L'ancien président-directeur général d'Hydro Traitement estime que le transfert des eaux de In Salah vers Tamanrasset, deuxième grand projet de l'Algérie après celui de l'autoroute Est-Ouest, est un véritable gâchis économique. Projet rare dans le monde et qualifié de courageux et d'audacieux, le transfert des eaux de In Salah vers Tamanrasset n'a jamais été, jusque-là, « critiqué ou remis en cause ». Mais pour Mohamed Mokhtar Tarakli, ancien président-directeur général d'Hydro Traitement, il y a lieu de reconsidérer les choses. En se basant essentiellement sur une donne économique, il nous fait part de sa réflexion. Le deuxième grand projet de l'Algérie après celui de l'autoroute Est-Ouest est, de son avis, « un véritable gâchis pour notre économie dans la mesure où on injecte des sommes d'argent faramineuses qui auraient pu servir à d'autres projets beaucoup plus économiques et prioritaires ». Car, explique-t-il encore, ce projet en particulier représente une « dépense qui va encore multiplier les problèmes de Tamanrasset sans en régler aucun ». Tamanrasset « n'a jamais été une ville stratégique dans l'échiquier pour la fixation des populations du Sud algérien ». L'ancien PDG précise que la ville la plus importante avant la création de la garnison militaire de Tam après l'indépendance était évidemment Aïn M'guel. « Mais l'eau de Aïn M'guel a été transférée vers Tamanrasset en 1987 (conduite de 175 km) au détriment de Aïn M'guel sans régler celui de Tamanrasset avec l'arrivée encore plus massive des populations des régions voisines ». Le transfert des eaux de In Salah vers Tamanrasset est plus grave car, ajoute-t-il encore, « rien ne justifie cet énorme investissement dans la mesure où il n'y a ni terre ni traditions agricoles dans cette wilaya ». De son avis, « cette eau et cet argent auraient dus être utilisés dans le développement des terres de In Salah en encourageant des milliers d'Algériens à s'y fixer en leur offrant une meilleure qualité de vie, à l'exemple d'une aide et d'un intéressement à l'investissement, avec mise en place des mesures d'accompagnement ». De son avis, les régions de In Salah et d'El Goléa auraient pu être deux grands centres de fixation et d'encouragement au développement agricole du Sud algérien dans la mesure où toutes les conditions sont réunies (eau, terres, hommes). Le transfert sur Hassi Messaoud « doit être aussi farfelu que la création de la nouvelle ville », explique M. Tarakli. « Nous n'arrivons pas à gérer nos vieilles villes qui meurent d'apoplexie, mais on fait de la fuite en avant en voulant créer des mégapoles sur les plus belles terres telles que Bouinan et Mahelma... L'idée est simplement d'écouter des bureaux d'études étrangers qui nous font faire les plus grosses bêtises et dépenser notre argent sans apporter le moindre petit plus à notre qualité de vie. » Entre temps et sur le terrain, le rythme commence peu à peu à s'accélérer. Le ministre des Ressources en eau veut réceptionner le projet en été 2010. Certains lots sont déjà achevés. La réalisation des forages, à 70 km au nord de la ville de In Salah, est déjà terminée, tandis que la livraison du réservoir terminal de Tamanrasset, d'une capacité de 50 000 m3, est attendue pour mars 2010. Le tronçon In Salah-Arak, d'une longueur de plus de 350 km, est quasiment terminé, alors que celui reliant Arak à la ville de Tamanrasset (environ 400 km) demeure le tronçon critique du projet en raison d'un terrain hostile et souvent rocheux - la soudure des canalisations se fait uniquement pendant la nuit à cause des conditions climatiques. Autre question : y a-t-il risque de radioactivité ou pas ? Abdelmalek Sellal a lui-même expliqué, il y a quelques semaines, qu'il n'y a aucun risque que l'eau soit contaminée par cette radioactivité. Mais le 6 juin, lorsqu'il s'est rendu sur place, il a pourtant insisté sur « la nécessité de prendre toutes les mesures de précaution et de protection des travailleurs contre les risques de radioactivité au niveau de la région de In Eker, qui a subi des essais nucléaires durant la période coloniale ». Une étude menée dans ce sens par un bureau français sous la supervision du Commissariat de l'énergie atomique (Comena) a délimité le tracé du projet au niveau de cette zone et exclu tout risque de contamination de l'eau, avait assuré le ministre. La capacité du projet est de 50 000 m3 par jour, ce qui permettra de répondre dans une large mesure aux besoins de la population de la ville de Tamanrasset ainsi que celle des localités avoisinantes estimés à 25 000 m3 par jour. Rappelons également que c'est une société chinoise qui est en charge des travaux de transfert d'eau. Les composantes des pompes sont fabriquées au Brésil, en Finlande et en Allemagne et seront réceptionnées entre octobre 2009 et mars 2010.