Ce dernier a écopé d'une vingtaine d'années de prison. Par la suite, une deuxième accusation est venue de l'éditeur Raphaël Sorin, qui a déclaré que Kundera avait interdit à Gallimard, tout au long de ces années, d'éditer d'autres auteurs tchèques que lui. Connu pour sa discrétion légendaire, Kundera ne répond jamais à ses détracteurs qu'à travers ses écrits. Son essai Une Rencontre, est sortie le 26 mars 2009, contient quelques articles fonctionnant comme des mises au point pour qui sait lire entre les lignes. Avec ce nouvel opus, Kundera fait preuve d'une fidélité sans faille aux thématiques qui ont fondé son œuvre. Une Rencontre peut donc se lire comme un continuum à ses précédents essais L'art du roman, Les testaments trahis, Le rideau. On retrouve toujours son amour immodéré pour des auteurs comme Rabelais, Kafka ou Broch. A travers les neufs chapitres de l'essai, il donne l'impression de réparer des oublis qui sonnaient comme des fausses notes dans ses réflexions sur l'art en général. Ainsi l'œuvre d'un écrivain en vie est toujours en construction et elle est en perpétuel réajustement. Kundera se rend compte enfin que l'Europe n'est plus le berceau du roman et qu'il existe d'autres lieux, où cet art connaît un essor et des évolutions formelles et thématiques fulgurantes. Kundera localise cette renaissance du roman dans les Antilles, la patrie de feu Aimée Césaire. Dans ces îles, la parole du conteur qui se revendique d'un patrimoine africain très riche, irrigue le geste de l'écriture de néologismes et de formes pertinentes issues des traditions orales pour donner au roman de nouvelles possibilités, de sortir d'un classicisme sclérosant. Comme à son habitude, Kundera fait des incursions dans les autres domaines de l'art et notamment la musique. Sa fibre mélomane, qu'il tient de son père qui fut professeur de piano, se manifeste dans son essai par l'hommage qu'il rend à un musicien tchèque, Janacek, originaire comme lui, de la ville de Brno. Ce musicien, qui a écrit des pièces musicales remarquables selon Kundera, n'a pas eu les interprètes qu'il méritait. Les critiques que Janacek a faites à ses disques dans la presse allemande ont permis de faire prendre conscience de leurs carences à ses mêmes interprètes qui ont pris note pour y remédier. Enfin un chapitre est consacré à la peinture de Francis Bacon qui, lui-même, se réclame de la première période de Picasso. Kundera touche du doigt cette façon qu'a Bacon de distordre les corps et de «supprimer les remplissages», c'est-à-dire rompre avec une tradition pour aller à l'essentiel en saisissant le coeur d'une œuvre. Cet essai de Kundera se lit comme des bouts d'œuvres omniscientes arrachés à l'horloge des mots qui s'égrènent en idées originales se consommant sans modération pour le grand plaisir du lecteur.