A cette occasion, le président avait reconnu pour la première fois que «les politiques nationales manquaient de cohérence en raison de l'absence de mécanismes de consultation et de coordination au niveau des différentes institutions chargées de la jeunesse». L'option d'une nouvelle gouvernance basée sur une action transparente et transversale avait même été retenue. Mais aucun instrument législatif permettant la mise en œuvre d'un tel système n'a été adopté. Une réflexion critique reste cependant encline à une exigence de rationalisation de toute politique de la jeunesse en Algérie. Or, la plupart des observateurs qui s'intéressent aux phénomènes de la jeunesse s'accordent à dire qu'il n'y a pas de politique en direction des jeunes en Algérie. Les actions impromptues et les programmes lancés çà et là ne peuvent se substituer, à une véritable politique dans la durée, cadrée par une vision globale qui tienne compte d'une stratégie efficace, se fondant sur l'identification des problèmes et la mobilisation des ressources et des moyens pour faire face aux épiphénomènes incessants de la jeunesse. Une telle politique, face à la complexité et à la croissance exponentielle des problèmes de la jeunesse algérienne, exige sinon la mobilisation des compétences spécifiques, tout au moins la disqualification des responsables actuels en charge des secteurs d'activité concernés. L'occasion est offerte aujourd'hui au président de la République pour faire le ménage et remercier les ministres incompétents. Les questions posées 1) Selon une étude réalisée en 2002 par le Cenead (Centre d'études et d'analyses pour la population et le développement), 37% des jeunes, soit près de 8 millions d'habitants, projettent d'émigrer dans le but de : – trouver du travail (14,30%) ; – faire une formation (5,90%) ; – s'assurer un meilleur niveau de vie (16,80%). Une enquête de l'ONS a révélé que le chômage chez les 18-29 ans a atteint 28,7% en 2006. Ces chiffres têtus décrivent la précarité et l'absence de perspectives pour une jeunesse désemparée, dans un pays de cocagne, où les compétences ne manquent pas. 2) La formation professionnelle a toujours été le moteur du développement et de la relance économique dans pratiquement tous les pays développés, ou en voie de l'être, sauf en Algérie où le système de formation et d'enseignement professionnel est un véritable échec dans l'échec. Les dernières enquêtes menées par le Cerpeq (Institution publique sous tutelle du ministère de la formation et de l'Enseignement professionnels) indiquent des taux d'insertion des diplômés de la formation professionnelle ne dépassant pas 20%. Le rapport de l'OCDE de 2008 souligne que le secteur souffre d'une relative dévalorisation des filières de la formation professionnelle, d'une stagnation de la nomenclature des spécialités enseignées et d'une forte concentration des stagiaires dans un nombre réduit de branches professionnelles. Le secteur souffre aussi, selon le même rapport, de la faiblesse du niveau des formations dispensées et d'un rendement interne et externe insuffisant. Alors que le nombre de diplômés du secteur a augmenté de 5,6% en moyenne annuelle depuis 2000, le taux de déperdition reste élevé (14,4% en 2005). Par ailleurs, le taux d'insertion professionnelle ne dépasse pas 15%, ajoute le même rapport, un véritable gâchis, si l'on compare ces résultats aux crédits colossaux investis par l'Etat dans ce domaine. Ces résultats, au lieu d'être imputés, font au contraire l'objet de bilans très satisfaisants. 3) Les missions du ministère de l'Emploi et de la Solidarité nationale ne se limitent pas uniquement à distribuer à tort et à travers des aides aux populations démunies, aux frais de la République. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour être apte à effectuer une telle besogne, il faut être capable surtout de mettre en place une véritable politique nationale de promotion de l'emploi, une politique dont bénéficieraient toutes les catégories sociales, y compris celle des handicapés… Or, le ministère n'a jamais envisagé une mesure sur l'emploi qui soit digne d'un pays riche. Le secteur consacre moins de 0,7% du PIB à la promotion de l'emploi, au lieu de 3% jusqu'à 7% du PIB dans les pays où l'emploi reste une priorité fondamentale. En avril 2005, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale affirmait, à l'issue de l'ouverture de la troisième réunion de l'Observatoire national de l'emploi et de la lutte contre la pauvreté : «A l'horizon 2009, nous allons créer plus de 2 millions d'emplois. L'Etat est engagé à préserver les emplois existants et à en créer d'autres en dégageant les financements nécessaires.» Si l'on avait pris au sérieux la déclaration du ministre à cette époque, le taux de chômage aujourd'hui aurait été de 0%. No comment ! 4) L'aisance financière d'un pays n'a jamais été le facteur prémonitoire d'une quelconque relance économique et, par voie de conséquence, une amélioration de la situation sociale des populations jeunes, si cette aisance n'est pas accompagnée d'une bonne gouvernance ; ce qui implique la mobilisation des compétences avérées à la tête des institutions nationales en charge de la jeunesse. Les moyens et les résultats doivent être équipondérants, comme le veut la logique. L'expérience défaillante de l'Algérie est on ne peut plus édifiante au vu des piètres résultats enregistrés face à un embellie financière jamais égalée depuis l'indépendance du pays. Les mesures urgentes à prendre Il n'est jamais trop tard pour bien faire, comme dit l'adage. Et la prise de conscience de la plus haute autorité de l'Etat sur le phénomène de l'inadéquation des «politiques de la jeunesse», menées à ce jour, est une avancée politique non négligeable dans la recherche de solutions. Mais il faudrait des issues durables et surtout adaptées à la grande question de la jeunesse, laquelle devrait figurer d'une façon permanente comme la priorité des priorités sur l'agenda du président. Depuis 2007, rien de tangible ni de notable n'a encore été réalisé pour amorcer un début d'espoir. Bien au contraire, la situation n'a fait qu'empirer, et l'armée des désemparés ne cesse d'augmenter avec ses nombreux drames au quotidien (harga, suicides, délinquance…). Devant ce désastre, nos ministres toujours équanimes et loin de la réalité récitent leur bréviaire face à une caméra de télévision parraine. Comme la nature a horreur du vide, il ne faudrait pas s'étonner, si malheureusement, le point de non- retour viendrait à être atteint un jour, et de voir l'impossible devenir réalité, le cataclysme bouleverser l'ordre des choses et rendre la situation imputrescible, irréversible. En 2007, il y avait urgence. Le premier magistrat du pays s'étant aperçu de la supercherie et du rôle de pacotilleur de la part de certains de ses ministres, se devait de prendre à cette époque des mesures draconiennes pour redresser un tant soit peu la barre. Malheureusement, il s'est contenté de prodiguer ses nouvelles instructions et reconduire les mêmes responsables à leurs postes respectifs, sans la moindre marque de réprobation. On ne sait pas trop qui de l'équilibrisme de certains ministres ou de la passivité d'un chef d'Etat fatigué a pris le-dessus dans ce jeu de dupes. Toujours est-il que le président gagnerait certainement en crédibilité en intervenant rapidement dans le changement de certains ministres, et leur remplacement par des technocrates rompus aux problèmes de la jeunesse. La prochaine session d'audition des membres du gouvernement par le président de la République reste l'occasion propice pour mettre un terme à ce charivari et instaurer un climat de confiance, en réhabilitant l'intelligence et la compétence à la place de la duperie et du mensonge. T. H. : Ingénieur GC. Consultant (freelance)