Photo: S. Zoheir Par Ghada Hamrouche Garantir la sécurité en eau pour les populations du Sud et des Hauts Plateaux est loin d'être une mince affaire dans des régions où la pluviométrie n'atteint pas 100 mm par an dans les meilleurs des cas. C'est pourquoi l'Algérie a entamé un gigantesque chantier pour assurer l'alimentation en eau potable à ces populations. Et c'est dans de telles perspectives que s'inscrit le fameux projet de transfert des eaux souterraines d'In Salah à Tamanrasset. D'une capacité globale de 60 000 milliards de m3/an, la nappe albienne n'est exploitée qu'à hauteur de 2,5 milliards de m3/an. Cette nappe est partagée par trois pays du Maghreb. Un projet qui n'a pas manqué de soulever les critiques des spécialistes. Les scientifiques ne se lassent pas de rappeler qu'il s'agit d'une ressource fossile, soit non renouvelable. Estimée à 60 000 milliards de m3, la nappe constitue l'un des plus grands aquifères fossiles au monde, s'étendant sur 600 000 km2 entre l'Algérie, la Tunisie et la Libye. Ces scientifiques citent, entre autres, l'assèchement des zones humides, la disparition ou la réduction des sources, l'intrusion d'eau saline dans les zones littorales, la subsidence de terrains, la contamination des nappes, la remontée des eaux dans les oasis et le débordement des eaux. Pour pallier ces problèmes, l'Algérie a recommandé aux experts de mettre en œuvre de nouvelles simulations qui visent à identifier de nouvelles zones de prélèvement en prenant en considération les critères de maintien des puits artésiens, celui des exutoires et des foggaras, le respect des hauteurs de pompage admissibles, la préservation de la qualité de l'eau à proximité des chotts et la réduction au minimum des interférences entre pays voisins. Le ministère des Ressources en eau planche donc sur la réalisation de deux grands projets structurant dans le Sud directement liés à cette nappe albienne. Le premier projet est une adduction de plus de 750 km qui alimentera Tamanrasset, à partir des champs captant d'In Salah. L'autre projet permettra d'exploiter un volume annuel de l'ordre de 120 millions de m3 à partir des champs captant situés entre le sud de Djelfa et de Ghardaïa pour répondre aux besoins de développement des régions de Djelfa, Tiaret, la nouvelle ville de Boughezoul et la région de M'sila. Un projet qui sera également alimenté à partir des gisements d'eau potable existantaire au Sud, notamment les deux nappes superposées à savoir l' «albien terminal» et l'«albien intercalaire». La première nappe, qui se trouve entièrement dans les régions de Tidikelt, El-Menéa, Adrar et Ghardaïa, contient des eaux pures à 460 m de profondeur. L'exploitation de ce gisement n'est pas onéreuse et peut même être destinée à l'approvisionnement des villes du Nord, particulièrement Alger, située à 500 km. Le transfert d'eau d'In Salah vers Tamanrasset Le deuxième gisement «albien intercalaire» s'étend sur une superficie de 7 000 km2 et englobe outre l'Algérie, la Tunisie et la Libye. Il contient des eaux profondes (à plus de 2 000 m) et chaudes qui sont exploitées depuis 1991 par la Libye. C'est cette nappe qui sera exploitée pour le méga-projet d'alimentation en eau potable des populations du Sud. Le projet vise à ravitailler Tamanrasset à partir des eaux souterraines de la daïra d'In Salah et mise sur un transfert de 50 000 m3/jour et jusqu'à 100 000 m3/jour d'ici à 2025. Devant s'opérer sur une distance de 750 km, ce projet nécessitera la mise en place de 1 259 km de conduites, 24 forages et 6 stations de pompage, le tout impliquant la mobilisation d'une enveloppe de près de 1,3 milliard de dollars. La réalisation de 24 forages a momentanément été attribuée à l'entreprise chinoise CGCOC. Pour la suite, dont la réalisation de 6 stations de pompage et la pose des canalisations, des offres techniques émanant d'entreprises chinoises, espagnoles, portugaises, russes et françaises ont été réceptionnées. Ce projet ambitieux a été soutenu par le Conseil mondial de l'eau à l'occasion du deuxième colloque international sur l'eau et l'environnement organisé, l'année dernière à Alger, notamment par le président du Conseil de l'eau, M. Loïc Fauchon. Ce dernier a estimé qu'il s'agit d'un projet «rare dans le monde», le