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Analyse de l'accord d'association Algérie-Communauté européenne
Publié dans El Watan le 23 - 06 - 2009

L'Algérie est appelée dans les prochains mois à mettre en vigueur les dispositions de l'accord d'association séparé qu'elle a conclu avec l'Union européenne à Valence en avril 2002.
Toute la question est de savoir si nos opérateurs économiques sont prêts à s'engager dans les réformes de structure urgentes qu'appelle l'application prochaine de cet accord. Pour en mesurer objectivement la portée, il faut considérer trois ordres de circonstances :
1- les contraintes de cet accord pour l'économie et les finances publiques algériennes ;
2- les atouts dont dispose néanmoins notre pays malgré la fragilité des acquis obtenus dans le domaine de la stabilisation des équilibres macro- économiques ;
3- les attentes de l'Algérie de l'Union européenne.
1- Les contraintes de cet accord pour l'économie et les finances publiques algériennes :
1.1- Pour l'économie : Une augmentation sensible des importations de biens d'équipement et de biens industriels en provenance de quinze pays de l'Union européenne (les 10 nouveaux entrants ne sont pas concernés par l'accord, puisque leur adhésion remonte au 1er mai 2004) s'effectuera dès l'entrée en vigueur de l'accord. Ceci représente une menace majeure sur les produits et biens fabriqués en Algérie et destinés à la satisfaction du marché intérieur. De nombreuses PME seront certainement contraintes au dépôt de bilan, du fait qu'elles ne pourront pas concurrencer (en termes de qualité et même de prix) les entreprises exportatrices européennes. Quant aux entreprises publiques qui interviennent dans le secteur concurrentiel, elles risquent de subir le même sort ou d'être encore davantage déstructurées, à cause de la faible compétitivité de leurs produits. Il en résultera des pertes d'emplois que l'on peut d'ores et déjà chiffrer à des dizaines de milliers, voire davantage.
1.2- Pour les finances publiques : La baisse très sensible des droits de douane avant la suppression totale à l'échéance fixée par l'accord d'avril 2002 va induire des pertes de ressources budgétaires considérables. Il faut savoir que 30% des recettes fiscales globales par année sont constituées par les droits de douane. Quels postes budgétaires prendront en charge ce manque à gagner que l'on peut évaluer à plusieurs centaines de millions de dollars ? Faudra-t-il augmenter les recettes fiscales et lesquelles, sachant que le retour à l'équilibre budgétaire est une exigence permanente des institutions de Bretton Woods et que le rendement fiscal dans notre pays reste dramatiquement bas, en dépit de l'immense effort pédagogique entrepris par le ministre des Finances depuis cinq ans, mais en vain ?
2- Les atouts dont dispose néanmoins notre pays : Avec des réserves de change qui s'élèvent à 42 milliards de dollars fin 1994, des recettes d'hydrocarbures qui atteindront le chiffre de 39 milliards de dollars en 2005, le gouvernement algérien n'est pas dépourvu de marges de manœuvre. Il n'est cependant pas question de financer les contraintes résultant de l'accord avec l'Union européenne par la fiscalité pétrolière. Cela ne serait ni sain économiquement, lorsque l'on connaît, par ailleurs, les besoins en financement de l'appareil de production et les besoins sociaux qui vont croissant, ni toléré par les institutions de Bretton Woods qui observent d'un œil vigilant la gestion de nos finances publiques. Cela est du reste le cas de tous les Etats dont aucun, qu'il appartienne ou non à une zone de libre-échange, n'est autorisé à commettre de dérapage dans la gestion de son budget et de ses comptes publics. Les recettes financières additionnelles générées par l'augmentation des prix du pétrole et une gestion moins laxiste de nos finances publiques (mais toujours insuffisante) devront servir à conforter les acquis en matière de stabilité macro-économique. Ce n'est qu'en s'assurant une meilleure maîtrise de nos finances publiques que nous ramènerons le déficit budgétaire à un niveau acceptable par rapport à notre PIB (abaisser le déficit hors hydrocarbures à un pourcentage de 30% environ du PIB hors hydrocarbures en 2005). C'est durant la période 2005-2009 qu'il faudra accélérer les réformes de structure et améliorer les performances de notre appareil de production, qui