Plusieurs styles sont proposés au regard des visiteurs par des peintres débutants ou aguerris, professionnels ou amateurs, érudits ou autodidactes qui ne se lassent pas d'explorer plusieurs registres à la fois. Une quête éternelle d'un style absolu. L'expression est de Seghier Malika, enseignante à l'Ecole des beaux arts d'Oran, venue avec de nouvelles œuvres mais des thèmes anciens comme son thème floral ou l'universelle icône de La Mère et l'Enfant. Mais pour elle, l'essentiel est dans l'approche et ses variantes semi-figuratives enveloppées dans un halo d'ocre clair peintes sur du contreplaqué valent le détour. A l'opposé, Armelle Sergiani, véritable débutante, car n'ayant que 6 mois d'expérience, mais qui s'est découvert une véritable passion « tardive » après une retraite bien méritée, une carrière entière au service de l'administration algérienne. Ses œuvres sont foncièrement décoratives, et c'est, avoue-t-elle, pour compenser ses lacunes en dessin qu'elle s'est ingéniée à imaginer des formes et des silhouettes, y compris la calligraphie, figées avec des aplats. Les « fonctionnaires » artistes sont légion, à l'exemple de Tourabi Mohamed, chirurgien, qui excelle dans « l'art utile » avec ses œuvres préventives contre le tabac ou ses propositions d'affiches. Henni Mustapha est architecte mais son art est très intimiste et, tel un passage par des rites initiatiques, il dénombre trois phases dans la vie d'une création artistique : le spray painting, la confection des contours et les aplats qui préfigurent la formation de personnages ou de formes auxquelles il donne « vie ». Cette inflation de couleurs est presque une vision d'artiste de la naissance de l'univers, avec en arrière-plan le fond diffus cosmologique. Retour sur terre avec Rachid Talbi, un des rares à consacrer encore un peu de son énergie créatrice au paysage. Plutôt impressionniste, ses œuvres sont enracinées dans les couleurs locales qui, malgré la grisaille d'un instantané figé sur le moment, recèlent toujours une beauté infinie. Révolté, il aurait aimé que l'on donne plus de considération à l'artiste. Selon lui, les choses bougent, mais à Alger. « Normalement, je suis le numéro 1 puisque je suis l'aîné », plaisante le 2e Talbi (Abdelhadi), plus serein. Aquarelliste de talent, lui aussi aime sa ville et ses alentours qu'il ne cesse de réinventer. La ville est aussi le souci de Farid Amrar qui s'intéresse à la sauvegarde du patrimoine. Il est impliqué à Oran, avec une équipe algéro-espagnole, dans une opération visant la restauration de certains monuments. Il est l'un des plus jeunes artistes de la manifestation en comparaison avec le doyen, le classique Abdellah Benmansour, dont le parcours remonte aux années post-indépendance. Sur un autre registre, toute proportion gardée face aux aspects pudiques qui caractérisent la production artistique en général et l'exposition en particulier, Saïd Chender peut passer pour quelqu'un qui veut casser les tabous avec ses représentations presque érotiques de la femme-objet mais aussi sujet de désir. Il n'a pas osé le nu, mais les tenues légères qui ne cachent pas les formes et accentuent les effets. Dans l'art typiquement maghrébin, le couple Kessar est revenu avec de nouvelles toiles avec un même souci de mise en valeur des traditions et paysages de l'Algérie profonde, comme le fait Kada Sebbane ou cet autre médecin, Bensalah Abdelouahid, qui se considère carrément orientaliste avec Etienne Dinet comme père spirituel. Hormis quelques têtes d'affiche de la peinture oranaise qui ont participé pour rehausser la qualité de cet événement, une médaille de mérite revient sans doute à Bouafia Benali, un handicapé moteur qui a voulu transcender sa condition pour s'élever par l'art.