Un nombre incalculable d'ONG, à l'image de Together as one, animée par des jeunes issus des communautés sikh, musulmane et chrétienne investissent également le terrain pour faire barrage à l'extrémisme. Un représentant de la police de Leeds, la ville d'où sont originaires les 4 auteurs des attentats du métro de Londres, a indiqué à ce propos que ce sont des enseignants qui ont attiré l'attention des services de sécurité sur le risque de basculement d'un jeune garçon dans l'extrémisme religieux. Lorsqu'une affaire liée à l'extrémisme ne relève pas encore des compétences de la police criminelle, il arrive souvent que les autorités locales de Leeds, ville qui compte près de 30 000 musulmans et qui bénéficie des services d'une unité spéciale pour prévenir et contrer le terrorisme, aident les «cas vulnérables» à diversifier leur horizon idéologique en leur faisant rencontrer des imams modérés et en les invitant à débattre de la pratique de l'Islam. Selon un membre de cette unité, la clef de la réussite dans le domaine de la lutte antiterroriste réside dans la capacité à créer une synergie entre les services de sécurité, les institutions locales et la société. Parallèlement à toute cette batterie de mesures, la police a désormais la prérogative d'arrêter n'importe qui, n'importe où pour le fouiller sans motif précis. Cette pratique, instaurée en 1984 dans le Police and Criminal Evidence Act, lequel Act a subi un lifting en 2000 pour les besoins de la lutte antiterroriste, est surtout connu sous l'appellation de «Stop and Search». Régulièrement dénoncé par des militants des droits de l'homme en raison de son caractère arbitraire, liberticide et des dérives racistes qu'il a occasionnées, il a conduit depuis sa réactivation à l'interpellation de plusieurs milliers de personnes. En janvier dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné le recours à cette forme de surveillance. L'ensemble du dispositif mis en place par le gouvernement britannique pour contrer le terrorisme a conduit à l'arrestation de plus de 200 individus suspectés de terrorisme. Le nombre de suspects faisant l'objet d'une enquête en Grande-Bretagne est passé de 500 en 2004 à 2000 en 2008. De leur côté, des responsables du Département britannique chargé des Collectivités locales et des Communautés soutiennent mordicus que «la liberté religieuse n'est pas un mythe au Royaume-Uni contrairement à d'autres pays en Europe» et rejettent l'idée selon laquelle les lois mises en place pour lutter contre le terrorisme ont conduit au rétrécissement du champ des libertés. «Nous sommes dans un pays où il existe des recours lorsqu'un dépassement est commis. D'ailleurs, une commission indépendante passe régulièrement au crible les données liées au ‘‘Stop and Search''», assurent-ils. Les mosquées coopératives avec la police Les explications et les assurances données par les représentants du gouvernement britannique à propos du «Stop and Search» ne convainquent pas beaucoup Sofiane, un journaliste d'origine algérienne travaillant pour un quotidien arabe basé à Londres depuis près de 15 ans. «Sachant qu'il y a eu de nombreux cas de délits de faciès, personnellement je ne me sens pas tout à fait à l'abri avec mon teint basané et mes cheveux crépus. Cela, même si je sais que je n'ai rien à me reprocher», soutient ce confrère. Akeela Ahmed, la responsable de Muslim Helpline de Londres, un centre d'appel créé pour aider et orienter les jeunes musulmans en difficulté assure que les actes de racisme ou d'intolérance ayant visé la communauté musulmane se comptent sur les doigts d'une seule main. Elle soulignera que «le vrai problème des jeunes musulmans reste le chômage et la précarité sociale. Plus de 50% des moins de 28 ans n'ont pas d'emploi». Malgré cela, l'avis de Sofiane est largement partagé, notamment par Ahmed, un habitué de la grande mosquée de Leeds qui planche actuellement sur un projet de création d'une association de scouts musulmans. «Pour le moment, nous n'avons pas de problèmes, mais avec les nouvelles lois antiterroristes nous avons l'impression d'être constamment surveillés. A la longue, cela devient pesant et stressant. Avec le dispositif (antiterroriste) mis en place, rien n'échappe aux services de sécurité britanniques. Ils savent tout ce qui se passe dans les mosquées», raconte ce ressortissant tunisien d'une quarantaine d'années qui reconnaît tout de même que la mosquée de Leeds, qui est gérée par un imam d'origine libyenne, entretient des rapports cordiaux avec les autorités locales, y compris avec la police. Y a-t-il encore des salafistes à Leeds ? Notre interlocuteur répond par l'affirmative. Il précisera néanmoins qu'«ils sont mis en minorité par la communauté qui est à majorité malékite». Imam et responsable d'une association religieuse située dans le département d'Islington à Londres, Maymoon Zarzoor a, quant à lui, un avis tout à fait différent. Il se dit être même sur la même longueur d'onde que les autorités britanniques. Affirmant être opposé à la violence sous toutes ses formes, M. Zarzoor soutient que la mosquée doit s'investir dans l'enseignement des vrais préceptes de l'Islam, participer à bannir les idées extrémistes et aider les musulmans à s'intégrer dans la société britannique. Ce sexagénaire d'origine libanaise, qui se revendique du rite hanafite, ne cache pas par ailleurs le fait que son association s'implique régulièrement dans des campagnes de sensibilisation contre la violence et la drogue destinées aux enfants auxquelles participe la police. M. Zarzoor s'enorgueillit même d'avoir les meilleures relations qui soient avec certains membres du gouvernement britannique. Au-delà des réactions contrastées qu'elle suscite encore au sein de la communauté musulmane de Grande-Bretagne, la stratégie de lutte contre le terrorisme du gouvernement de Gordon Brown a participé, selon de nombreux témoignages, à instaurer un climat de crainte et de suspicion dans les mosquées. C'est sans doute la raison pour laquelle depuis son entrée en vigueur, les fidèles ne s'y attardent plus comme avasnt.