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Algérie : Du modèle de développement
Publié dans El Watan le 23 - 03 - 2009

A l'époque, la Banque mondiale n'a pour fonction principale que de financer à l'aide de prêts liés l'extension et la modernisation des infrastructures des Etats-membres, destinées à aménager un environnement propice à l'investissement productif privé. Quant au Gosplan, produit de l'anti-capitalisme et du «centralisme démocratique» soviétique son «utopie directrice» est d'édifier, à terme, une société égalitariste d'abondance au moyen d'une collectivisation des moyens de production et d'une planification impérative.
I. Les conseils
De la Banque mondiale
Compte tenu de sa détermination à participer à la reconstruction de l'ordre économique capitaliste d'antan, malmené en 1929-45 par la grande dépression et la Seconde Guerre mondiale, la Banque mondiale préconise à l'Etat algérien (comme à d'autres pays membres) :
– de préserver, dans le cadre du libre-échange, la spécialisation traditionnelle, historique de l'économie dans la production et l'exportation de produits primaires (denrées agricoles et surtout hydrocarbures) ; traditionnellement, le libre- échange (qui favorise les importations) est expliqué aux pays en développement (Brésil, Maroc, etc.) comme étant la contrepartie de l'entrée de leurs produits sur les marchés du Nord ;
– et d'investir dans l'équipement collectif, au moyen de ressources financières, dans le respect de l'orthodoxie monétaire et financière, celle-ci dictant un accroissement modéré de la masse monétaire et donc une maîtrise des prix ainsi qu'un équilibre budgétaire et des payements extérieurs, à un moment où le prix international du baril de pétrole oscille autour d'un dollar.
Cette posture de la Banque mondiale cible, expressément, l'insertion de l'Algérie dans son dessein universaliste de restaurer la mondialisation du passé, érigée en source d'une prospérité partagée. Ce modèle porté aussi par l'autre institution financière internationale, qu'est le FMI et dénoncé comme «impérialiste» par le bloc communiste, n'est pas épargné par les débats aux Etats-Unis, en Amérique latine, etc. des «économistes du sous-développement». Beaucoup d'entre eux en soulignent, très tôt, les caractéristiques, les limites suivantes :
– 1. la précarité et la dépendance des ressources budgétaires et des recettes externes induites par la faiblesse et l'instabilité des prix des exportations primaires, une telle vulnérabilité constituant une menace permanente pour les équilibres internes et externes, fondement de l'orthodoxie libérale ; l'histoire de grands pays d'Amérique latine (Brésil, Argentine, etc.) enseigne que ce modèle hérité de la colonisation, formelle ou informelle, s'effondre, en 1929, quand les cours des produits primaires chutent drastiquement sur le marché mondial y entraînant, sous la houlette des forces armées, des réactions nationalistes, industrialistes et protectionnistes (une voie que le monde armé, depuis 1944-47, d'un certain multilatéralisme, d'une relative gouvernance internationale, cherche à éviter, à l'occasion de la récession actuelle) ;
– 2. l'illusion selon laquelle l'extension et la modernisation des infrastructures de base représentent un déterminant suffisant de l'investissement privé productif. Nonobstant le fait que de tels équipements socio-économiques soient indispensables, les investissements privés productifs sont tributaires d'autres facteurs qualitatifs et quantitatifs (visibilité politique, taux de rentabilité compétitif, sécurité juridique des moyens privés de production, présence d'un système financier convenable, existence d'une classe d'entrepreneurs dynamiques.
Ces conditions sont loin d'être réunies dans l'Algérie de 1962-65 ;
– 3. la croissance économique, tirée par un «boom» du secteur primaire exportateur ne signifie pas toujours pas développement économique et social, diversification de l'appareil de production, résorption significative du chômage et de la pauvreté.
Les exemples de croissance extravertie sans développement ne manquent pas : le Brésil, d'avant 1929, par exemple, enregistre une croissance par l'exportation de denrées agricoles, comme le café, pendant que la propriété foncière et le revenu national étaient concentrés entre les mains d'une minorité de privilégiés, celle des propriétaires terriens (jouissant d'une rente foncière). Ce modèle, impérativement libre-échangiste, ne stimule pas significativement l'investissement productif privé dans les pays économiquement en retard, dénués d'une capacité de développement technologique (fondement de la compétitivité internationale, de l'avantage comparatif dans un monde globalisé). Bien au contraire, le libre commerce :
– entrave toute industrialisation véritable, voire lamine l'industrie existante, désindustrialise ;
– représente un péril pour l'agriculture vivrière, la sécurité alimentaire, bon nombre de pays perdent des pans entiers de leur production alimentaire et voient leur paysannerie se paupériser sous la pression de la concurrence étrangère consécutive au démantèlement, au nom du libre jeu du marché imposé par le FMI, de toute forme de protection, de soutien à l'agriculture ;
– menace, même, l'agriculture d'exportation. A titre d'illustration, les agriculteurs sénégalais craignent de nos jours que les nouveaux accords de partenariat avec l'Union européenne, véhiculant la suppression des droits de douane – s'élevant à 30% – ne ruine les filières de l'huile d'arachide et du concentré de tomates ;
– suscite une expansion des importations plus rapide que celle des exportations conduisant à terme à un déséquilibre du compte courant de la balance des payements, voire à un endettement externe.
