Dans le cadre du Festival de la littérature et du livre de jeunesse, une conférence portant sur la femme dans la littérature africaine contemporaine a eu lieu, lundi soir, à l'espace Le Cénacle, au niveau de l'esplanade de Riad El Feth. Cette deuxième conférence inscrite dans le programme du Fe Liv peut se targuer d'avoir regroupé à la fois des plumes féminines de talent. En effet, les quatre intervenantes, en l'occurrence Mambou Aimée Gnali, Fadhila Benmerabet, Tanelle Boni et Calixthe Beyala, ont, dans un brillant argumentaire, jeté leur regard sur la littérature féminine africaine. Ancien ministre de la culture à Brazzaville, Mambou Aimée Gnali a estimé qu'à travers la littérature africaine contemporaine, la femme apparaît sous un jour nouveau en parlant d'elle-même. Dans un passé récent, dira-t-elle, ce sont les hommes qui écrivaient sur les femmes. Dans la littérature actuelle, il y a beaucoup de femmes qui écrivent sur elles-mêmes. Pour étayer ses propos, Mme Tanella Boni est revenue, à l'occasion, sur ses débuts dans le monde de la littérature. Dans son récit autobiographique Beto na Beto, le poids de la tribu, publié aux éditions Gallimard, l'ecrivaine révèle qu'il s'agit du récit d'une tranche de vie. C'est l'histoire de trois personnalités congolaises qui ont été assassinées pour des raisons politiques. Parmi les trois regrettés disparus, figurent son oncle et son compagnon. Elle dira à ce propos, qu'écrire ce livre était un devoir de mémoire. Mme Tanella Boni est convaincue que « les femmes de lettres africaines abordent des thèmes différents, pas nécessairement des faits en relation avec l'Afrique, mais des événements qui se déroulent en Europe ou encore en Amérique. » La deuxième intervenante, Fadhila Benmerabet, n'a pas mâché ses mots pour affirmer qu'elle ne sait pas ce qu'est une femme. Avec des mots justes et forts à la fois, elle dira qu'elle est un être humain avant d'être une femme et une algérienne. Tout être humain est singulier. « Qu'est-ce qu'une femme algérienne ou française », s'interroge-t-elle. Elle répondra en disant qu'il y a autant de femmes singulières que de femmes algériennes et françaises. Fadhila Benmerabet se considère être comme une femme qui écrit. « Je suis un témoin. » Elle confie que son premier livre La femme algérienne, elle l'a écrit à la suite de son empêchement de témoigner sur la barbarie commise sur certaines adolescentes. « C'est un crime, dira-t-elle. J'aurais été coupable par mon silence à non-assistance à personne en danger. Ce premier livre m'a valu la fureur du pouvoir. Si la femme n'est pas considérée comme un être humain à part entière, c'est que l'homme n'est pas un citoyen. Mon livre, c'est dénoncer l'absence du démocrate ». Fadhila Benmerabet se considère comme une féministe. « Je veux être démocrate. Je veux avoir les mêmes pouvoirs que les hommes », conclut-elle. Pour sa part, Tanella Boni de côte-d'Ivoire affirme qu'elle ne sait toujours pas s'il y a une femme au singulier ou au pluriel. Pour cette écrivaine, il y a des expériences et des sensibilités multiples qui ne se ressemblent pas. L'auteur compte à son actif quatre ouvrages dont les personnages principaux sont des femmes. La femme incarne l'expérience et le vécu : des ingrédients qui constituent une tranche de vie qu'elle ne vit pas seule mais avec des hommes. « Ce sont avec ces hommes qu'on entre, entre autres, dans l'histoire politique, économique et culturelle. Nous sommes des êtres humains avec des valeurs communes ». Calixthe Beyala du Cameroun expliquera, pour sa part, que la femme est une étoile, une lumière. Elle est également plurielle. Les femmes ont eu à subir les mêmes supplices et les mêmes humiliations. En l'espace de 23 ans, elle a publié une vingtaine de livres. Calixthe affirmera sans gêne aucune que la femme a été privée d'écriture. « Les hommes ont confisqué notre parole. Nous avons été soumises à leur vision ». Selon elle, la littérature écrite par les hommes a été une littérature d'opposition et par la suite, dès les années1960, elle est passée par une littérature de soumission à la pensée de quelqu'un d'autre. Nous avons en nous le désir de l'universel. A l'issue de cette rencontre intéressante, l'ensemble des intervenantes ont reconnu que c'est la société qui impose une condition féminine et que le nombre d'écrivaines africaines est en nette progression depuis quelques années.