L'artiste le plus atypique de la musique algérienne organise deux grands concerts à Draâ El Mizan et à Béjaïa. Il a vu les choses en grand. Deux stades pour une caravane berbéro-celte. Il faut être Akli D. pour se lancer dans un projet aussi ambitieux et sans aucune subvention. Personnage original, inclassable, l'artiste kabyle a bousculé les codes par son travail original. Tout est parti d'un constat : la musique kabyle est sinistrée. Elle est en pleine dépression. Elle n'arrive pas à se renouveler. Depuis Idir, Aït Menguellet et Matoub, rien de nouveau sous le soleil de Kabylie. Il y a eu de pâles copies d'Idir (sans beaucoup de talent), des imitateurs de Lounis (à la douzaine), des tentatives malheureuses de singerie de Lounès mais jamais d'artistes originaux, Takfarinas mis à part. Akli D. est arrivé comme un météorite. On lui a collé injustement l'étiquette Word music (fourre-tout). Difficile d'échapper à une étiquette. Akli D. se fout de la mode et des genres. Pour prendre un raccourci, Akli D. fait du Akli D. Une musique qui lui appartient, entre protest song, flok, roots, Hasnaoui, Slimane Azem Jacques Higelin… Total respect. Et comme il n'est pas du genre à tirer la couverture sur lui, il décide de créer un festival de musique itinérant. « De l'idée à sa concrétisation, il m'a fallu deux mois. A l'origine, je devais emmener avec moi en Algérie 33 musiciens et chanteurs issus de groupes de renommée internationale à l'image de Guest, Peter Coughlan du groupe irlandais (Hungry Grassi), Khan Mirasi Saber (Rahajastan). Je me retrouve finalement avec 11 personnes, tous les avions sont pleins, impossible de réserver un billet ! Il y aura donc un groupe irlandais qui se produira avec moi en Algérie », se désole-t-il. Et juste avant de monter dans l'avion, il donne tous les détails à El Watan sur sa caravane : « Notre objectif est d'apporter un peu de professionnalisme, d'aider les jeunes artistes à sortir du folklore pour aller chercher des notes ailleurs. Il faut qu'ils apprennent à faire de la scène comme des professionnels et non animer des fêtes. Nous voulons que ce festival soit pérenne. » L'étape de Tigzirt a été annulée au dernier moment pour cause de sécurité. « Ce ne sera que partie remise. L'année prochaine, la caravane passera par le sud de la France, l'Espagne, le Maroc et enfin l'Algérie. C'est une rencontre entre ici et là-bas, entre le Sud et le Nord, entre les cultures. » Ses racines kabyles ne sont pas une frontière, mais une porte ouverte à l'universalité. S'ouvrir à l'autre pour s'enrichir, rester recroquevillé sur soi c'est mourir et pas qu'un peu. La culture est mouvement, éternel dynamisme. Se renouveler tout le temps pour ne pas se retrouver momifié dans un musée.