L'Algérie éloigne ce modèle libéral, extraverti et dépendant, préservant un ordre social inégalitaire, incompatible avec les droits consacrés par la Charte de Tripoli : le droit à la terre de la paysannerie spoliée et exploitée par la colonisation et le droit à l'industrialisation par la valorisation, la transformation des ressources naturelles (pétrole, minerai de fer, phosphate, etc.)
II. L'option socialiste à l'épreuve du marasme pétrolier de 1982-85
L'Algérie prête une oreille plus attentive au Gosplan qui recommande, à l'inverse de la Banque mondiale, une industrialisation dirigée centralement et concentrée sur l'industrie «industrialisante», l'industrie lourde devant lui assurer, en longue période, au moyen d'une protection exorbitante à vis-à-vis du «marché capitaliste exploiteur», une diversification du système de production.
Synonyme de nationalisations systématiques des moyens de production privés, de l'édification d'un vaste secteur public productif et d'une interférence étendue de l'Etat dans la sphère économique, cette stratégie, occultant totalement la notion d'économie d'échelle, la taille du marché, résulte d'une idéologie socialiste englobant la modernisation de la société (par la démocratisation de l'enseignement) et l'amélioration de ses conditions de vie, même si les premières étapes de ce développement sont marquées par de fortes pénuries, induisant un taux d'épargne élevé (faute de pouvoir dépenser) sans compter l'irruption de l'économie informelle.
L'Algérie, aux besoins sociaux énormes au sortir d'une guerre ayant amplifié la paupérisation de la population, penche vers ce modèle socialiste, plus proche de son idéologie économique dominante véhiculée, alors, par le FLN.
Pendant douze années, de 1965 à 1977, dans le cadre d'une planification centralisée impérative et d'une large nationalisation des moyens de production, le laxisme monétaire et financier, la protection commerciale et cambiaire, la rente pétrolière et l'endettement extérieur servent d'instruments à l'édification d'une industrie nationale dont, toutefois, la productivité est faible et la gouvernance médiocre dans le contexte de la prééminence de valeurs «socio-politiques» sur les «normes économiques».A la fin de cette période sans renier le cadre institutionnel mis en place précédemment (et mieux, à même, par son autoritarisme, de préserver les intérêts politiques des nouveaux dirigeants), l'orientation des ressources est «réévaluée», révisée : de 1978 à 1985, les gains tirés du second «choc» pétrolier, induit en 1979 par la révolution islamique en Iran, sont dirigés vers des opérations de désendettement anticipé volontaire, les infrastructures économiques (relativement délaissées jusque-là) et le combat pathétique de l'économie de pénurie, en contrepartie de ces nouvelles options, l'extension du secteur public productif est maintenant freinée, voire contenue.
Dans le même temps, les prix administrés sont revus à la hausse, voire libérés (comme dans l'agriculture) afin de contenir les subventions et, par conséquent, le déficit budgétaire ; concomitamment, la notion de «profit» est réhabilitée dans les firmes publiques poussées désormais à freiner les embauches ou à comprimer leurs «sureffectifs» et à se doter d'une comptabilité analytique, d'une comptabilité de prix de revient.De plus, dans le souci d'améliorer la gouvernance de ces entreprises, leur «gigantisme» est remis en cause par une restructuration organique, l'éclatement ; ces orientations nouvelles, censées sortir l'entreprise publique du carcan socialiste, forment le premier revers du processus d'industrialisation «industrialisante».
Alors que les pays exportateurs de pétrole (Mexique, Nigeria, etc.) crient à la faillite, à la cessation de payement, dès 1982, quand s'amorce le contre-choc pétrolier, l'Algérie, elle, prétend, contre vents et marées, n'avoir aucun problème financier et en attribue le mérite au monopole d'Etat sur le commerce extérieur (comme si la compression outrancière des importations effectuée au moyen d'une telle entité était une marque de bonne gouvernance).
