Un cadeau ne se refuse pas en politique. Surtout lorsque le présent en question a pour nom Front de libération nationale. C'est sans doute la grande leçon à retenir des travaux du congrès « réunificateur » du plus vieux parti du pays. En acceptant d'endosser le statut de président du FLN, le chef de l'Etat confirme l'importance de ce parti dans la pratique du pouvoir. Le FLN - parti réputé proche des cercles de décisions - demeure l'instrument le plus efficace pour conquérir et exercer le pouvoir. La parenthèse, aujourd'hui refermée, de l'âpre bataille pour le contrôle de l'appareil de la formation ayant opposé les redresseurs aux « pro-Benflis » à la veille de l'élection présidentielle du 8 avril 2004, suggère même la nécessité pour les prétendants à la magistrature suprême de s'assurer le soutien du FLN pour gagner l'élection présidentielle. Le chef de l'Etat, qui contrôle aujourd'hui déjà l'essentiel des leviers de commande du pays, renforce ainsi de manière décisive son pouvoir en se faisant plébisciter à la tête du « vieux front ». Elu confortablement et soutenu de manière inconditionnelle par le RND, le FLN et une constellation d'associations de masse, Abdelaziz Bouteflika n'aura certainement pas trop à solliciter, dans les prochains mois, un FLN qui s'est pratiquement offert à lui sur un plateau d'argent. Néanmoins, dans la perspective du référendum sur l'amnistie générale, le Front de libération nationale sera très certainement mobilisé pour battre la campagne du « oui ». L'apport du Front de libération nationale à cette opération n'est cependant pas indispensable dans la mesure où le président de la République dispose déjà d'importants relais capables de garantir le succès du référendum. Parmi les acteurs connus chargés de faire la promotion du projet d'amnistie générale, on retrouve notamment Ahmed Ben Bella, l'ancien Président renversé en 1965, et le secrétaire général du PRA. Le RND et le MSP sont chargés aussi de promouvoir le dossier auprès de leurs bases respectives. A moyen et long termes, le FLN peut, en revanche, se révéler utile au chef de l'Etat pour forcer les éventuels obstacles que pourraient rencontrer la mise en œuvre des réformes. Un FLN obéissant au doigt et à l'œil et qui plus est détient une majorité au Parlement et au niveau local sera un atout pour négocier les tournants économiques les plus délicats. L'utilité du « vieux front » pourrait, par exemple, être mise à profit pour engager la réforme du secteur des hydrocarbures. Un chantier lancé il y a près de trois ans, mais qui n'a pu aboutir en raison de résistances multiples. Les occasions ne manqueront pas à Bouteflika pour « utiliser », en cas de besoin, son parti pour boucler d'autres dossiers d'égale importance. La décision du chef de l'Etat d'accepter le poste de président du FLN rend compte ainsi d'un souci de laisser à portée de main les commandes du parti pour parer à l'imprévu. L'inattendu (bien qu'à écarter durablement) correspondrait à un changement d'attitude du FLN ou de ses alliés de l'alliance vis-à-vis du président de la République. En se permettant d'avoir un œil sur les affaires internes du plus vieux parti du pays, Abdelaziz Bouteflika a fait plus que de se mettre à l'abri. Il se retrouve, pour ainsi dire, dans la peau du futur architecte des élections de 2007 et de 2009.