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Quelle coopération pour quel développement ?
Publié dans El Watan le 03 - 02 - 2010


Des projets nécessaires mais insuffisants
Pour importants et nécessaires qu'ils soient, les projets de coopération retenus par l'UPM supposent, pour leur réussite, non seulement de pouvoir mobiliser les ressources financières nécessaires, mais aussi des objectifs concrets en termes de développement de la rive sud et un environnement apaisé en Méditerranée. L'histoire récente a montré qu'en se limitant à cette approche «projets décontextualisés», l'UPM s'est privée de toute influence réelle sur les conflits récurrents en Méditerranée et sur le développement de la rive sud.
A ce titre, l'agression sauvage d'Israël contre la population palestinienne de Ghaza a montré sa dramatique absence et son impuissance dans la recherche d'un cessez-le-feu et de solutions pour une paix durable dans la région. Pour éviter de perdre son âme, voire de devenir une «coquille vide», plusieurs réunions ministérielles ont été programmées, sans succès. A celles des 5 et 6 janvier 2010, tenues au Caire, seuls cinq pays membres de l'UPM (France, Egypte, Espagne, Tunisie et Jordanie) sur 43 se sont déplacés.
Un outil stratégique de développement de la rive sud
A la lumière de tous ces événements, il apparaît clairement que la coopération au sein de l'UPM, et au-delà l'avenir même de ce processus, est conditionnée par les réponses qu'apportera l'Organisation en termes de développement réel, de paix et d'expansion des libertés en Méditerranée. En matière de développement réel, les axes d'une coopération stratégique doivent cibler prioritairement la réduction des grandes fractures qui caractérisent l'ensemble méditerranéen :
«Une inégalité démographique : à l'horizon 2020, la population méditerranéenne devrait avoisiner 550 millions d'habitants, et l'augmentation de cette population viendra quasi exclusivement du flanc sud.»
«Des écarts considérables de richesses : en moyenne, le PIB des pays maghrébins est vingt fois plus faible que celui de la France, de l'Italie et de l'Espagne. Signe d'une faiblesse chronique de la productivité au sud (hors hydrocarbures).»
«Un déséquilibre de l'emploi : la rive sud se caractérise en moyenne par des niveaux de chômage allant de 10 à plus de 25% de la population active.» «Une asymétrie commerciale : le déficit commercial de la rive sud à l'égard du nord est permanent, exception faite pour les pays pétroliers, notamment l'Algérie, ‘‘grâce'' aux exportations d'hydrocarbures.»
«Une faiblesse des investissements européens : les IDE de l'Europe au sud de la Méditerranée représentent 3% de ses investissements dans le monde. S'agissant des projets de l'UPM, les besoins sont estimés à 200 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. Or, à fin 2009, crise mondiale oblige, seuls 10% de ces fonds ont été débloqués.»
A l'évidence, la coopération avec le Sud ne peut continuer de se focaliser, comme en Algérie, sur les seuls flux d'énergie, de biens et de services. Pour être efficace, la coopération doit impérativement contribuer à l'essor des activités productives (agriculture, industrie) de la rive sud dans le respect de l'environnement.
Cela passe nécessairement par la valorisation des ressources humaines (éducation, formation, santé, recherche…) et par celui du capital productif renouvelable (entreprises, technologie, organisation, recherche-innovation, financement…). Le rapport sur le développement humain du PNUD montre l'étendue des efforts de coopération qui restent à accomplir dans tous ces domaines pour améliorer la compétitivité des pays sud-méditerranéens et offrir à leurs habitants des conditions de travail et de vie décente.
Pour la paix et l'expansion des libertés
Sans ces efforts, ces fractures, confortées par la crise mondiale, continueront d'alimenter des flux migratoires légaux et illégaux de la rive sud vers le nord, avec leurs lots de migrants déboussolés, pris entre les griffes des réseaux de passeurs clandestins et la répression, parfois aveugle, des services aux frontières.
Avec, en toile de fond, la tentation de remplacer le Mur de Berlin par «le Mur de la Méditerranée». Au-delà de ces questions essentielles de coopération et de développement, toute relance du processus d'UPM restera vaine tant que des mesures ne seront pas prises en commun pour sortir des conceptions rigides et des mécanismes éculés, de sorte à lever les blocages politiques et institutionnels.
Au premier rang de ces blocages, on ne peut continuer d'ignorer le conflit israélo-palestinien.
D'autant que la population de Ghaza continue de subir un effroyable blocus et que la colonisation se poursuit en Cisjordanie. Faut-il rappeler que ce conflit est au cœur de la politique extérieure de l'Algérie ? On ne peut davantage ignorer que l'UPM est également en difficulté parce que nombreux, parmi les Etats membres qui la composent, sont en panne pour des raisons de crise mondiale, mais aussi de crises internes (économique, sociale ou de légitimité). Pour relancer l'UPM, il faudra donc aller au-delà de l'approche projets et se fixer deux objectifs fondamentaux :
Faire de la coopération l'outil stratégique du développement réel des pays membres. Se donner les moyens d'agir pour une paix durable dans la région et l'expansion des libertés dans tous les pays membres.
Dans ces conditions, l'ensemble méditerranéen offrirait à ses membres et à tous ses partenaires, au premier rang desquels l'Union européenne, un espace de vie et de coopération large et intégré, progressivement pacifié, au sein duquel chacun existerait et évoluerait à son rythme — sans que soit dénaturées les spécificités culturelles et cultuelles des différents peuples —, sur la base de normes et d'objectifs de convergences multiples : économiques, politiques, sociaux, environnementaux…
C'est là un sérieux défi pour la présidence espagnole de l'UPM en charge de réussir le prochain sommet des chefs d'Etat fixé pour le 7 juin 2010 à Barcelone. Souhaitons-lui plein succès.


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