Infirmant ce discours anesthésiant, le déclin du prix extérieur du pétrole génère une fonte inquiétante des réserves de change qui amène l'Algérie à imiter l'Egypte, en introduisant la notion «d'importation sans payement», «sans transfert» qui creuse durablement le différentiel entre le cours officiel du dinar et son cours parallèle. De plus, c'est la période où, du fait de la contraction des revenus pétroliers, toutes les années sont émaillées de l'adoption d'une loi de finances complémentaire, réduisant périodiquement les prévisions budgétaires et, particulièrement, la dépense publique.
Cette crise financière ne peut plus être dissimulée, en 1986, quand les prix du pétrole, subissant un déclin drastique sur le marché mondial, rendent inopérante la planification centralisée. Une année après, le taux de change du dinar est, périodiquement, déprécié, suivant la démarche du «crawling peg».
L'Algérie retourne au marché international des capitaux qui la regarde comme un «risque financier» : elle ne parvient à y lever que des crédits à court terme et fort onéreux. Le déclin du système productif public (marqué par le surendettement, le vieillissement de ses équipements et la persistance de sureffectifs) s'accélère.
A la suspension des investissements de remplacement ou d'extension, s'ajoutent des «arrêts techniques», des arrêts de travail consécutifs au manque de pièces détachées et de matières premières importées. Le taux de chômage s'accroît sensiblement, d'année en année. Le pouvoir d'achat de la population se dégrade sous l'effet conjugué de la pénurie et de l'inflation. Le ministère des Finances envisage déjà le recours au rééchelonnement, idée vite éloignée, comme dans la Roumanie de Ceaucescu, à cause de la conditionnalité qui l'accompagne et contrarie le «projet socialiste». A l'instar de la Pologne mais plus tardivement, en 1988, l'Algérie octroie l'autonomie aux entreprises publiques (qu'elle transforme en sociétés soumises au seul code de commerce. Dans ce contexte d'incertitude et de forte instabilité couplée à l'émergence timide de thèses libérales, la planification centrale est alors définitivement enterrée ; il n'y a alors ni plan ni véritable marché. Cet effondrement du modèle de développement bureaucratique n'est pas spécifique à l'Algérie.
III. Les suites économiques d'octobre 1988
En 1989, toute référence idéologique au socialisme est effacée de la Constitution qui reconnaît et protège la propriété privée des moyens de production. L'Algérie se tourne timidement vers le FMI qui lui apporte son concours conditionnel. Mais la forte pénurie de devises, dans un pays très dépendant des importations, rend la gestion macroéconomique tumultueuse et voile les perspectives d'évolution, même à très court terme. Dans ce contexte hostile, la seule hantise économique des pouvoirs publics se focalise autour du renforcement de la capacité d'exportation (comme le prouve l'assouplissement, en 1991, du code des hydrocarbures (de 1986) afin de pourvoir :
– d'abord, au payement des échéances de la dette étrangère non commerciale, dominée par des engagements à court terme dès lors que toute cessation de payement conduit inévitablement au «redoutable» rééchelonnement ;
– et, ensuite, à l'approvisionnement, autant que possible, de la population en produits de base (médicaments, denrées alimentaires, etc.).
L'Algérie ne conclut, dans cette période, que deux accords discontinus de courte durée (1 an et 10 mois) avec le FMI. Méfiante, elle redoute toujours la confiscation de son «autonomie de décision». Quelle signification conférer aux programmes d'ajustement structurel ? Conçus dans l'après-guerre et revisités dans la décennie 80, dans le cadre du «consensus de Washington», ils ont pour objectifs primordiaux :
– à court terme de rétablir la solvabilité externe du pays débiteur en difficulté qui y recourt, de l'amener à repayer se dette, le remboursement, à tout prix, de celle-ci étant érigé, depuis fort longtemps, en dogme de l'éthique financière universelle en obligation morale (sauf abandon de ses droits par le créancier) ;
– à moyen et long termes de reconstruire (avec l'aide du GATT devenu OMC, en 1994) l'ordre capitaliste né avec la révolution industrielle que des avancées sociales (plus ou moins consistantes) ont lézardé ou enrichi, depuis la grande dépression des années 30. A partir de mars 1992, à l'expiration du deuxième «stand-by» et dans une conjoncture politique difficile, l'Algérie requiert un programme triennal du FMI qui doute de la capacité de celle-ci à le mener à bon port ; c'est donc autour d'un «stand by» d'un an, que les discussions tournent et aboutissent, en dépit des exigences du FMI en matière de dévaluation du dinar.
