D'ailleurs, cette flambée des prix commence déjà à inquiéter plus d'un, marchands y compris, qui prévoient des augmentations «substantielles» des sommes que les consommateurs auront à débourser pour préparer leurs repas. Cela concerne particulièrement les légumes dont les ménages ont le plus besoin durant le mois sacré, et dont les prix, depuis quelques jours, commencent vraiment à grimper», explique un marchand possédant un étal à Bab El Oued. «Le prix de la pomme de terre, par exemple, n'a pas vraiment bougé, il oscille, selon sa qualité, entre 30 et 45 DA. Cela s'explique par le fait que les citoyens ne l'utilisent que rarement durant le Ramadhan. Tandis que la laitue, la tomate, la courgette et autres ingrédients indispensables à la préparation d'une chorba sont en passe d'atteindre des sommets», déplore-t-il. Il est vrai qu'avec la laitue à 100 DA ou la tomate à 70 DA, les bourses les plus modestes auront encore plus de mal à remplir leurs couffins dans les semaines à venir. D'autant plus que ce Ramadhan s'annonce caniculaire, et «les ménagères, pour la plupart, tablent sur des plats légers pour les repas», affirme un maraîcher, ajoutant «qu'elles devront trouver une alternative aux salades». Cette hausse programmée ne concerne évidemment pas uniquement les légumes et fruits frais. Le «frik», blé tendre concassé, connaîtra une hausse de «quelque 30 DA», affirme un vendeur, et atteindra les 270 DA le kilo. De même, les fruits secs ne seront pas épargnés. Le prix du raisin sec augmentera de plus de 150 DA, tout comme celui des pruneaux et des abricots secs. Viande blanche La volaille a, quant à elle, connu une hausse, constatée depuis le début de cet été. Le poulet frise les 300 DA, et la dinde, ou du moins les escalopes de ce gallinacé, «valent» plus de 600 DA le kilo. L'explication réside, selon les revendeurs et éleveurs, dans le fait que durant les canicules, les élevages de volaille connaissent de nombreuses morts inexpliquées. De ce fait, la plupart des personnes, qui activent dans ce domaine, suspendent leur élevage durant la période estivale. Les fermiers et autres fournisseurs, qui s'y risquent malgré tout, et afin de rattraper ces «pertes», doivent impérativement augmenter les prix du gros. «Contrairement à chez nous, dans d'autres pays, les éleveurs disposent de subventions et l'Etat leur rembourse le montant des pertes», dit tristement un vendeur de volaille, qui est «bien obligé de suivre ces hausses pour pouvoir maintenir sa marge bénéficiaire». Viande rouge L'autre produit phare du mois du Ramadhan est bien évidemment la viande rouge, bovine ou ovine. Cette année, les Algériens devront «devenir végétariens, ou bien ils se mettront malgré eux à un régime hypo protéinique», ironise un boucher. La boutade de ce professionnel est on ne peut plus vraie, à 1200 DA le kilo de bifteck de bœuf, ou 600 DA le kilo de poitrine de veau. «Les prix sont supérieurs à ceux de l'année dernière, et ils vont aller crescendo dans les jours à venir», affirme-t-il, ajoutant : «Depuis un mois, ils ont déjà augmenté de plusieurs dizaines de dinars, voire plus». La faute à qui ? «C'est le refrain habituel : spéculateurs, marché informel, marges bénéficiaires et commissions des intermédiaires, ajouté à tout cela l'absence de régulation de la part des autorités et de contrôle», explique-t-il. Depuis quelques années, les petites bourses, auxquelles ces denrées étaient inaccessibles, se «rabattent» sur les viandes bovines congelées et importées. Il semble que cette année, cette viande de «substitution» est elle aussi inabordable. «La nouvelle taxe imposée sur ces importations fera que leurs prix connaîtront une augmentation de plus de 200 DA parfois», redoute l'UGCAA, qui affirmait pourtant qu'«aucune hausse des prix ne devrait être connue durant ce Ramadhan». Ramadhan, vacances, rentrée… Un Ramadhan qui s'annonce donc des plus difficiles pour les consommateurs algériens, qui ne peuvent que constater les prix prohibitifs, «et achètent tout de même des légumes à plus de 100 DA», s'exclame une mère de famille, indignée non seulement par la cherté de la vie, mais aussi par la docilité des consommateurs algériens. «Nous devrions tous faire une grève du couffin ! Ça leur apprendra !», assure-t-elle. Plus amère, sa voisine se contente de déplorer : «Les prix augmentent mais pas les salaires, deux paies ne suffisent plus pour vivre décemment. Nous devons rogner sur des frais devenus superflus, comme les habits ou les loisirs. Mais j'ai comme l'impression que bientôt nous devrons encore plus nous serrer la ceinture, et ce, uniquement afin d'assurer à nos enfants, qui sont en bas âge, une alimentation équilibrée en adéquation avec leurs besoins de croissance», s'attriste-t-elle. D'autant plus que la conjoncture n'aide en rien les Algériens, puisque ce Ramadhan coïncide avec l'été et les vacances, la rentrée scolaire et sociale, qui seront suivis de l'Aïd El Fitr. «Nourriture, plage, tablier, cahiers et livres… Ce n'est plus de la tête que les Algériens ne savent plus où donner… c'est plutôt de leurs quelques sous…», conclut une mère de famille.