Avec plus de 10 000 demandes de visa d'études par an, dont 4000 accordés en moyenne, la France est la première destination des étudiants algériens. D'après l'Union nationale des étudiants en France (UNEF), il y aurait environ 24 000 étudiants algériens sur le sol français. Rencontrés aux abords du Centre d'études français d'Alger, le CEF devenu en quelques années un passage obligatoire pour l'obtention du précieux visa D, et de l'ambassade de France, les étudiants étaient nombreux à trépigner d'impatience en attendant le grand jour. Ainsi pour Chahinez, 23 ans, qui s'apprête à faire un master en droit à Paris, le plus dur reste de quitter ses parents. «Je suis très proche d'eux, nous confie-t-elle, c'est pour cela que je pars en France : en dehors du fait que je maîtrise la langue française, je ne suis qu'à deux heures d'Alger. Partir est à la fois angoissant et excitant. Angoissant de se dire qu'on va devoir se débrouiller tout seul, et excitant parce qu'une nouvelle vie commence.» Fouad, 25 ans, n'a pas les mêmes préoccupations. Venu retirer son visa d'études de bon matin, il tire longuement sur sa cigarette avant de répondre le sourire en coin : Une jeune fille qui attend derrière lui dans la file acquiesce : «C'est un soulagement mêlé de peur. Une chose est sûre : tant que je ne suis pas sur le sol français, je refuse d'y croire car pour moi, c'est un rêve qui se réalise.» Yasmine, étudiante en gestion, est moins enthousiaste. «Certes, je suis folle de joie d'avoir obtenu mon visa, mais ça ne m'empêche pas d'avoir très peur. Je sens que je vais faire connaissance avec le mot précarité. Là-bas, ça va être très difficile, surtout au début. Il va falloir trouver un logement, un travail, se faire des amis et le tout en réussissant à la fac.» Tout le monde opine de la tête. Le logement en France pour les étudiants algériens est un sujet épineux. Ils sont nombreux à le souligner, expliquant qu'ils vont devoir compter dans un premier temps sur l'hospitalité d'amis, de vagues cousins ou de connaissances à leurs parents. Amine, étudiant en communication, se dit même «très angoissé et inquiet», car il n'a été accepté qu'à l'université de Grenoble où il ne connaît personne : «Je compte louer une chambre dans une auberge de jeunesse au départ, en espérant que ça ne soit pas trop cher et que je puisse vite trouver à loger chez un habitant. Si la première chose que mettent en avant les candidats pour la France c'est sa proximité avec leur pays d'origine et la langue française, il en va autrement pour les étudiants algériens qui partent aux Etats-Unis. Pour eux, c'est avant tout une question de rêve. Ainsi Yacine, qui ira bientôt poursuivre ses études de math sup, raconte : «Je n'ai jamais eu l'intention d'aller ailleurs qu'aux Etats-Unis. L'idée ne m'a même pas effleuré d'essayer la France comme beaucoup de mes amis. C'est vrai que les études sont chères et que la vie est beaucoup plus difficile qu'en Europe, mais on y dispense un excellent enseignement et les perspectives d'embauche sont plus importantes.» Les étudiants désireux de partir aux Etats-Unis trouvent toutes les informations nécessaires au Centre d'information et de conseil pédagogique de l'ambassade des Etats-Unis en Algérie. Parce que passionné de cinéma depuis tout petit, Abderazak a décidé de quitter l'Algérie où, dit-il, «l'Etat n'a pas encore compris qu'il fallait enseigner le cinéma dans les universités. Ça parle de festival et de subvention, mais ça ne pense même pas à nous former !» N'ayant pas les moyens d'aller en France comme il le souhaitait dans un premier temps, il a décidé d'aller s'installer en Tunisie pour intégrer une école de cinéma : «J'aurais préféré rester en Algérie, mais je ne veux pas tout apprendre sur Internet ou sur les plateaux, ni supplier les ambassades de m'envoyer me former.» Hakim, lui, fera la semaine prochaine sa demande de visa pour aller poursuivre ses études de médecine en Russie. Il a obtenu une pré-inscription à l'université de Riazan. Il