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L'audace cursive d'un auteur
Publié dans El Watan le 11 - 05 - 2009

Même après avoir refermé le livre, Mohammed, Myriam, Gaston et tous les autres personnages du roman continueront à vous raconter leur histoire. La quatrième de couverture laisse entendre «qu'après vingt ans de tête-à-tête avec son père (Mohammed), Myriam part poursuivre ses études à Toulon et demande à ce dernier de s'occuper de Gaston, le nouvel homme de sa vie…».
Mais cela va bien au-delà des relations père-fille, car à un rythme effréné, Akli Tadjer vous fait pénétrer un monde fait de rencontres, d'humour, de tendresse.
Un monde partagé entre réalisme et fantastique, où la cruauté a aussi sa place. D'un personnage à l'autre, de l'histoire à l'Histoire (celle avec un grand H), l'auteur use de son talent d'écrivain mélomane pour faire entendre la musicalité de ses mots. D'ailleurs, il le dit lui-même : «J'écris à l'oreille. C'est comme une partition, j'entends quand ça sonne et je sais quand la note est fausse, je sais quand les mots ne m'appartiennent pas.»
L'écrivain ose, prend des risques, jongle avec le langage, avec la phonétique, avec les images. Et tel un funambule, sûr de lui, il marche sur le fil. Une audace assumée jusqu'au bout et qui ne lasse pas de surprendre, car il fait mouche à chaque fois : «Je ne veux pas m'embêter à décrire mes personnages, je n'ai rien à faire de leur taille ou leur couleur de cheveux».
Alors, il use de raccourcis aussi désopilants que pertinents, à l'image de Hussein Dey «qui était grand, voûté, barbu, les oreilles décollées : pour faire bref : il était un mix du Prince Charles et de Ben Laden». Et comme par enchantement et d'ailleurs enchanté, le lecteur visualise immédiatement les traits du personnage. Au-delà, Akli Tadjer promène son lecteur du monde contemporain à celui d'avant, usant pour cela de la magie des Mille et Une Nuits. En cela, les rôles de Cruella la poupée et de Lucifer le chat en peluche sont d'importance. Bien sûr, le lecteur est surpris quand il découvre que Mohammed se confie à eux. «C'est comme si on se parlait à soi-même et que ce qu'on se dit dans la tête, on le disait à haute-voix», commente Akli Tadjer. Et effectivement, le lecteur s'habitue très vite, car après tout, qui, enfant, ne s'est pas confié à sa peluche ? Grâce à eux, l'on se trouve complètement immiscé dans l'Histoire, celle avec un grand H. Et la magie s'opère.
D'un coup d'éventail, l'histoire de la France et celle de l'Algérie se déroulent et se mêlent sur fond de contes, entre magie et réalité.
De 1830 à presque aujourd'hui, en passant par la grande Guerre et l'autre, que l'on soit lecteur algérien ou français, chacun retrouvera les traces d'un passé. Un passé où la douleur prend sa place bien sûr, mais c'est l'humain qui prime, même dans ce qu'il y a de plus inhumain. Et au-delà de tout, ainsi que le dit lui-même l'écrivain : «Il n'y a pas de morale dans ce roman, il n'y a que du sentiment.» Le faisant passer du rire à l'émotion, il tient son lecteur en haleine jusqu'au bout. C'est sûr, un livre que l'on referme avec regret.
– Il était une fois peut-être pas
Akli Tadjer
Editions JC Lattès – 2008


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