Lire! Peut-on lire en été? Les libraires disent oui et s'organisent pour ce faire. L'intérieur de la librairie est climatisé. Dehors, à la place Emir Abdel-kader, Alger suffoque de chaleur. Il est vrai qu'il n'y a pas de chaises ni de rafraîchissements. Mais la disposition des livres et l'amabilité du libraire mettent à l'aise le client. Un livre vous intéresse. Le libraire s'approche: «Allez-y, ouvrez-le, lisez la préface, vous ne perdrez rien, mais au contraire c'est instructif.» Vous êtes déjà pris au piège de la lecture? Au plaisir de lire. «La plupart de nos clients dépassent la trentaine, l'ancienne génération possède une tradition de la lecture alors que la jeune s'occupe autrement», avance Ali Bey gérant de la librairie du Tiers-Monde. Adoptant un autre paramètre de classification, le cogérant de la librairie El-Ghazali, rue Didouche Mourad, Sakhiri estime que «80% de la clientèle sont composés de femmes car elles achètent pour elles-mêmes, leurs enfants et leur époux». Il ajoute que sa clientèle préfère les livres en langue française. «Ce que proposent les éditeurs de livres en langue arabe ne satisfait pas les besoins du marché», tranche-t-il. Selon ces deux libraires professionnels, le nombre de lecteurs augmente sensiblement chaque année, ce qui permet au livre de retrouver peu à peu sa place de support de la culture. A ce propos il faut signaler que dans tous les pays arabes, 300 livres sont traduits chaque année. Ce qui représente un cinquième de ce que traduit la Grèce. Pire, peut être que l'étude effectuée par des experts arabes du PNUD, montre que depuis plus de 12 siècles les pays arabes n'ont traduit que 100.000 livres. Ce que traduit l'Espagne annuellement. Côté production littérature arabe, celle-ci s'accroche, vraisemblablement, au passé sans sembler accorder l'importance qu'elle mérite à la nécessité de produire des livres scientifiques, plus en phase avec les préoccupations de la jeune génération. «Durant l'année, le client achète le livre utile c'est-à-dire un livre qui lui soit profitable dans son domaine (..), mais l'été ce même client cherchera à s'évader en changeant de style, allant plus vers la détente avec les romans ou les polars...», révèle le gérant de la librairie du Tiers-Monde. En ce sens M.Sakhiri précise que le libraire garde en été, le même rythme de travail. «La clientèle habituelle est remplacée par les estivants qui achètent ce qu'on appelle les beaux livres, et tout ce qui est édité seulement en Algérie», a-t-il expliqué. Plus qu'une simple surface de vente, la librairie algérienne tend à devenir un espace culturel. Une mue qui, même si elle tarde à se concrétiser, n'en deviendra pas moins un leitmotiv. Ainsi, les libraires se regroupent, s'organisent et suivent même une formation grâce à l'Association des libraires rassemblant 50 libraires au minimum ( cette association a été créée l'année dernière). Visiblement un changement radical de stratégie commerciale est mis en branle. C'est dans ce contexte que le libraire est devenu l'intermédiaire direct entre les auteurs et les lecteurs en conviant les premiers à venir présenter leurs oeuvres. En effet, il ne se passe plus un week-end sans que les librairies organisent des séances de vente dédicace: de la littérature, des autographes permettant de faire de nouvelles connaissances, dans de la bonne humeur. Il ne faut pas se tromper, la librairie change de look devenant de plus en plus un véritable centre culturel. Ce qui ne gâte rien car la joie de lire et d'apprendre illumine la modeste salle du libraire. Celui-ci est toujours prêt à attendre et à accueillir le prochain jeudi devenu un rituel hebdomadaire.