qualifiant de «courageux et audacieux». En raison des moyens financiers mobilisés par le pays pour le secteur, à savoir 14 milliards de dollars, et la mise en œuvre d'une politique de l'eau qui en est à ses balbutiements, l'Algérie reçoit les encouragements des instances internationales. La première tranche de ce gigantesque transfert est le colportage des eaux d'In Salah vers Tamanrasset sur une distance de 750 km à double sens. D'un coût évalué à 1,8 milliard de dollars, soit 120 milliards de dinars, 48 forages d'un débit de 100 000 m3 par jour seront réalisés. La seconde tranche de ce projet est relative au transfert des eaux des nappes albiennes vers les Hauts Plateaux et plus exactement à Tiaret et Biskra. La première phase est le champ de captage de Ghardaïa vers Djelfa puis M'sila et Tiaret. S'agissant de la troisième tranche de ce gigantesque projet, les pouvoirs publics planchent sur l'étude des soumissions, alors que l'étude d'élaboration de la réalisation de la station d'épuration des eaux vient d'être lancée, ajoute-t-on de même source. L'opération, qui coûtera près d'un milliard de dollars, constitue en raison son envergure l'un des plus grands projets en Afrique. Il consiste en l'adduction de 1 000 m3 par jour d'eau souterraine de la région d'In Salah vers la wilaya de Tamanrasset qui accuse un déficit considérable en ressources hydriques. La wilaya de Tamanrasset, qui avait bénéficié durant les années 1990 d'un projet d'AEP à partir de la région d'In M'guel, 130 km au nord du chef-lieu de la wilaya, demeure en quête d'autres ressources hydriques devant satisfaire la demande sans cesse croissante du liquide précieux devant l'extension de son tissu urbain et son développement démographique. Cet important projet de transfert des eaux, dont la canalisation d'adduction devrait être réalisée le long de la route transsaharienne, permettra la création de nouvelles bases de vie et l'amélioration des conditions de la circulation routière entre les régions de Tamanrasset et In Salah. Six entreprises retenues pour le méga-projet La commission d'ouverture des plis de l'Algérienne des eaux (ADE) a sélectionné, en janvier dernier, les entreprises éligibles à la réalisation des 1 259 km de conduites destinées au projet de transfert des eaux souterraines d'In Salah vers Tamanrasset. Sur les 16 soumissionnaires préqualifiés techniquement, 6 seulement sont restés en course pour la réalisation de ce mégachantier. Les sociétés retenues jusque-là sont : l'entreprise chinoise China Petrolum construction, le groupement chinois CGC-Sinopec, le groupement portugo-brésilien Andrade Gutierrez/Zagope-Monteadriano, le groupement algéro-libanais Cosider/Zahkem, l'entreprise turque Erciyas, le groupement algéro-portugais ETRHB/Teixiera Duarte ainsi que l'entreprise russe Stroystrangaz. Sur ces 6 entités sélectionnées, l'ADE doit, selon une source du ministère des Ressources en eau, choisir au moins 3 entreprises devant réaliser le volet conduite subdivisé en trois lots (le 1er de 414 km, le 2e de 383 km et le 3e de 462 km). Sur une distance de 750 km, ce chantier, qualifié de «projet du siècle», a été subdivisé en 7 lots. Si la partie concernant de la réalisation des 24 forages au niveau des albiens du Sud a été déjà confiée à l'entreprise chinoise CGCOC, il reste encore d'autres marchés à attribuer. Il s'agit de la mise en place de 6 stations de pompage dont les offres sont en cours d'évaluation, de la réalisation de réseaux de 100 km de conduites, de 8 châteaux d'eau et d'un réservoir de 50 000 m3. A ces derniers, il faut ajouter la construction d'une station de déminéralisation d'une capacité de 100 000 m3/jour et d'un réservoir terminal de 50 000 m3. Inscrit en été 2006, ce projet coûtant environ 1,3 milliard de dollars devra satisfaire les besoins en eau potable de la ville de Tamanrasset et sécuriser toute la région de l'Ahaggar qui compte près de 250 000 habitants. Une fois terminé, soit 30 mois après le début des travaux, il permettra de transférer quotidiennement 50 000 m3 d'eau avant de passer, à l'horizon 2025, à 100 000 m3. Outre l'alimentation en eau de cette région, la réalisation de ce chantier permettra, selon les autorités, «la création de nouvelles villes tout le long de son tracé».