Des bassesses que ni Raouraoua, ni Sâadane, et encore moins nos joueurs, dont la majorité évoluent à l'étranger, sous des cieux plus favorables à l'éthique sportive et au respect de la déontologie du football, ne pouvaient imaginer l'existence. Pour ces jeunes maestros qui conçoivent que le football est un art, un savoir, voire une culture, au regard des milieux où ils évoluent, sont partis de la logique qu'un match de football se joue uniquement sur le terrain. Hélas, mes chers compatriotes, il fallait savoir ou bien que l'on vous le fasse savoir que votre mansuétude et votre grandeur technique risquaient d'être malmenées par une espèce d'individus n'ayant appris de leur existence sportive que de faire dans le machiavélisme, dans la régression primitive et dans le complot. Un état d'esprit commandé par ce que la psychanalyse désigne par le terme de «l'instinct de dominance», mais malhonnêtement, quitte à fouler les lois régissant le sport. Oui, un instinct de dominance qui doit, selon cette logique «prérationnelle», emprunter tous les chemins, y compris ceux du détour, du zigzag, de la tentation, bien sûr matérielle, et c'est ce que nous avons vu lors de ce match que tout le monde attendait avec beaucoup de considération. On s'attendait à un jeu digne du football africain, mais voilà qu'on découvre un arbitre conditionné par des réflexes primaires visant à concrétiser les enseignements concoctés dans les coulisses, fomentés pour sauver cette équipe égyptienne sur laquelle misent les officiels, donc prête à tout faire pour ne pas perdre une seconde fois face à l'Algérie au risque d'aggraver la mauvaise posture dans laquelle se trouvent les décideurs égyptiens. Un match aux dimensions politiques En effet, il était évident que dans la haute sphère égyptienne, ce match constituait une «affaire de vie ou de mort», pour reprendre la phrase du joueur égyptien Zidan. Cette déclaration belliqueuse révèle l'esprit revanchard qui animait les joueurs égyptiens, mais à forte raison, la «nomenklatura» égyptienne pour qui cet événement revêt une importance politique. L'objectif tracé par les politiques, et qui n'a pu voir le jour à Khartoum, se doit d'être concrétisé cette fois-ci, contre vents et marées, en Angola, quitte à monter un scénario à l'égyptienne. Les comploteurs d'en haut ont besoin des exécutants d'en bas, dont Zaher et l'arbitre béninois ont joué le jeu. La mission consistait à créer un climat de grande fête pour que les décideurs au Caire puissent revoir leur feuille de route concernant l'intronisation du futur prince successeur, d'une part, et calmer un tant soit peu le malaise de la population, d'autre part. Mais aussi pour raviver et exalter le nationalisme égyptien et rassembler le peuple autour du football qui est devenu un phénomène aux vertus apaisantes, le mythe agissant capable de drainer les foules. L'Egypte est un pays très invétéré en matière de complots et d'intrigues. Il est capable de créer l'événement où et quand il le veut. Nous n'avons qu'à voir comment les 15 millions d'adhérents agissant sous l'autorité des «Toroquia Sofia» (confréries soufistes) sont manipulés à des fins électorales. Et les exemples sont légion. Sur ce point de la manipulation et le pouvoir, je vous renvoie à l'article que j'ai publié dans votre quotidien le 8 décembre sous l'intitulé : «Les médias égyptiens, entre le chauvinisme et la mégalomanie». Mais, au même moment que le complot se tramait, les médias et les officiels égyptiens ont tenu un discours réconciliateur pour nous distraire et éloigner les esprits du terrain sur lequel se joue la partie et ses dessous. Le retour à de meilleurs sentiments : Un discours de duperie Ce semblant de retour à de meilleurs sentiments, tant colporté et prêché par les médias égyptiens, n'inspire guère confiance puisque l'ambassadeur d'Egypte en Algérie, la pièce maîtresse du dénouement de la crise, n'a pas encore rejoint son poste. Ce qui dénote que dans la logique des hauts dignitaires de l'Egypte, la cause de cette fâcherie demeure toujours posée. C'est-à-dire que le syndrome de Khartoum et ses effets sur le gouvernement égyptien, en l'occurrence l'irrésoluble question de la succession au pouvoir, restent suspendus et sans dénouement. Donc, il fallait adopter une nouvelle stratégie, inventer un discours circonstanciel qui ne laisse aucunement transparaître le moindre doute du complot en devenir. Sur ce point, je tiens à saluer l'artiste Abdenour Chelouch et les écrivains Rachid Boudjedra et Amin Zaoui pour leur vigilance face au discours sournois d'une certaine sphère qui semble vouloir gommer les dérives outrageuses commises par ceux qu'ils appellent les chauvins. Donc, il fallait décrypter ce double langage comme une stratégie vicieuse adoptée par ceux-là mêmes qui ont comploté avec ce sinistre personnage de Koffi Codjia qui fait dans le «larbinisme» qu'Aimé Césaire et Fanon ont pourtant dénoncé et combattu. Le football africain otage de ses coups bas A vrai dire, la Coupe d'Afrique est une image identique à la culture sportive et politique qui régit ce continent. Désabusons-nous ! En Afrique, le sport, le politique et la corruption se mêlent à ne constituer qu'un seul corps. Le sous-développement polyforme qui régente la majorité des pays africains — Dieu merci pas tous — est collé comme un stigmate au sport. L'indétrônable Issa Hayatou transforme la CAF en un royaume hermétique où les enjeux et les intérêts s'entremêlent, l'Egypte en fait partie bien sûr ne serait-ce que parce que le siège de la CAF se trouve sur son sol. Ces accointances avec Zaher et compères ne sont pas à prouver, puisque lors du match retour Algérie-Egypte au Caire, aucune réaction officielle n'a émané de cette «Maison des clients». C'est dire que tous les complots se déroulent au vu et au su de ce beau monde. Et le comble de la conspiration est d'avoir choisi un arbitre réputé pour être incompétent, voire même partiel, pour arbitrer une rencontre aussi décisive que celle de la demi-finale entre deux grandes équipes dont l'Egypte avait déjà un contentieux à régler avec notre équipe qui, elle, est restée loin de ces bassesses découlant d'un état d'esprit chauvin, excluant toute civilité et sportivité. Comment notre jeune équipe pouvait-elle déjouer les complots des Egyptiens rodés dans les couloirs de Camp David ? En tout cas, cette défaite n'a rien de footballistique, l'équipe algérienne a joué contre un arbitre qui termine sa carrière en apothéose et contre une Fédération africaine qui observe les dépassements avec complicité. Qui sait, cette défaite nous permettra de nous remettre en question et de tirer les enseignements multiformes qui s'imposent. Il faut toujours se méfier de l'éloquence égyptienne, même dans les moments de convivialité. Car le discours sophiste de la fraternité est une seconde nature chez ces Egyptiens qui ont des intérêts à pérenniser. Il ont bien lu, assimilé et exécuté Le Prince, de Machiavel ! O. S. A.: Enseignant universitaire