Entre un salon du mariage et un festival du bâtiment, le Salon du livre s'est ouvert hier comme un livre qui s'ouvre sur une nouvelle page de l'histoire du pays, faite de bonheur et de réconciliation retrouvée, de riches activités et de foisonnement culturel. Un grand livre que l'on peut lire d'ailleurs sans aucun problème, y compris dans un commissariat de quartier. Au chapitre I, on peut découvrir l'ouverture officielle, Khalida Toumi rayonnante, entourée de livres bien tenus d'auteurs bien pliés et du président Bouteflika debout, venu pour 10 minutes apporter son soutien à l'entreprise. Au chapitre II, on a pu lire que l'Etat s'engageait à livrer 3 millions de logements et 10 millions de livres pour que les habitants de Diar Echems, par exemple, puissent lire en attendant leurs clés. Le chapitre III a été censuré et on est passés directement au chapitre IV où il était question de redorer l'image du pays, ternie par des traîtres qui ne pensent qu'à faire de l'opposition et à écrire des livres interdits. Au chapitre V, souligné en bleu, on a pu lire le récit d'une police très proche du citoyen, à tel point qu'elle laisse la délinquance s'exprimer au couteau et empêche les braves citoyens de lire des ouvrages écrits à l'encre noire et qui pourraient les déprimer. Le chapitre VI a disparu, mais selon l'Association des éditeurs et des libraires, une enquête serait en cours pour retrouver les feuilles manquantes. Au chapitre VII par contre, on peut lire que dorénavant, les livres qui vanteront le régime recevront, en plus de sommes d'argent, des lecteurs gracieusement offerts par l'Etat. Au dernier chapitre enfin, on apprend que les fautes de frappe seront punies par des frappes massives et les erreurs de chapitrage ou de sommaire par des exécutions sommaires. Le livre n'est pas signé, mais il est dédicacé à tous ceux qui ont quitté le pays en sachant pourquoi.