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Les multinationales et la démocratie du zaouali
Publié dans El Watan le 25 - 08 - 2009

Quel pays anciennement colonisé n'a pas eu à défendre son indépendance et à se protéger contre les visées et les manigances de ces mêmes pays qui les avaient colonisés.
L'Algérie avait subi un embargo outrancier suite à la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février 1971. Elle s'en était victorieusement sortie et a pu, par la suite, entreprendre des projets de développement.
Nous assistons aujourd'hui, à nos frontières, dans le Sahel, à des troubles dont on se demande comment subitement ils surgissent ? Les forces occultes n'ont de cesse de les fomenter afin de donner l'occasion aux puissances étrangères d'intervenir et ensuite imposer des régimes inféodés, sous couvert du placebo démocratique occidental, pour servir ensuite d'une démocratie du zaouali qui permettra par la suite l'installation des sociétés pétrolières et minières voraces.
Les scénarii sont connus et le premier a été le renversement, en 1953, de Mossadegh qui avait fait une brèche dans la mainmise sur l'Iran par les sociétés pétrolières anglaises et américaines. Quel pays soumis à l'exploitation sans vergogne de ses richesses par les lobbies et les trusts n'a pas eu à les dénoncer, à se battre pour que cessent et l'exploitation des peuples et la destruction de la nature.
C'est le cas aujourd'hui du Pérou qui se bat non seulement contre son gouvernement, mais indirectement contre les puissances financières qui régentent le monde.
Rappelons-nous Cuba qui avait arraché son indépendance puis l'a préservée, et enfin l'a sauvée en 1961 lors de l'agression de la Baie des Cochons. C'était là aussi une libération contre les intérêts sordides de multinationales qui avaient imposé Batista à Cuba, comme on a adoubé Alan Garcia au Pérou. On assiste aujourd'hui encore au renversement du chef de l'Etat du Honduras par une junte militaire pour des raisons fallacieuses de révision de la Constitution qui permettrait à Manuel Zelaya, président du Honduras, de poursuivre son projet de décolonisation économique, comme l'avait fait le président vénézuélien Hugo Chavez. Lors des événements de Cuba, la jeunesse du monde s'était enthousiasmée dès le début pour une révolution dont les symboles nourrissaient ses rêves et son romantisme, et qui soulevait un immense espoir chez les peuples d'Amérique latine.
Aujourd'hui, on a les mêmes rêves d'une révolution juste, mais sans romantisme. Il ne s'agit plus de défendre de sordides intérêts matériels, il s'agit de sauver nos vies et celles de nos enfants en préservant l'avenir, ce que démontrent les manifestations des indiens du Pérou en s'opposant à la destruction des forêts. Cuba n'a cessé d'être menacée, attaquée, soumise à un blocus économique asphyxiant, obligé de rester constamment sur le qui-vive. Aujourd'hui, elle est calomniée plus que jamais et on n'hésite pas à présenter l'île comme l'enfer, malgré le peu d'informations consacrées à ce pays.
Aujourd'hui que les cubains enregistrent d'importants succès dans l'agriculture et l'industrie, et alors qu'ils ont résolu les problèmes sociaux les plus urgents dont sont encore accablés leurs voisins, ce qui se passe dans l'île ne semble plus intéresser grand monde. Quand je parle d'importants succès, il s'agit de succès relatifs bien sûr, mais «cordonnier est maître chez soi». J'aurai souhaité que les indiens du Maranôn vivent comme les cubains avec en plus leurs forêts sauvegardées.
Quant à la société cubaine, il suffit de regarder vivre Cuba, non pas nécessairement avec amour, mais simplement sans haine, pour constater que son peuple bénéficie des droits humains fondamentaux, le droit à l'éducation, au travail, à la santé, à la dignité que garantit l'absence de racisme dans un pays où existe un grand métissage. Ce qui n'est pas le cas des indiens du Pérou. Sans doute que Cuba n'a pas réalisé ses vœux de réussite, mais qui oserait prétendre que ce qui a été déjà réalisé n'est rien ? Et puis, qu'est-ce que la liberté qui mène ver un système libéral, vers une «anthropophagie» démocratique ? Ce dont ont besoin les masses laborieuses, c'est de l'égalité et du respect de leur mode de vie, la liberté ils l'ont. A Cuba, on a toujours considéré les terres comme ressources naturelles non renouvelables. Depuis le début de la révolution, elles avaient été non privatisables, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui du Pérou, bien que les systèmes politiques sont autres et parce qu'ils sont autres, hélas. Mais pourquoi diable, dans un système libéral, ne pourrait-on pas légiférer et déclarer que des terres, des forêts ou un littoral sont inalliables, imprescriptibles et invendables ?
Depuis le 8 juin 2009, la police matraque et tire sur les indiens péruviens qui veulent protéger leurs terres, la forêt et leurs rivières contre l'infiltration des sociétés pétrolières avides de gains. Le peuple amazonien doit être respecté et, surtout, que lui soit sauvegardé l'usufruit des terres ancestrales. C'est un comble que les gens de la ville, ceux qui généralement accèdent au pouvoir, puissent intervenir et légiférer sur des questions dont ils n'ont pas connaissance. Le minimum est de consulter ces populations et/ou de se faire conseiller par des spécialistes qui connaissent ces questions (sociologues, anthropologues, agronomes). Chez nous en Algérie, et par comparaison, un tollé général s'est instauré en 2008 lorsque la population avait appris qu'un tracé d'autoroute passerait par une zone humide protégée (lacs Tonga et Oubeira à l'est du pays), ce qui risquait de détériorer l'écosystème (faune et flore). La pression des associations a fait que les ministères concernés ont été amenés à les écouter et étudier avec elles ces projets avec leurs représentants spécialistes de ces questions. C'est là un exemple de concertation qui éclaire, évite les confrontations et permet de tenir compte les idées des uns et les intérêts des autres. Y compris des intérêts des animaux et des insectes.
Les populations indiennes des forêts amazoniennes ne pourraient-elles pas obtenir ce qu'ont obtenu les populations algériennes pour la sauvegarde des zones humides : écouter leurs doléances, respecter leur identité, respecter la nature. Mais surtout respecter la constitution péruvienne, laquelle leur accorde un droit de veto s'il est exprimé à plus de 60%.
Pour tout cela, il faut se battre pour convaincre et arracher les droits, sans haine, sans violence, et je dis à mes amis indiens que la forêt détient des gouffres végétaux qui ramènent à l'ordre la mesure humaine. Je ne finirais pas sans rappeler le mot de José Marti : «Personne n'a le droit de dormir tranquille tant qu'il y aura un seul homme malheureux.»
– L'auteur est : Urbaniste, romancier, Alger


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