha est renouvelé, soit (...) on se dirige vers une confrontation que personne ne peut prédire ». L'accord en question signé en mai 2008 avait mis fin à des affrontements intercommunautaires sans précédent depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), qui avaient fait une centaine de morts, et permis la tenue de l'élection présidentielle. Mise en garde du Hezbollah L'autre réaction du Hezbollah est venue sous la forme d'une mise en garde aux vainqueurs de cette élection, qui a prévenu la majorité parlementaire que son armement était un sujet « non négociable ». « Il faut que la majorité s'engage à ce que la ‘‘Résistance'' soit un sujet non négociable, (à considérer) que ses armes sont légitimes et qu'Israël est un ennemi », a affirmé le député du Hezbollah, Mohammad Raâd. Il rappelle aussi que cette victoire ne signifie rien d'autre qu'une poursuite du bras de fer qui dure depuis quatre ans entre les deux camps. « Numériquement parlant, les résultats montrent que la crise fait du surplace, sauf si la majorité change de comportement », a-t-il souligné. « Soit la majorité donne des garanties (concernant l'armement du Hezbollah), soit elle accorde la minorité de blocage » dans le futur gouvernement, a-t-il précisé. Ce sont donc là les principaux et premiers enseignements de ce statu quo annoncé. Il y en aura d'autres inévitablement, mais très certainement les interrogations seront encore plus nombreuses sur l'après-élections.