La disparition du président Boudiaf gèle la conclusion de cet accord. Bien plus, le nouvel exécutif le fustige et envisage, sans lendemain, d'appeler la nation à une mobilisation «nationaliste», à accepter les sacrifices inhérents à l'instauration d'une «économie de guerre», synonyme d'une forte diminution, à moyen terme, de l'offre intérieure de biens, d'une généralisation de la pénurie, le but de cette compression de la consommation étant d'économiser le maximum de ressources externes en vue de désendetter, coûte que coûte, le pays (ce que Ceaucescu réalise en Roumanie, à la fin des années 80).
IV. La transition vers le capitalisme
Le défaut de payement de la dette, en 1993, résultant du repli du cours du pétrole, jette l'Algérie dans les bras du FMI qui, en contrepartie d'un appui aux rééchelonnements souhaités de la dette étrangère, lui suggère une «thérapie de choc» similaire aux actions exceptionnelles et radicales imposées à la Pologne pour la faire basculer dans l'ère post-communiste. Deux programmes successifs d'ajustement structurel, un «stand-by» d'une année et une «facilité élargie» de trois ans, sont déployés, en Algérie, durant la période 1994-98. Les accords de rééchelonnement, conclus avec les Clubs de Paris et de Londres et adossés, à ces programmes d'ajustement structurel, ont pour mérite de rendre le passif extérieur plus «sûr», plus supportable, en termes de structure et de délai d'apurement. Les engagements souscrits vis-à-vis du FMI mettent la touche finale aux mesures initiées, sans grande conviction, en 1989-92. Ainsi l'Algérie :
– dévalue fortement le cours officiel, la dévalorisation des taux de change étant, d'ailleurs, un moyen de protection de l'économie (non concerné par les règles de l'OMC) ;
– déréglemente le commerce d'importation (remis sous le contrôle du fameux «Comité ad hoc» en 1992/93) et instaure une convertibilité commerciale effective du dinar avant d'améliorer fortement, à la faveur d'un renflouement des avoirs extérieurs officiels, le degré de convertibilité de cette monnaie au titre des services ; cette libéralisation cambiaire est accompagnée d'une restructuration et d'un abaissement des droits de douane (qui facilitent ultérieurement la création d'une zone de libre-échange algéro-européenne),
– libère la quasi totalité du système des prix intérieurs ;
– s'emploie à revenir à l'équilibre budgétaire (fortement compromis par l'instabilité économique et l'ajustement hétérodoxe initié en 1992) ;
– renchérit fortement et provisoirement le coût du crédit dans l'espoir de rétablir, après la maîtrise du processus inflationniste, un taux d'intérêt réel positif ;
– poursuit le démantèlement des monopoles commerciaux publics (par exemple, dans le domaine des assurances) ;
– réduit la taille de l'Etat dans la sphère économique : une vague de dissolutions d'entreprises à capitaux publics a lieu, en même temps que sont mis, ici et là, en œuvre des plans sociaux pour remédier aux «sureffectifs», la Banque mondiale ne cessant pas de les considérer comme le «mal absolu» de l'entreprise publique ; de plus, les premiers textes législatifs sur la privatisation sont promulgués par ordonnance, en 1995-97, sans grand lendemain ;
– met, enfin, en place un filet social pour amortir l'impact humain de l'ajustement structurel.
Les programmes de stabilisation, couplés d'abord, au rééchelonnement de la dette étrangère puis au raffermissement soutenu du cours du pétrole, aident à refouler le mouvement inflationniste ( l'ouverture du marché à la concurrence et l'introduction d'une politique monétaire plus restrictive, aidant) et à restaurer progressivement les équilibres internes et externes. En revanche, ce programme ne génère ni la diversification des exportations ni le recul du chômage et de la pauvreté (qui n'épargne pas la classe moyenne); c'est ainsi que, durant cette phase et jusqu'à 2000-2001, le niveau de développement humain s'amoindrit relativement. Paupérisation et concentration du revenu se renforcent sous l'effet de la libéralisation, comme dans d'autres contrées.
La reprise de la croissance économique et la baisse du taux du sous-emploi s'amorcent à l'occasion d'une bonne pluviométrie, de performances favorables du secteur minier, au sens large, et du lancement de grands travaux publics ; l'évolution du secteur des hydrocarbures fournit au Trésor public des revenus considérables qui favorisent la création, en 2001, d'un fonds de stabilisation des recettes, une sorte de «fonds souverain», devant servir notamment de «tirelire contra-cyclique», lors des années de vaches maigres. Le taux de croissance économique atteint, en moyenne, 4,9 % en 2001-05 ; il est de2 % en 2006 et de 4 ,7 % en 2007, suivant les données du FMI. D'après l'ONS, le taux moyen du chômage est tombé à environ à 12 %, mais il continue d'affecter sévèrement les jeunes de moins 29 ans — qui représentent 38% de la population active, en 2006 — ; la qualité de l'emploi se dégrade : les emplois à durée déterminée forment plus de 67% de l'emploi global, la branche qui a connu une forte expansion étant celle du BTPH.
