Réhabiliter une vieille usine pour en faire un lieu socioculturel ou, pourquoi pas, un ensemble social d'habitations est une idée qui a germé depuis longtemps chez les urbanistes et les architectes et même chez les artistes. Une fonderie, une cokerie ou encore une briqueterie à l'arrêt depuis des lustres, ferait tout à fait l'affaire. C'est du domaine du possible, avancent les spécialistes, dans la mesure où des métropoles européennes ont relevé le défi de « relooker » leurs vieilles manufactures qui ont servi de locomotive à la révolution industrielle. Des chefs-d'œuvre architecturaux qui pourraient voir le jour dans notre capitale pour peu que les pouvoirs publics soient sensibilisés, disent les mêmes experts. Il faudra d'abord procéder à un état des lieux, autrement dit connaître avec exactitude le nombre des vieux bâtiments hérités de la période coloniale et dont l'implantation dans l'ancienne zone industrielle d'Alger date, souvent, de plus d'un siècle. « Un recensement fiable à confier aux services domaniaux dans la mesure où la quasi-totalité de ces bâtiments relèvent du secteur public », explique Hocine Genoune, architecte. Cet expert n'omet pas de préciser que dans l'éventualité d'une telle entreprise, il faudrait que le bâtiment « ciblé soit avant tout dans un état physique acceptable, qu'il offre des possibilités multiformes de fonctionnement et qu'il constitue, enfin, une oeuvre et une référence architecturales. Contrairement, à l'Europe où les vieilles bâtisses servaient, dans leur majorité, de chaînes de production, nos "usines" qui peuplent encore quelques pans des anciennes zones d'activité de Belcourt, de Hussein Dey et d'El Harrach, sont des entrepôts et des lieux de stockage. Une différence structurelle à prendre en considération par le maître d'œuvre avant de procéder au premier coup de pioche ». « Nous devons savoir aussi ce que nous voulons au juste. Car il ne faut pas confondre réhabilitation, rénovation, restauration et reconversion. Dans le cas où tout le monde opterait pour un autre usage des bâtisses en question, et c'est là le but recherché, le mot juste serait reconversion », affirme-t-il en proposant une opération pilote financée par les pouvoirs publics. Si ces bâtisses ne sont pas légion, d'aucuns affirment qu'ils ont déjà localisé un site susceptible de servir de « cobaye ». Il s'agit de l'ancienne usine d'engrais, située dans la commune de Bourouba, précisément en amont de la gare d'El Harrach. Doté d'une bâtisse en dur et de locaux en bois dont les toitures sont mansardées - l'architecture des « baraques » rappelle celles qui existaient au XIXe siècle du temps du Far West - l'ensemble se compose en outre d'une cheminée en briques, haute d'une vingtaine de mètres. Le site est abandonné bien qu'il fasse toujours partie du patrimoine d'une entreprise nationale. On y entreposait les engrais destinés à l'agriculture. Pour l'architecte Hocine Guenoune, le site en question est idéal pour une éventuelle reconversion. « A condition qu'il soit au préalable soumis au contrôle technique », prévient-il. Et d'ajouter : « Le reste sera l'affaire des architectes qui, sans aucun doute, sauront lui donner une âme. En un mot, ressusciter une "loque'' immobilière pour le bien-être de la cité ».