aurait, dit-il, préféré Moscou mais trouve le coût de la vie bien trop cher pour ses faibles moyens : «Je n'ai que 2500 euros, ce qui n'est pas suffisant pour aller en France, j'ai donc opté pour la Russie qui est beaucoup moins cher. Je ne sais pas ce qui m'attend, mais je n'ai pas peur. Je préfère vivre ça comme une aventure. Je prendrai un aller-retour et si ça ne marche pas, je rentrerai chez moi.» Les 18 et 19 avril dernier s'est tenu à Annaba le premier salon «Etudier en Russie» organisé par l'association Racus. Les visiteurs ont pu découvrir les universités russes et avoir toutes les informations nécessaires pour un premier départ. De plus, il y aurait en Russie plus de 4000 diplômés algériens. Des centaines d'autres étudiants algériens sont inscrits à l'Institut des études et de recherche arabes du Caire. Après plusieurs conflits avec le ministère de l'Enseignement algérien qui refusait de reconnaître leur diplôme, puisque délivré par un Institut relié à aucune université, qui avait conduit notamment à une grève de la faim, il semblerait que la situation se soit calmée. C'est en tout cas l'avis d'A., une étudiante qui compte s'installer au Caire en ce mois de septembre : «Même si l'année va me revenir à 20 000 euros en moyenne et que plusieurs conflits opposent l'institut au ministère de l'Enseignement supérieur, je suis contente d'y aller. Mes parents ne voulaient pas que j'aille vivre en Europe toute seule, ils sont plus rassurés par un pays musulman.» Même s'ils sont conscients des nombreuses difficultés auxquelles ils vont se heurter, les étudiants algériens sur le départ son quasiment unanimes : tous pensent ne pas revenir en Algérie. Ils disent avoir affirmé le contraire à leurs familles et parfois aux ambassades, mais savent au fond d'eux qu'ils ne reviendront pas, ou du moins pas avant «au moins dix ans», comme le dit Riad en partance pour la Grande-Bretagne. La question qu'ils se posent est souvent : pourquoi revenir ? Leurs familles viendront les voir, et l'attachement qu'ils ont pour leur pays est, disent-ils, contrebalancé par l'état du pays. Les mots se bousculent : chômage, manque de libertés individuelles, policiers à tous les coins de rue, insécurité, absence de loisirs, système éducatif en dérive, bibliothèques quasi inexistantes, etc. «On aurait été plus qu'heureux de mettre nos capacités au service de l'Algérie, affirme un jeune diplômé de l'Ecole polytechnique d'Alger, j'ai eu mon diplôme il y a un an, et j'ai gagné pendant dix mois moins de 20 000 DA par mois. Là, j'ai la chance de partir en France, et je peux vous dire que je n'y ai pas réfléchi à deux fois. Je n'y resterai peut-être pas, mais il est hors de question que je revienne trimer ici.» Nawel, étudiante en commerce, est du même avis. «J'en ai marre de survivre, je veux vivre maintenant.» |La Chine, nouvelle mode| |S'ils ne sont pour l'instant qu'une poignée à partir y suivre leurs études, la tendance risque de changer. Naziha, étudiante en pharmacie, compte aller en Chine en février prochain et affirme que beaucoup de ses camarades veulent y aller : «Aucun de nous n'envisage d'y rester toute sa vie, mais on sait qu'on peut apprendre beaucoup de ce pays en quelques mois. Y passer un ou deux ans nous apporterait un plus considérable. J'ai échangé des mails avec des Algériens installés là-bas, tous me disent que l'ambiance est géniale.» | |Le Japon, l'autre option| |Depuis quelques années, le gouvernement du Japon offre des bourses d'études aux bacheliers et étudiants algériens. Ceci, en plus de l'attrait que représente le Japon chez les jeunes Algériens, semble avoir provoqué un véritable engouement. Sarah, fraîchement diplômée en interprétariat, compte participer l'an prochain à la sélection même si elle part cette année en France : «Je vais faire une année à Toulouse, mais je compte bien aller ensuite au Japon, par le biais d'une bourse ou autrement. Je veux vraiment y vivre quelques années : leur culture et leur histoire me fascinent.»|