Depuis 1994, l'Algérie intériorise, de plus en plus, les normes du capitalisme libéral qui tendent à ancrer la protection de la propriété privée, la promotion de l'initiative privée et le jeu de la libre concurrence. Le mot d'ordre du «laisser-faire, laisser-aller», cher à A.Smith et D. Ricardo est d'ailleurs, expressément et curieusement, inscrit dans la Constitution de 1996 (sans doute pour donner, alors, des gages à la communauté financière internationale du caractère irréversible des réformes économiques en cours, dans une conjoncture politique difficile). Nonobstant l'adaptation de l'administration économique, la politique de la porte ouverte est mise en œuvre sans garde-fous (comme le respect de la règle de réciprocité).Ce tableau idyllique cache cependant des lacunes dues à l'absence d'une «stratégie commerciale» :
– l'ordonnance 3/03 sur le commerce qui interdit, au nom de l'atomicité, à un opérateur de contrôler plus de 40% du marché (sauf disposition légale contraire) n'est pas toujours observée, de sorte que la loi 08/12 entérine tacitement cette situation en disposant que, sur accord de l'autorité de la concurrence, il est possible pour une firme de dépasser ce seuil, et ce, en hypothéquant le concept de concurrence ;
– l'indécision législative en matière d'importation qui entraîne, successivement, l'interdiction aux commerçants, personnes physiques d'importer avant qu'un capital social minimum
– 20 000 000 DA- ne soit requis des sociétés d'importation, celles-ci ne devant pas avoir d'associés non résidents. En 2003, le commerce d'importation est redevenu accessible à tout commerçant avant qu'il ne soit, de nouveau, réservé, en 2005, aux seules sociétés ayant un capital de 20 millions DA, clause abrogée en 2008 au motif qu'elle contrecarre la libre concurrence !!!
– cette indécision caractérise, également, les zones franches : introduites dans les années 90, elles sont soumises à l'ordonnance 03/02, abrogée, en 2006 ; l'Algérie est un des rares pays à ne pas être dotée, aujourd'hui, de telles zones ;
– le marché est parfois manipulé par la spéculation car, comme l'explique J.Kornaï pour la Hongrie (en phase de transition), la «libéralisation pour la libéralisation économique» encourage les entreprises cupides, cherchant à accumuler par tous les moyens de l'argent, y compris en trompant l'Etat et le public. Interpellée par l'opinion publique sur ces pratiques n'épargnant pas les denrées alimentaires, l'administration répond que les prix sont libres, que les principes de l'économie de marché lui interdisent d'intervenir.
Pourtant :
– les pères fondateurs du libéralisme et ses idéologues contemporains l'associent toujours à l'éthique ; pour eux, le prix du marché est censé refléter le «juste prix», concept promu par les religions monothéïstes et introduit dans la pensée économique depuis le Moyen-âge ;
– le code pénal réprime la manipulation du marché (ce qui signifie implicitement que la liberté économique ne peut être absolue sans être immorale ou folle (comme viennent de le redécouvrir, «à la faveur de la récession mondiale, les Etats occidentaux qui appellent à une moralisation des marchés).
Dans ces circonstances, un Etat régulateur et superviseur est nécessaire ; la récession actuelle vient de rappeler cette vérité, y compris aux pays, comme la Grande-Bretagne, une des patries du libéralisme.
Pour être légitimes et donc, pour être acceptées, les interventions de l'Etat doivent être opportunes ; autrement, les entreprises sont poussées à faire fi de la loi ou à rester dans l'économie souterraine ou à y basculer.
Le bon exemple d'une mesure non pertinente et visant, vraisemblablement, les sociétés d'importation, est l'obligation faite, en 2005, aux sociétés à responsabilité limitée de se doter d'un commissaire aux comptes sans fixer de seuil, en matière de chiffre d'affaires, au-delà duquel l'entreprise est soumise à cette règle, un seuil existant pourtant dans les pays d'où est importée une telle règle, ces pays n'ignorant pas que beaucoup de sociétés à responsabilité limitée sont des micro-entreprises du type de celles soutenues par l'Ansej) .
(A suivre )


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