Le Brésil et les Etats-Unis sont les invités d'honneur du 2e festival culturel panafricain(Panaf') d'Alger. Face à un Casif archicomble, Ana Costa a déplacé, par sa voix chaude et tendre, un petit Rio sur la presqu'île brumeuse de Sidi Fredj. La particularité de Ana Costa est de « bousculer » l'ordre sacré du Samba. « Dans mon groupe, vous trouvez des instruments traditionnels et modernes », nous a-t-elle dit. Les puristes du samba (à ne pas confondre avec la samba qui est la danse de grande réputation) pourraient ne pas apprécier la présence de la guitare électrique. « Le samba moderne s'enrichit de l'influence d'autres genres musicaux comme celle du Nord puisque le samba est un rythme typique du Sud-est du Brésil. Il est influencé par la pop également », a ajouté l'artiste. D'origine africaine, le samba a été développé par les esclaves noirs emmenés dans les plantations. La musique, selon Ana Costa, a grandi le long de la côte est du Brésil. La chanteuse s'est dite fière de fouler, pour la première fois, le sol africain. Selon elle, les artistes brésiliens visitent souvent le Mozambique et l'Angola, les pays lusophones, en raison de la langue. « Ici, je me sens légère. C'est peut-être à cause de la mer qui est à côté ! », a-t-elle confié. Sur scène, elle a interprété des extraits de son dernier album comme Coisas simples, Samba cria lei ou Almas gemeas... Le public a adhéré en tentant de reprendre quelques mots des chansons. Il a réservé un accueil particulier aux jeunes danseurs de capoeira qui ont entamé le show par une mise en scène, où des hommes habillés s'affrontent ou donnent l'impression de vouloir lâcher les brides de la force sous un air de bossa-nova. Ce n'est pas encore la capoeira même si les six danseurs exécutent déjà des acrobaties et des mouvements sur le sol : salto arrière, salto avant, rondade, roue arrière... Cette danse fait appel à des enchaînements acrobatiques. La capoeira angola, inventée par Mestre Pastinha, se distingue par un mouvement moins rapide. C'est la forme traditionnelle. Le ginga, selon un connaisseur, est le mouvement principal de cette danse, née dans les forêts angolaises (en amérindien, Capoeira signifie « clairière »). Il donne du style à un art martial développé par les esclaves, devenu une danse au fil des ans. Un art qui célèbre l'utilisation agile du pied car les esclaves avaient les mains liées mais également l'esquive qui est une tactique de défense. « Le principe est de frapper en esquivant la réplique. En fin de compte, personne ne touche son adversaire. On fait semblant », nous a-t-on précisé. A l'origine, les esclaves, maltraités par les maîtres, s'entraînaient à combattre, tout en n'éveillant pas les soupçons des vigiles. Alors, il avaient camouflé cela en danse. La capoeira peut être pratiquée aussi avec deux machettes. Ces outils symbolisent le travail des noirs dans les champs et dans les forêts pour la coupe de la canne à sucre et des lianes. « C'est aussi une arme de guerre. Pour le Kung Fu, il y a le sabre, pour la capoeira, il y a la machette », nous a-t-on expliqué. Torse nu et habillés en abada, le fameux pantalon blanc qui distinguaient les captifs, les capoeiristas de Beribazu ont multiplié, sous des lumières oranges, les jeux d'équilibre sur les mains et se sont livrés à des combats imaginaires. Les machettes, qui s'entrechoquaient, lâchaient des étincelles donnant des couleurs fuyardes à un spectacle athlétique. Cela n'a pu que plaire à un public majoritairement jeune. Les sonorités originales du berimbau, du pandeiro, de l'atabaque, du reco-reco et de l'agogo, instruments traditionnels de la capoeira, ajoutaient une ambiance délicieuse à l'atmosphère. Le berimbau, qui a son petit frère au Mozambique appelé chitende, est l'instrument distinctif des groupes de capoeira. L'atabaque est, lui, un instrument de percussion. Il est le voisin du tambour. Guilherme Baroni Morales, étudiant en biologie à l'université de Brasilia, et danseur de capoeira, était heureux à la fin du spectacle. Tout en sueur, il a expliqué que la capoeira est une danse de connaissance et de contact et a relevé que les joueurs d'instruments, qui sont danseurs également, ont un emplacement précis sur scène. « Notre groupe est né dans les années 1970. Il est présent dans tout le Brésil. Il compte des centaines de membres », a indiqué Guilherme Baroni Morales qui s'est dit émerveillé par l'énergie dégagée par le public.