A la sortie ouest de la ville de Aïn Bessem (20 km du chef-lieu de la wilaya de Bouira), en allant vers Sour El Ghozlane, ce sont plusieurs centaines de ces jeunes qui s'y mettent à l'œuvre. D'après certaines estimations faites sur place, il y a au moins un millier de ces ouvriers venus de la wilaya de Aïn Defla principalement, qui sont venus s'y installer en vue d'un travail dans les champs de pomme de terre. Sur place, il nous a été donné de constater que ces jeunes s'adonnent à cette activité sans même penser au logis. Abrités par le plein air et passant leurs nuits à la belle étoile, ces travailleurs ne sont pas à leur dernière souffrance dès lors qu'ils doivent souvent se débrouiller pour espérer trouver la pitance. Lors de notre déplacement, nous n'avons donc pu que constater l'état lamentable où travaillent ces «esclaves» de l'ère moderne, moyennant des rétributions pour le moins désuètes. A notre arrivée, il était 11h, des centaines de jeunes de différents âges, avec leurs cabas de voyage, sont allongés sur des bouts de cartons, sous l'ombre des arbres, seul abri contre la chaleur torride de la saison. Entre temps, d'autres sont encore dans les champs sous un soleil de plomb continuant la cueillette. Le premier groupe rencontré est composé d'une dizaine d'ouvriers, lesquels, selon leurs dires, venaient juste d'arriver. En leur demandant pourquoi viennent-ils de si loin pour un si minable travail, un jeune de 22 ans répond, «la récolte de la pomme de terre est terminé à Aïn Defla, et comme nous n'avons pas autre chose à faire, non diplômés que nous sommes, c'est notre seul moyen de gagner de l'argent. On a cherché du travail ailleurs, mais sans résultat, on a su de bouche à oreille, qu'à Bouira on peut dépanner pendant la récolte alors on s'est déplacé ici afin de gagner notre pain», parmi eux, Kader, 34 ans, père de famille ajoute «je suis obligé de venir ici et travailler durement, car j'ai une famille à nourrir. On sait que c'est dur, mais que peut-on faire de mieux ? Il faut bien rester ici plus d'un mois pour espérer cueillir un peu d'argent et l'envoyer par la suite aux enfants». L'un des propriétaires des champs nous explique de son côté, que la récolte s'effectue pendant une période précise, l'étendue des champs, ainsi que le facteur temps, leur imposent d'embaucher davantage d'ouvriers, allant de 60 à 70 personnes, inversement à l'habituel où l'on ne fait appel qu'à 5 ou 6 ouvriers au plus. Les ouvriers commentant les conditions de travail et de l'hébergement diront : «On passe la nuit dans les champs, nous achetons des provisions, chacun selon ses moyens, on dort peu la nuit et on commence le travail de 4h à 12h, puis l'après-midi de 14h à 19h, mais nous devons travailler pendant notre pause sous le soleil brûlant, si on a une commande». Un groupe de jeunes interrogés sur les conditions inhumaines du travail répondent, «on préfère travailler dans ces conditions que de voler et d'agresser les gens dans les rues». En somme, travailler dans de telles circonstances avec un salaire journalier de 700 DA, relève de l'esclavagisme pur et dur.