restent très médiocres et très en-deçà, en tout cas, des efforts consentis par l'Etat pour redresser les entreprises économiques en difficulté. Le caractère foncièrement rentier de notre économie s'est exacerbé durant ces dernières années. En 2005, le PIB réel hors hydrocarbures enregistrera une baisse, en partie il est vrai à cause du redressement de la politique budgétaire à moyen terme. Mais la tendance, à cet égard n'est pas encourageante. Il faudra poursuivre la privatisation des banques qui demeurent en déphasage au regard des exigences de l'économie de marché et dont la productivité reste très faible, comparée aux banques tunisiennes et marocaines dont les Etats respectifs sont également liés par un accord de libre échange avec l'Union européenne. Au moment où le solde des transactions extérieures courantes est fortement positif, les réserves brutes extérieures de la Banque d'Algérie en hausse et l'encours de la dette extérieure en baisse constante, il est anormal que les opérateurs économiques algériens continuent d'adopter le statu quo dans leur gestion et leur fonctionnement. Une mise en garde rigoureuse du chef de l'Etat s'impose désormais devant l'inertie des banques et des entreprises publiques dont la plupart n'ont pas réellement entrepris les efforts d'adaptation nécessaires. Mais pour ce faire, il est également indispensable de faire cesser les injonctions administratives ou extra-administratives que subissent banques et entreprises et les empêchent d'accomplir leur aggiornamento.
3- Les attentes de l'Algérie de l'Union européenne : La mise à niveau de notre appareil économique est financée en partie par le programme MEDA. Mais ce qui est le plus important dans la perspective d'adaptation de nos structures de production, c'est moins l'appui à l'ajustement structurel (que nous pouvons désormais prendre en charge nous- mêmes) que le financement d'opérations, comme l'appui technique à la privatisation, la réforme du secteur bancaire et financier, l'amélioration de la formation professionnelle. L'Algérie est également en mesure de prendre en charge le financement des programmes d'appui sectoriel (santé, développement rural) grâce à la réduction du déficit budgétaire. Dans ce cas, ce qu'il est attendu de l'Union européenne, c'est qu'elle augmente le montant de son aide financière au profit des réformes de structures et assiste par exemple les entreprises algériennes à constituer des fonds de capital-risque qui permettront d'améliorer la mobilisation des capitaux privés, ce qui devrait favoriser l'emploi et l'augmentation des recettes fiscales. Cela dit, c'est l'utilisation rationnelle et rigoureuse des fonds MEDA qui fait problème et notre administration est interpellée à cet égard par l'Union européenne. Qu'il s'agisse de l'identification des projets, de leur formulation, de la mise en œuvre et enfin des évaluations d'impact, notre administration ne semble pas en mesure d'accompagner les bénéficiaires des programmes MEDA selon les directives de l'accord qui nous lie à l'Union européenne. Il en résulte que l'Algérie ne sera pas en situation d'exiger de ses partenaires européens qu'ils envisagent une augmentation des fonds MEDA, aussi longtemps qu'elle éprouvera des difficultés à gérer ceux qui ont été déjà mis à sa disposition. Une intervention vigoureuse de la présidence de la République s'impose donc à cet égard dans la mesure où le ministre des Finances a déjà épuisé son stock de mises en garde et de récriminations. Il convient de dénoncer sans hésitation les structures et les institutions qui ne respectent pas les directives des fonds MEDA, empêchant ainsi l'Etat algérien de réclamer une aide supplémentaire à l'Union européenne au moment où la mise à niveau de notre appareil de production semble compromise. En conclusion, on ne peut que déplorer le fait pour le gouvernement d'attendre la fin de l'année 2004 pour envisager de sensibiliser les opérateurs économiques impliqués par l'accord d'association avec l'Union européenne, alors que celui-ci a été signé depuis bientôt trois ans. Les autorités marocaines et tunisiennes avaient, quant à elles, mobilisé leurs entreprises des années avant la signature de leur accord avec l'Union européenne.
Les auteurs sont :
Directeur général Prospeco-Conseil
Avocat
Ali Mebroukine , Dr Abdelkader Chaker


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